Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Start Prod a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 novembre 2018 par laquelle la maire de Paris a refusé l'autorisation d'extension d'une terrasse ouverte au-devant de l'établissement qu'elle exploite au 46 rue des Lombards dans le 1er arrondissement.
Par un jugement n° 1901123/4-1 du 7 janvier 2021 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 mars 2021, la société Start Prod, représentée par Me Meilhac, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête ;
2°) d'annuler la décision du 22 novembre 2018 de la maire de Paris ayant refusé l'autorisation d'extension de sa terrasse ;
3°) d'enjoindre à la maire de Paris de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et de faire droit à celle-ci dans un délai de deux mois ;
4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- le motif de la décision contestée, tiré des procès-verbaux d'infraction dont elle a fait l'objet, n'est pas matériellement établi, dès lors que ces derniers n'ont pas été produits et qu'elle a contesté les avis de contravention qui lui ont été adressés ;
- l'extension projetée ne contrevient pas aux dispositions de l'article DG.11.1 du règlement des étalages et des terrasses, puisqu'il est laissé un espace de circulation aux piétons d'un mètre de largeur sur le trottoir ;
- la décision contestée procède d'une inégalité de traitement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2022, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Start Prod une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- l'arrêté du maire de Paris du 6 mai 2011 portant règlement des étalages et terrasses sur l'ensemble du territoire de la Ville de Paris ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lapouzade, président-rapporteur,
- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,
- les observations de Me Meilhac, avocat de la société Start Prod, et de Me Falala, avocat de la Ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. La société Start Prod est propriétaire d'un fonds de commerce de bar, pub, discothèque, à l'enseigne " Hide pub - club in Paris ", qu'elle exploite au 46 rue des Lombards dans le 1er arrondissement de Paris. Elle bénéficie depuis 2016 d'une autorisation d'occupation du domaine public pour une terrasse ouverte de 5,20 mètres de long par 1,70 mètre de large. Elle a demandé, par un dossier déposé le 29 juin 2018, l'extension de cette terrasse en portant sa largeur à 2,30 mètres. Par un arrêté du 22 novembre 2018 la maire de Paris a rejeté cette demande. La société Start Prod a contesté ce refus devant le tribunal administratif de Paris, lequel, par un jugement du 7 janvier 2021, dont elle fait appel, a rejeté sa requête.
Sur la légalité de la décision contestée :
En ce qui concerne le défaut de motivation :
2. Alors que la société Start Prod ne développe au soutien de ce moyen aucun argument de droit ou de fait nouveau, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée, par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne l'erreur de fait :
3. Il est constant que le refus d'autorisation en cause a été pris pour un premier motif tiré d'infractions multiples au règlement des terrasses consistant en des dépôts de tables et chaises sur la voie publique sans autorisation et embarras de celle-ci au cours de l'année 2018.
4. Il appartient à l'autorité administrative affectataire de dépendances du domaine public de gérer celles-ci tant dans l'intérêt du domaine et de son affectation que dans l'intérêt général. L'autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine en vue d'y exercer une activité économique, à la condition que cette occupation soit compatible avec l'affectation et la conservation du domaine. Les autorisations privatives d'occupation de ce domaine, telles que les autorisations d'implantation de terrasses ou leur renouvellement, ne constituent pas un droit pour les demandeurs ou leur titulaire.
5. Il ressort des avis de contravention, produits par la société Start Prod elle-même, qu'ils comportent toutes les précisions sur la nature des infractions relevées successivement les 12 janvier, 14 février, 28 septembre et 1er octobre 2018, l'heure à laquelle elles ont été constatées et la mention des agents verbalisateurs, et qu'ils se référent ainsi aux procès-verbaux qui ont été dressés en rapport avec ces infractions au cours de l'année 2018. La société Start Prod à qui il incombe d'apporter le cas échéant la preuve de l'inexactitude matérielle des faits ainsi constatés, ne l'apporte pas en se bornant à démontrer qu'elle a contesté ces avis, mais sans fournir d'indication sur un éventuel résultat favorable de la procédure suivie. Les faits d'encombrement de la voie publique, au-delà de l'autorisation accordée, doivent dès lors, nonobstant la circonstance que les procès-verbaux de contraventions n'ont pas été versés au dossier, être considérés comme établis, l'avis émis par le maire du 1er arrondissement de Paris, consulté, étant, en outre, défavorable, compte tenu " des nuisances déjà signalées ", et pouvaient justifier le refus d'extension de la terrasse.
En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation :
6. Le second motif fondant la décision contestée repose sur les dispositions de l'article DG 11.1 du règlement des étalages et terrasses sur le domaine public parisien du 6 mai 2011, relatif aux voies piétonnes, selon lesquelles un refus peut être prononcé si la configuration des lieux, la sécurité, la bonne circulation des piétons ou l'aspect, ne sont pas assurés dans des conditions satisfaisantes, eu égard à la fréquentation de la voie dans laquelle l'extension de terrasse est envisagée.
7. L'article DG.5 du même règlement, contenu dans le titre I portant dispositions générales applicables à toutes les installations, relatif aux conditions d'octroi de l'autorisation, prévoit que : " La demande d'autorisation doit respecter les dispositions du présent règlement. (...) / L'autorisation peut être refusée notamment pour des motifs liés : / - aux conditions locales de circulation (piétons, livraisons, accès aux bâtiments, ...), / - à la configuration des lieux (plantations, mobilier urbain, signalisations, émergences, réseaux et concessionnaires, installations voisines, ...), / -aux conditions de sécurité (accès aux engins de secours, bouches d'incendie, robinets de barrages de gaz, ...). ". L'article DG 11 de ce règlement, soumet à un régime particulier certaines voies, notamment celles qui sont piétonnes, " Nonobstant les dispositions générales et particulières ". L'article DG 11.1 de ce règlement prévoit, ainsi, que : " Les voies piétonnes, aires piétonnes (fermées à la circulation générale motorisée en permanence, mais ouvertes sous certaines conditions aux véhicules d'ayants droit), (...) peuvent comporter des installations sur trottoir ou sur chaussée, sous les conditions suivantes : / - ménager en permanence une zone de circulation des piétons, pouvant servir de zone d'intervention pour les véhicules des ayants droit ou d'intervention pour les services d'entretien et de sécurité, d'une largeur minimale de 4,00 mètres, située dans l'axe de la chaussée, / - maintenir une zone de circulation d'une largeur minimale de 1,80 mètre libre de tout obstacle, réservée à la circulation des piétons, et en particulier des personnes à mobilité réduite, entre étalage et contre-étalage, ou terrasse et contre-terrasse. / Ces installations peuvent être refusées, ou n'être autorisées qu'à titre exceptionnel et pour des durées limitées si la configuration des lieux, la sécurité, la bonne circulation des piétons ou l'aspect, ne sont pas assurés dans des conditions satisfaisantes. ".
8. Il résulte des dispositions de l'article DG 11.1 du règlement, que dans les voies piétonnes, une zone de circulation des piétons doit être prévue, d'une largeur minimale de 4 mètres dans l'axe de la chaussée, et la société appelante soutient que l'espace piéton, composé à la fois de la chaussée et de l'espace résiduel qu'elle laisserait sur le trottoir, est supérieur à ces dimensions de 4 mètres. Toutefois, nonobstant le respect de la largeur de cette zone de circulation, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la demande d'avis transmise par la maire de Paris au maire du 1er arrondissement concernant cette autorisation, que le trottoir sur lequel la terrasse prend place est d'une largeur totale de 3,50 mètres, mais d'une largeur utile de 3,20 m, et que par conséquent la terrasse actuelle d'1,70 mètre de large, laisse un espace de circulation piétonne sur le trottoir d'1,50 mètre, qui serait réduit à 0,90 mètre si sa largeur était portée à 2,30 mètres comme demandée par la société appelante. Il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des photographies produites par la Ville de Paris, qui démontrent que cette rue est très fréquentée, contrairement à ce que soutient la société requérante, que les piétons seraient susceptibles de cheminer, non sur le trottoir, mais seulement sur la chaussée centrale, alors que cette chaussée peut en outre être utilisée par des engins à deux roues non motorisés, ainsi que par des véhicules de livraison, de secours et de nettoyage, rendant l'usage du trottoir nécessaire, et alors que prend déjà place à l'opposé du local de la société appelante, une terrasse fermée occupant, de longue date, comme le fait valoir l'appelante elle-même, le trottoir. Dans ces conditions, et dès lors que la bonne circulation des piétons n'est pas assurée dans des conditions satisfaisantes au sens des dispositions précitées de l'article DG 11.1 du règlement, la maire de Paris, qui dispose d'une large marge d'appréciation dans l'octroi des autorisations d'occupation du domaine public en vue d'y exploiter des terrasses, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions.
En ce qui concerne le principe d'égalité :
9. La société Start Prod soutient que d'autres établissements situés à proximité immédiate du sien bénéficient d'une autorisation de terrasse de plus grande largeur. Toutefois, le principe d'égalité ne s'applique qu'entre personnes se trouvant dans des situations comparables, et il ressort des écritures mêmes de la société appelante, que ces établissements se situent dans d'autres rues que la sienne et que leur terrasse est " attenante à une voie circulée ", ce qui n'est pas son cas. Si elle se prévaut de l'autorisation accordée à l'établissement situé sur le trottoir en face du Hide pub, il ressort des pièces du dossier qu'il s'agit d'une terrasse fermée et la présence de cette terrasse précisément en face de l'établissement de la société requérante vient au contraire limiter la place disponible pour les piétons et démontre, ainsi, que la société requérante est dans une situation différente. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces différents établissements ont, comme la société requérante, été verbalisés pour une méconnaissance de la règlementation en matière d'occupation du domaine public. La société Start Prod n'est donc pas fondée à invoquer une différence de traitement avec ces établissements, et, en tout état de cause, la décision contestée ayant été édictée pour des motifs d'intérêt général en vue d'assurer la bonne circulation des piétons, une différence de traitement serait sans influence sur sa légalité.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Start Prod n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Dès lors, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Ville de Paris, qui n'est pas la partie perdante, verse à la société Start Prod la somme qu'elle demande au titre des frais qu'elle a exposés. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Start Prod une somme de 1 500 euros à verser à la Ville de Paris.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Start Prod est rejetée.
Article 2 : La société Start Prod versera à la Ville de Paris une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Start Prod et à la Ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président-rapporteur,
- M. Gobeill, premier conseiller,
- Mme Guilloteau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2023.
Le président-rapporteur,
J. LAPOUZADE L'assesseur le plus ancien,
J-F. GOBEILL
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01179