Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... A... E... veuve F... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 25 février 2021 en tant que le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2102141 du 4 novembre 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 septembre 2022, Mme A... E... veuve F..., représentée par Me Gafsia, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2102141 du 4 novembre 2021 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 février 2021 du préfet du Val-de-Marne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé et de l'indisponibilité du traitement approprié en Tunisie ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas été produit de mémoire.
Par ordonnance du 8 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 novembre 2022.
Mme A... E... veuve F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 décembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1998 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Gafsia, avocate de Mme A... E... veuve F....
Une note en délibéré a été présentée pour Mme A... E... veuve F... le 5 décembre 2022.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... E... veuve F..., ressortissante tunisienne née le 16 février 1952, est entrée en France pour la dernière fois le 18 novembre 2019 selon ses déclarations, munie d'un visa de court séjour touristique de circulation valable du 9 août 2019 au 8 septembre 2020 et d'une durée de 90 jours, en qualité d'ascendant non à charge. Le 5 novembre 2020, elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par arrêté du 25 février 2021, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... E... relève appel du jugement du 4 novembre 2021 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. En l'espèce, pour refuser de délivrer un titre de séjour de Mme A... E..., le préfet du Val-de-Marne a estimé, en suivant l'avis du collège de médecins de l'OFII, que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel elle pouvait voyager sans risque. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... E... souffre d'une cardiopathie associée à une embolie pulmonaire, d'une dégénérescence précoce et est porteuse d'une bio-prothèse aortique nécessitant un suivi médical. Selon un certificat médical établi le 22 janvier 2021 par sa fille, cardiologue, confirmé par celui du 17 mars 2022 du professeur C..., cardiologue, son médecin traitant à l'Institut Mutualiste Monsouris, Mme A... E... bénéficie en France, ainsi qu'il ressort des ordonnances produites, d'un traitement à base d'un anticoagulant, l'Eliquis 5 mg, substance de l'Apixaban, seul traitement qu'elle tolère, étant allergique à d'autres molécules. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment d'une attestation du 23 janvier 2021 de Mme D..., pharmacienne à Tunis, de copies d'écran de consultation du site de la pharmacie centrale de Tunis, que l'Eliquis 5 mg, n'est pas référencé en Tunisie, sans qu'aucun élément ne permette de considérer que cela aurait été le cas à la date de l'arrêté. De l'ensemble de ces éléments circonstanciés, qui ne sont pas contestés par la préfète du Val-de-Marne, qui s'était bornée à produire en première instance l'avis du collège de médecins de l'OFII, il ressort que Mme A... E... ne peut être regardée comme pouvant effectivement bénéficier d'un traitement approprié en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé, le préfet du Val-de-Marne a fait une inexacte appréciation des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... E... veuve F... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande et à demander l'annulation de l'arrêté du 25 février 2021 du préfet du Val-de-Marne.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, il y a lieu, sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de l'intéressée, d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de délivrer à Mme A... E... veuve F... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de la munir sans délai d'une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, en l'état, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Gafsia sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Gafsia renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2102141 du 4 novembre 2021 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 25 février 2021 du préfet du Val-de-Marne est annulé.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne de délivrer à Mme A... E... veuve F... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Gafsia, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Gafsia renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme G... A... E... veuve F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- Mme Jayer, première conseillère,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2022.
La rapporteure,
M-D B...Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA04089