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29/12/2022 | FRANCE | N°21PA03234

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 29 décembre 2022, 21PA03234


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée PI 3A a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 10 janvier 2020 par laquelle le directeur général de l'établissement public foncier d'Île-de-France a préempté le terrain cadastré section D n°58 situé 157 rue Edouard Branly sur le territoire de la commune de Montreuil, ensemble la décision du 24 avril 2020 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2005674 du 7 avril 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté

sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée PI 3A a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 10 janvier 2020 par laquelle le directeur général de l'établissement public foncier d'Île-de-France a préempté le terrain cadastré section D n°58 situé 157 rue Edouard Branly sur le territoire de la commune de Montreuil, ensemble la décision du 24 avril 2020 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2005674 du 7 avril 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 juin 2021 et le 12 octobre 2022, la société par actions simplifiée PI 3A, représentée par Me Delhaes, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2005674 du 10 juin 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler la décision du 10 janvier 2020 par laquelle le directeur général de l'établissement public foncier d'Île-de-France a préempté le terrain cadastré section D n°58 situé 157 rue Edouard Branly sur le territoire de la commune de Montreuil, ensemble la décision du 24 avril 2020 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'annuler le versement mis à sa charge de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) d'enjoindre toutes mesures d'exécution utiles au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

5°) mettre à la charge de l'établissement public foncier d'Île-de-France la somme de

3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation en tant qu'il retient que la construction de logement sociaux poursuivait un intérêt général à défaut d'analyse des caractéristiques de la parcelle litigieuse ;

- le jugement est entaché d'une omission à statuer à défaut d'examen de l'inconventionalité des articles L. 210-1 et R. 300-1 du code de l'urbanisme à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de préemption est entachée d'incompétence ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est illégale en l'absence de réalité du projet ;

- elle ne répond pas à un intérêt général suffisant ;

- elle est entachée de détournement de pouvoir et de procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2022, l'établissement public foncier d'Île-de-France, représenté par Me Ceccarelli-Le Guen, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société par actions simplifiée PI 3A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... ;

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public ;

- et les observations Me Ricard, substituant Me Ceccarelli-Le Guen, avocat de l'établissement public foncier d'Île-de-France

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 novembre 2019, la société par actions simplifiée PI 3A a conclu une promesse unilatérale de vente en vue de l'acquisition d'un terrain cadastré section D n°58, situé au 157 rue Edouard Branly sur le territoire de la commune de Montreuil. Après réception de la déclaration d'intention d'aliéner correspondante, le directeur général de l'établissement public foncier d'Île-de-France a exercé le droit de préemption urbain sur ce bien par une décision du 10 janvier 2020. Par la présente requête, la société par actions simplifiée PI 3A relève appel du jugement du 7 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi qu'à celle de la décision du 24 avril 2020 rejetant son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'absence d'intérêt général suffisant de l'opération en vue de laquelle a été prise la décision de préemption, en estimant que la société par actions simplifiée PI 3A n'apportait " aucun élément au soutien de son moyen alors que la construction de logements sociaux poursuit un intérêt général ". Il ressort toutefois des pièces du dossier de première instance que la société faisait valoir que la commune et l'établissement public foncier d'Île-de-France disposaient déjà des parcelles nécessaires pour la construction de logements, que le bien préempté ne pouvait pas participer à cette opération programmée sur d'autres parcelles non contiguës et qu'un projet privé de construction aurait permis d'atteindre les mêmes objectifs de production de logements. Eu égard à la teneur des écritures, la société par actions simplifiée PI 3A est fondée à soutenir que le jugement est insuffisamment motivé et doit être annulé comme irrégulier.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société par actions simplifiée PI 3A devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur la légalité de la décision de préemption du 10 janvier 2020 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme : " Lorsque la commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer tout ou partie des compétences qui lui sont attribuées par le présent chapitre. / Toutefois, la compétence d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, d'un établissement public territorial créé en application de l'article L. 5219-2 du code général des collectivités territoriales, ainsi que celle de la métropole de Lyon en matière de plan local d'urbanisme, emporte leur compétence de plein droit en matière de droit de préemption urbain (...) ". Aux termes de l'article L. 5219-2 du code général des collectivités territoriales : " Dans le périmètre de la métropole du Grand Paris, sont créés, au 1er janvier 2016, des établissements publics de coopération intercommunale dénommés "établissements publics territoriaux" (...) ". L'article L. 5211-9 du même code dispose que : " (...) Le président de l'établissement public de coopération intercommunale peut, par délégation de son organe délibérant, être chargé d'exercer, au nom de l'établissement, les droits de préemption, ainsi que le droit de priorité, dont celui-ci est titulaire ou délégataire en application du code de l'urbanisme. Il peut également déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien, dans les conditions que fixe l'organe délibérant de l'établissement (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le conseil du territoire de l'établissement public territorial Est Ensemble Grand Paris a délégué l'exercice du droit de préemption urbain à son président par une délibération du 7 janvier 2016 puis l'a autorisé à déléguer ce droit par une délibération du 4 juillet 2017. Ces deux délibérations sont revêtues de la mention " certifié exécutoire ", avec indication de la date à laquelle elles ont respectivement été transmises au contrôle de légalité et publiées. De telles mentions apposées, sous la responsabilité du président de l'établissement public de coopération intercommunale, font foi jusqu'à preuve du contraire. Si la société requérante souligne l'absence de justification de la compétence de la troisième vice-présidente pour signer les certificats d'affichage et de publication établis pour l'instance, elle n'apporte aucun élément circonstancié de nature à remettre en cause les mentions apposées sur les délibérations. Le président de l'établissement public territorial Est Ensemble Grand Paris a ainsi pu régulièrement déléguer l'exercice du droit de préemption au directeur de l'établissement public foncier d'Île-de-France par sa décision n° 2019-665 du 20 décembre 2019. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l'avis du service des domaines sur le prix de l'immeuble dont il envisage de faire l'acquisition dès lors que le prix ou l'estimation figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l'arrêté du ministre chargé du domaine prévu à l'article R. 1211-2 du code général de la propriété des personnes publiques (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que le service des domaines a été consulté et a émis un avis sur la valeur du bien concerné le 9 janvier 2020, après visite. Le moyen tiré du défaut de consultation de ce service doit ainsi être écarté comme manquant en fait.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 1211-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les projets d'opérations immobilières mentionnés à l'article

R. 1211-1 comprennent les acquisitions à l'amiable, par adjudication ou par exercice du droit de préemption, d'immeubles, de droits réels immobiliers, de fonds de commerce et de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en pleine propriété d'immeubles ou partie d'immeubles (...) ". Aux termes de l'article R. 1211-6 du même code : " Lorsque l'État ou l'un de ses établissements publics envisage de passer un des actes mentionnés à l'article R. 1211-2 (...), en retenant un montant supérieur à l'évaluation domaniale, il doit au préalable prendre une décision motivée de passer outre. Cette décision est prise par le ministre responsable de l'opération ou l'autorité de tutelle de l'établissement public, après accord du ministre chargé du domaine. Toutefois, le préfet est compétent pour prendre la décision de passer outre lorsque le montant de ces projets ne dépasse pas une somme, en valeur vénale, fixée par arrêté du ministre chargé du domaine. / La décision de passer outre est adressée au directeur départemental des finances publiques du département de la situation du bien. / Lorsque le bien ou l'ensemble foncier dont l'estimation donne lieu à une décision de passer outre s'étend sur plusieurs départements, cette décision est prise conjointement par les préfets de chacun des départements concernés et adressée aux directeurs départementaux des finances publiques compétents ".

10. Le service des domaines, dans son avis du 9 janvier 2020, a estimé la valeur vénale du bien à la somme de 810 000 euros, somme qui est celle proposée par la décision de préemption contestée. Dès lors que le directeur général de l'établissement public foncier d'Île-de-France n'a pas entendu retenir un montant supérieur à l'évaluation domaniale, la procédure prévue à l'article R. 1211-6 du code général de la propriété des personnes publiques ne trouvait pas à s'appliquer. Le moyen tiré de la méconnaissance de cet article ne peut dès lors qu'être écarté.

11. En quatrième lieu, l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige, dispose que : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine ". En vertu de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

12. La décision du 20 janvier 2020 indique que la parcelle litigieuse est située dans le périmètre d'études Boissière et est concernée par l'orientation d'aménagement et de programmation Boissière, inscrits au plan local d'urbanisme approuvé le 25 septembre 2018, qu'elle constitue un site de veille foncière de la convention d'intervention foncière conclue le 14 février 2019 entre la ville de Montreuil, l'établissement public territorial Est Ensemble Grand Paris et l'établissement public foncier d'Île-de-France et que la mission de l'établissement public foncier d'Île-de-France sur ce site consiste en l'acquisition, au cas par cas, des biens immobiliers et fonciers constituant une opportunité stratégique au sein des périmètres de veille, telle que définie dans l'article CGI 1.3 de la convention. Elle précise que l'établissement public foncier d'Île-de-France et la commune sont déjà propriétaires des parcelles D280, D281 et D49, qu'à ce titre une opération de remembrement foncier est nécessaire entre ces parcelles et les parcelles attenantes, notamment la parcelle D58, et que la préemption de cette parcelle permettra sur ce périmètre de réaliser une opération d'une soixantaine de logement diversifiés comprenant une part de logements locatifs sociaux. La décision du 20 janvier 2020 énonce ainsi avec précision la nature de l'opération en vue de laquelle elle a été prise. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet acte doit par suite être écarté comme manquant en fait.

13. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que par une convention d'intervention foncière conclue le 14 février 2019, la commune et l'établissement public territorial Est Ensemble Grand Paris ont confié à l'établissement public foncier d'Île-de-France la mission d'acquérir des biens en vue de la production globale de 1 500 à 1 800 logements, dont 30% de logements locatifs sociaux et de 30 000 m² de surfaces d'activité, afin d'anticiper l'arrivée de futures lignes de transports en commun structurantes, telle que la ligne 11 dans le secteur Boissière, et la mise en œuvre de projets d'aménagement d'ensemble. Le bien préempté figure au sein du périmètre de veille foncière défini par cette convention, au sein duquel l'établissement public foncier d'Île-de-France est chargé de l'acquisition, au cas par cas, des parcelles constitutives d'une opportunité foncière. Il ressort également des pièces du dossier que, par une délibération du 30 septembre 2015, le conseil municipal a institué un périmètre d'études sur le secteur Boissière, lequel inclut la parcelle litigieuse, afin de maitriser les conditions de développement de ce secteur dans la perspective de l'arrivée de la ligne 11 du métro. Le plan local d'urbanisme adopté le 25 septembre 2018 comporte ainsi une orientation d'aménagement et de programmation " Boissière ", ultérieurement reprise dans le plan local d'urbanisme intercommunal adopté le 4 février 2020, qui fait état d'un programme d'environ 200 logements sur l'ilot Boissière auquel appartient le bien préempté et qui prévoit notamment la création d'une nouvelle offre de logements diversifiés et la pérennisation ou la création d'espaces verts. Ces éléments attestent de la réalité, à la date de la décision de préemption, d'un projet de création de logements dans l'ilot Boissière par les collectivités publiques. Si, ainsi que le fait valoir la société par actions simplifiée PI 3A, les éléments de programmation figurant dans l'orientation d'aménagement et de programmation ne sont pas localisés sur la parcelle préemptée, ils sont situés de part et d'autre des parcelles D57 et D58. Il est par ailleurs constant que la commune et l'établissement public foncier d'Île-de-France ont acquis les parcelles D49, D280 et D281, correspondant à la localisation de la création de logements par l'orientation d'aménagement et de programmation Boissière. Dans ces conditions et compte tenu de la configuration des lieux, l'acquisition de la parcelle D58 en vue d'un remembrement est de nature à permettre, ainsi que le mentionne la décision attaquée, la réalisation du programme de logements dans le périmètre. La circonstance que ce remembrement suppose également l'acquisition de la parcelle D57 ne remet par elle-même pas en cause la réalité du projet. Il ressort ainsi des pièces du dossier que l'établissement public foncier d'Île-de-France justifie de la réalité, à la date de la décision attaquée, d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant à l'un des objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. Le moyen tiré de la méconnaissance de cet article et de l'article L. 200-1 du même code doit dès lors être écarté.

14. En sixième lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, la préemption du bien concerné a été décidée en vue de la construction d'une soixantaine de logements diversifiés, dont une part de logement sociaux. Une telle opération répond à un intérêt général suffisant, quand bien même la commune de Montreuil satisfait déjà aux obligations induites par l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain du 13 décembre 2000 en matière de logement social. Si la société requérante soutient que les collectivités publiques disposent de terrains sur lesquels pourraient être réalisés les logements programmés dans le secteur Boissière, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la préemption de la parcelle D58 participe à la réalisation de cette opération. En se bornant à faire valoir la faible dimension du terrain et le coût d'acquisition, la société requérante n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause l'intérêt général s'attachant à cette opération.

15. Enfin, le fait que la société par actions simplifiée PI 3A projetait la construction sur le terrain préempté de 23 logements intermédiaires est par lui-même sans incidence sur la légalité de la décision de préemption. En tout état de cause, le projet de la société ne permettrait pas d'atteindre des objectifs de création de logements, notamment sociaux, équivalents à ceux de l'opération en vue de laquelle la décision de préemption a été prise. La société, qui était simplement titulaire d'une promesse de vente et n'est pas devenue propriétaire du terrain, n'est pas fondée à soutenir que les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme tels qu'interprétés par la jurisprudence seraient contraires au droit au respect des biens protégés par le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'une collectivité publique ne peut exercer le droit de préemption que dans les hypothèses et les formes prévues par la loi et doit justifier de l'existence d'un projet répondant à un intérêt général suffisant à cette fin.

16. Il résulte de ce qui précède que, le moyen tiré de ce que la décision du 10 janvier 2020 ne répondrait pas à un intérêt général suffisant doit être écarté.

17. En dernier lieu, le refus du maire de Montreuil de délivrer à la société par actions simplifiée PI 3A un permis de construire pour un autre projet à une autre adresse et celui du maire d'une autre commune ne sont pas de nature à établir que la décision du 10 janvier 2020 serait entachée de détournement de pouvoir et de procédure.

18. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation du 10 janvier 2020 et, par voie de conséquence, celles tendant à l'annulation de la décision du

24 avril 2020 rejetant le recours gracieux formé par la société requérante, doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

19. L'exécution du présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'établissement public foncier d'Île-de-France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie pour l'essentiel perdante, le versement de la somme que la société par actions simplifiée PI 3A demande au titre des frais de l'instance.

21. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société par actions simplifiée PI 3A une somme de 1 500 euros à verser à l'établissement public foncier d'Île-de-France sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 2005674 du 7 avril 2021 est annulé.

Article 2 : La demande de la société par actions simplifiée PI 3A devant le tribunal administratif de Montreuil et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.

Article 3 : La société par actions simplifiée PI 3A versera à l'établissement public foncier d'Île-de-France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée PI 3A et à l'établissement public foncier d'Île-de-France.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- Mme Guilloteau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2022.

La rapporteure,

L. A...Le président,

S. DIÉMERT

La greffière,

C. POVSE

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA03234


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03234
Date de la décision : 29/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: Mme Laëtitia GUILLOTEAU
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : SELARL ETCHE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-29;21pa03234 ?
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