Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 mars 2021 par lequel le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2110470 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2021, M. D..., représenté par Me Kati, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour pour soins dans le délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ou, à défaut, d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la même décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé.
Sur la décision de refus du titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que l'avis du collège de médecins ne vise pas la prise en compte des éléments complémentaires qui lui ont été demandés ;
- elle méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'aucun traitement approprié à son état de santé n'est disponible au Pakistan et, à supposer même qu'un tel traitement existe, il ne pourrait y avoir accès ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'un retour au Pakistan sur son état de santé.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du fait de l'absence de traitement médical et de la privation de soins dans son pays d'origine.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le préfet de police a présenté un mémoire le 6 décembre 2022, enregistré après la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux, et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... D..., ressortissant pakistanais né le 10 février 1982, est entré en France le 18 septembre 2016 selon ses déclarations. Il a sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 mars 2021, le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D... relève appel du jugement du 15 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés par le requérant, ont indiqué de manière suffisamment précise les motifs pour lesquels ils ont écarté l'ensemble des moyens présentés par M. D..., notamment celui tiré de l'absence de disponibilité du traitement approprié dans le pays d'origine. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation du jugement ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, M. D... reprend son moyen de première instance tiré de l'insuffisance de motivation. Il ne développe au soutien de ce moyen aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 20 janvier 2021, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a sollicité de M. D... la production de pièces complémentaires, à savoir les dernières ordonnances médicales, le dernier compte-rendu d'hospitalisation et les derniers résultats d'examens médicaux en sa possession. Par courrier du 27 janvier 2021, réceptionné le 29 janvier 2021, soit dans le délai de quinze jours qui lui était imparti pour le faire, M. D... a transmis à l'OFII deux ordonnances médicales en date des 23 mars 2020 et 12 juillet 2020, ainsi qu'un compte-rendu médical du centre Primo Levi pour l'année 2020. Si M. D... soutient qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'OFII aurait tenu compte des éléments portés à sa connaissance, tant au stade de l'élaboration du rapport qu'à celui de l'élaboration de l'avis, du fait notamment de l'absence de visa de ces pièces, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose toutefois au rapporteur ou au collège de médecins de l'OFII de faire mention des pièces complémentaires sollicitées, seules les rubriques relatives à la convocation de l'intéressé pour un examen médical, à sa présentation à cette convocation, à l'éventuelle demande d'examens complémentaires et à la justification de l'identité de l'intéressé devant être renseignées aux termes des annexes de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux, et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. De plus, M. D... n'apporte aucun commencement de preuve de nature à établir que l'OFII n'aurait pas pris en compte les derniers éléments précités portés à sa connaissance pour établir son avis du 2 mars 2021. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 30 mars 2021 du préfet de police serait entaché d'un vice de procédure, faute pour le collège de médecins de l'OFII d'avoir pris en considération les pièces complémentaires fournies par le requérant, ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable, et dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 423-23 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
7. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens des dispositions précitées, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence de traitements appropriés et de leur disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser à M. D... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 2 mars 2021, selon lequel si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement adapté au Pakistan. Pour contester cet avis, M. D..., qui souffre d'un état de stress post-traumatique et d'un syndrome anxio-dépressif consécutifs aux évènements qu'il aurait subis dans son pays d'origine, soutient que le préfet de police n'établit pas la disponibilité du traitement médical requis par son état de santé au Pakistan, alors en outre qu'il est originaire d'une zone tribale parmi celles appelées FATA (Federally administrated tribal areas - régions tribales administrées fédéralement), qui connaissent une situation de violence généralisée. Il invoque à cet égard un rapport à caractère général de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR), relatif à l'accès aux soins psychiatriques au Pakistan, qui mentionne que le traitement médicamenteux que son état de santé nécessite, composé de Propranolol 40, de Proxetine, d'Alzaprolam 0,25 et de Zopiclone, ne serait pas disponible dans ce pays. Or le préfet, pour sa part, établit, d'une part, qu'il existe au Pakistan des structures en mesure de prendre en charge les pathologies psychiatriques de l'intéressé, quand bien même celles-ci seraient éloignées de sa ville d'origine, et, d'autre part, que les quatre médicaments précités sont présents au Pakistan, commercialisés sous des marques diverses. Par ailleurs, il ressort de la décision de la Cour nationale du droit d'asile n° 17043052 du 22 mai 2018 que les violences dans la région du Khyber-Pakhtunkhwa, dont M. D... soutient être originaire, et qui feraient obstacle, selon lui, à la disponibilité de son traitement, ont fortement baissé depuis 2017 et qu'aucune victime n'est à déplorer dans l'agence du Mohmand où réside l'intéressé depuis cette date, le rapport de situation produit par le préfet de police mentionnant en outre que les FATA ont disparu depuis 2018. Par suite, les pièces versées aux débats par M. D... sont insuffisantes pour remettre en cause le bien-fondé de l'avis du collège de médecins de l'OFII. Enfin, si le requérant produit plusieurs certificats médicaux établis les 13 juin 2018, 4 décembre 2018 et 24 avril 2019 par un médecin généraliste du centre de soins Primo Levi, mentionnant notamment que " l'arrêt des traitements et de la prise en charge médicale en France dans un lieu sécurisant aurait des conséquences d'une extraordinaire gravité pour la santé de M. A... (M. D...) ", que " le retour au pays risque non seulement de le confronter (M. D...) de nouveau aux auteurs des violences qu'il a subies et tenté de fuir (...) mais encore le simple fait de se retrouver dans le pays où elles ont eu lieu représente un risque majeur de faire flamber cette mémoire traumatique qui peut entrainer la mort par la production massive et suraigüe de neuromédiateurs du stress ", ces documents ne suffisent pas à établir que le requérant ne pourrait, quand bien même sa pathologie serait en lien direct avec des évènements subis dans son pays d'origine, y recevoir les soins nécessaires à sa pathologie psychiatrique, le cas échéant dans une région autre que sa région d'origine. Dans ces conditions, le préfet de police a pu légalement, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser de délivrer un titre de séjour au requérant en qualité d'étranger malade.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, M. D... reprend son moyen de première instance tiré de l'insuffisance de motivation. Il ne développe toutefois au soutien de ce moyen aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
9. En second lieu, aucun des moyens précités dirigés contre la décision de refus de titre de séjour n'est fondé. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale du fait de l'illégalité de cette décision.
10. En troisième lieu, M. D... ne peut utilement soulever le moyen tiré de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, qui ne fixe par elle-même aucun pays de destination.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
12. Ainsi qu'il a été dit au point 7, si l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard aux caractéristiques du système de santé pakistanais. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente,
- M. D'Haëm, président-assesseur,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.
Le rapporteur,
P. C...
La présidente,
M. B...
La greffière,
O. BADOUX-GRARE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA05855 2