Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Trivert a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2019 par lequel le maire de la commune de Coutevroult a procédé au retrait du permis de construire qui lui avait été délivré le 23 octobre 2018 en vue de la réalisation d'une plateforme de compostage sur un terrain situé RD 96 chemin de la Celle.
Par un jugement n° 1901812 du 24 septembre 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté attaqué.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 novembre 2021, la commune de Coutevroult, représentée par Me Cazin, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°19018012 du 24 septembre 2021 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande de la société Trivert devant le tribunal administratif de Melun ;
3°) de mettre à la charge de la société Trivert la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle était fondée à retirer le permis délivré dès lors que le projet est de nature à porter atteinte à la salubrité publique au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- le retrait aurait pu être légalement fondé sur la méconnaissance par le projet de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ; en considérant que le projet pouvait être autorisé sur le fondement de l'article L. 111-4 du même code, les premiers juges ont apporté une réponse contradictoire avec celle apportée quant au risque pour la salubrité publique ;
- le retrait aurait pu être légalement fondé sur la circonstance que le projet compromet l'exécution du futur plan local d'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2022, la société Trivert, représentée par Me Trennec, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Coutevroult au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la commune requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de compostage soumises à déclaration sous la rubrique n° 2780 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,
- et les observations de Me Cazin, avocat de la commune de Coutevroult.
Considérant ce qui suit :
1. Le 23 octobre 2018, le maire de la commune de Coutevroult a délivré à la société Trivert un permis de construire une plateforme de broyage et de compostage située RD 96, chemin de la Celle. Par un arrêté du 19 janvier 2019, le maire a retiré ce permis de construire. La société Trivert a demandé l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2019 au tribunal administratif de Melun lequel, par un jugement du 24 septembre 2021, a fait droit à sa demande. La commune de Coutevroult fait appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En vertu de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, un permis de construire ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de la décision.
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.
4. L'arrêté du 19 janvier 2019 retirant le permis de construire délivré énonce que le projet présente un " risque non négligeable de pollution des nappes phréatiques par les eaux pluviales et de ruissellement " alors qu'il se situe à proximité d'habitations alimentées en eau potable par captage individuel. Il ressort toutefois de la notice produite à l'appui de la demande de permis de construire que le projet consiste en la création d'une plateforme de broyage et de compostage de matières organiques, comportant des aires de réception de réception, de stockage, de fermentation et de maturation et également une fosse de rétention et de décantation des eaux de 300 m3 ainsi qu'un bassin d'infiltration planté de roseaux, afin d'assurer un traitement des eaux entièrement sur le site. Par ailleurs, le dossier de déclaration d'installation classée pour la protection de l'environnement, dont la préfecture de Seine-et-Marne a enregistré le dépôt les 12 janvier 2017 et 2 octobre 2017, précise que les différentes zones sont étanches et aménagées pour permettre la récupération des eaux pluviales de ruissellement et des jus de compost vers un dispositif de traitement des eaux, que les eaux pluviales de ruissellement seront canalisées via des réseaux dédiés et acheminés vers le bassin de décantation/régulation et seront ensuite recyclées pour l'arrosage de la zone de fermentation, tandis que le projet ne comportera pas d'eaux usées et que les eaux pluviales de toiture, qui ne seront pas en contact avec les sols étanches des zones d'activité, de stockage et de circulation, ne nécessitent pas de traitement et seront infiltrées directement à la parcelle. Si la commune soutient que le projet implique l'emploi de produits nocifs de nature à créer un risque fort de pollution des nappes phréatiques, cette circonstance ne ressort d'aucune pièce du dossier alors que la société Trivert soutient que le procédé mis en œuvre s'effectue par fermentation aérobie, c'est-à-dire en présence d'air et d'humidité, sans aucun apport de produit activateur ou accélérateur. La commune ne peut pas davantage utilement se fonder sur une fiche technique d'ordre général de l'agence de l'environnement et de la maitrise de l'énergie relative au compostage sur sol nu non stabilisé dès lors que le projet prévoit la mise en place d'aires étanches. Il ne ressort enfin pas des pièces du dossier que la parcelle cadastrée XR 009 serait située dans un secteur à enjeux humides identifié par le schéma d'aménagement et de gestion des eaux des Deux Morin ou que la déclivité de celle-ci aurait pour conséquence d'entraîner des eaux polluées vers le captage de l'habitation la plus proche, alors que le projet en cause respecte la distance d'éloignement d'au moins 35 mètres imposée aux puits, forages et installations utilisées pour le stockage des eaux destinées à l'alimentation en eau potable par l'arrêté du 12 juillet 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de compostage soumises à déclaration sous la rubrique n° 2780. Dans ces conditions et compte tenu des prescriptions auxquelles l'activité est soumise au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet porterait atteinte à la salubrité publique.
5. L'arrêté du 23 octobre 2018 délivrant à la société Trivert un permis de construire pour la réalisation de la plateforme de broyage et de compostage n'était ainsi pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. C'est, par suite, à bon droit que les premiers juges ont estimé que le maire de la commune de Coutevroult ne pouvait légalement procéder à son retrait pour ce motif.
6. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. ".
7. La commune, dont il est constant qu'elle n'était pas couverte par un plan local d'urbanisme ni par autre document d'urbanisme en tenant lieu pour l'application de ces dispositions à la date de l'arrêté du 23 octobre 2018 délivrant le permis de construire, fait valoir que le retrait de cet acte aurait pu être légalement fondé sur la méconnaissance de la règle de constructibilité énoncée à l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme. Toutefois, l'article L. 111-4 du même code permet d'autoriser en dehors des parties urbanisées de la commune, notamment, " les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées ". Une activité de broyage et de compostage de déchets organiques est susceptible de générer en particulier des nuisances sonores ou olfactives et l'arrêté du 12 juillet 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de compostage soumises à déclaration sous la rubrique n° 2780 impose d'ailleurs des distances d'éloignement par rapport aux habitations occupées par des tiers. Il suit de là que la construction projetée peut être regardée incompatible avec le voisinage des zones habitées au sens du 3° de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, alors même qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait susceptible de porter atteinte à la sécurité ou à la salubrité publique.
8. L'arrêté du 23 octobre 2018 pouvait ainsi légalement autoriser le projet en dehors des parties urbanisées de la commune. Les premiers juges ont ainsi, à bon droit et sans contradiction, estimé que le motif tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ne pouvait pas fonder légalement le retrait du permis délivré le 23 octobre 2018.
9. En dernier lieu, l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au présent litige, dispose que : " Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles (...) L. 153-11 (...) du présent code ". Aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. ".
10. Il ressort des pièces du dossier que le plan d'occupation des sols de la commune a été mis en révision par délibération du 20 mars 2011. La commune soutient sans être contredite que les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ont été débattues lors de la réunion du conseil municipal du 10 octobre 2016, soit antérieurement à la délivrance du permis de construire obtenu par la société Trivert, le 23 octobre 2018. Le document produit, en admettant qu'il corresponde à l'état d'avancement du projet d'aménagement et de développement durables à la date du 23 octobre 2018, identifie le terrain d'assiette du projet comme appartenant à une zone où l'espace ouvert du plateau agricole et l'activité agricole doivent être préservés. La commune ne peut en revanche utilement se prévaloir du règlement du plan local d'urbanisme classant le terrain d'assiette en zone Aa, dans laquelle " toute activité susceptible d'engendre une pollution de la nappe phréatique est interdite ", le document produit étant daté de juillet 2019 et la société Trivert soulignant que ces dispositions ont été ajoutées postérieurement à l'arrêté de retrait du 19 janvier 2019.
11. La commune fait valoir que la réalisation du projet rendrait le terrain d'assiette comme les champs avoisinants impropres à l'activité agricole, compte tenu des pollutions que l'activité engendrerait. Cette affirmation ne peut toutefois être tenue pour établie, compte tenu des prescriptions applicables à l'activité au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement et des modalités de réalisation du projet décrites au point 4. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que le projet compromettrait, pour ce motif, l'exécution du futur plan local d'urbanisme.
12. Ainsi, en n'opposant pas un sursis à statuer, l'arrêté du 23 octobre 2018 délivrant un permis de construire à la société Trivert n'était pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Les premiers juges ont dès lors retenu à bon droit que ce motif ne pouvait pas davantage fonder légalement le retrait de ce permis.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Coutevroult n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté en date du 19 janvier 2019.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Trivert, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Coutevroult au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Coutevroult la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Trivert au titre de l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Coutevroult est rejetée.
Article 2 : La commune de Coutevroult versera à la société Trivert une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Coutevroult et à la société Trivert.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,
- M. Gobeill, premier conseiller,
- Mme Guilloteau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2022.
La rapporteure,
L. A...Le président,
S. DIÉMERT
La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision
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N° 21PA05828