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23/12/2022 | FRANCE | N°20PA03503

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 23 décembre 2022, 20PA03503


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) à titre principal, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 ;

2°) à titre subsidiaire de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une ou plusieurs questions préjudicielles au titre de l'article 267 du traité sur le fondement de l'Union européenne (TF

UE) sur l'interprétation des articles 20 et 51 de la Charte des droits fondamentaux de l'Unio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) à titre principal, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 ;

2°) à titre subsidiaire de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une ou plusieurs questions préjudicielles au titre de l'article 267 du traité sur le fondement de l'Union européenne (TFUE) sur l'interprétation des articles 20 et 51 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne lorsque la législation en cause au principal, adoptée pour mettre en œuvre les directives fusions, est applicable dans les mêmes conditions aux opérations d'échange de titres, qu'elles soient purement internes ou transfrontalières et que la Cour de justice s'est prononcée sur l'interprétation des directives fusions dans les circonstances où, comme en l'espèce actuelle, il s'agissait de fusions purement internes ;

3°) de transmettre au Conseil d'Etat en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative une demande d'avis contentieux sur la question de savoir si l'article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales lu en combinaison avec l'article 1er de son premier protocole additionnel relatif au droit au respect de ses biens, est de nature à faire obstacle à la différence de traitement fiscal, au regard de l'abattement pour durée de détention prévu à l'article 150-0 D du code général des impôts, entre les plus-values constatées lors de l'échange de titres résultant d'une fusion de sociétés et imposées au moment de la cession ultérieure des titres reçus du fait de cette opération de fusion, selon qu'il s'agit de fusions nationales ou transfrontalières, au regard de la date de leur réalisation (avant ou après le 1er janvier 2000).

Par un jugement n° 1800206 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 novembre 2020 et 4 mars 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Derouin, avocat, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800206 du tribunal administratif de Paris en date du 22 octobre 2020 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a, d'une part, pas cité le 1 quinquies de l'article 150-0 D du code général des impôts, ni l'article 150-0 B auquel il renvoie, qu'ils avaient pourtant expressément invoqués, et qu'il a, d'autre part, irrégulièrement fait référence à l'article 150-0 D ter et à l'article 160 ancien du même code, dispositions législatives inapplicables en l'espèce ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'ils ne pouvaient bénéficier de l'abattement pour durée de détention prévu au 1 ter de l'article 150-0 D du code général des impôts au titre de la plus-value d'échange, placée en report d'imposition selon le régime prévu au 1 du II de l'article 92 B ancien du code général des impôts, applicable aux opérations d'échange réalisées avant le 1er janvier 2000, qu'ils ont réalisée à l'occasion de l'opération de fusion entre les sociétés Pathé et Vivendi ; d'une part, en effet, les dispositions relatives à l'abattement pour durée de détention précité constituent une règle de calcul de l'impôt et non une règle d'assiette de la plus-value, et devaient dès lors trouver à s'appliquer aux plus-values qui, certes réalisées antérieurement à leur entrée en vigueur, ont fait l'objet d'un report d'imposition auquel un événement a mis fin à une date à laquelle ces dispositions étaient déjà en vigueur ; d'autre part, quand bien même les dispositions nationales du 1 du II de l'article 92 B ancien du code général des impôts seraient regardées comme des règles d'assiette, il convient d'interpréter ces dispositions, issues de la transposition de la directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, modifiée par la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009, à la lumière de l'interprétation qu'en a donnée la Cour de justice de l'Union européenne saisie à deux reprises à titre préjudiciel par le Conseil d'Etat dans ses décisions du 22 mars 2018 et du 18 septembre 2019, alors même que les requérants n'entrent pas dans le champ de cette directive ;

- c'est en méconnaissance des articles 14 de la convention européenne des sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention que le tribunal a rejeté leur requête ; en effet, d'une part, le refus du bénéfice de l'abattement pour durée de détention prévu à l'article 150-0 D 1 ter du code général des impôts introduit une différence de traitement entre contribuables, selon qu'ils ont pris part à une opération de fusion entre sociétés de deux Etats membres différents de l'Union européenne, ou à une opération de fusion entre deux sociétés françaises, au regard de la date de la fusion, selon qu'elle relève du régime de report d'imposition en vigueur pour les opérations antérieures au 1er janvier 2000, ou du régime de sursis d'imposition pour les opérations postérieures, alors même que ces circonstances n'étaient pas de nature à faire obstacle à ce qu'il soit considéré que les situations étaient suffisamment analogues ; d'autre part, les requérants bénéficiaient d'une espérance légitime à se voir appliquer l'abattement pour durée de détention, qui constitue un bien protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel, la différence de traitement n'étant justifiée par aucun objectif d'utilité publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution

- les décisions du Conseil Constitutionnel n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016 et

n° 2019-832/833 QPC du 3 avril 2020 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et son premier protocole additionnel ;

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, modifiée par la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etats membres différents ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne du 22 mars 2018, M. C... c/ ministre des finances et des comptes publics (C-327/16) et du 18 septembre 2019 M. B... et Mme A... D. c/ ministre des finances et des comptes publics (C-662/18 et C-672/18) ;

- la loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier ;

- la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 portant loi de finances pour 2000 ;

- la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 portant loi de finances pour 2013 ;

- la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 portant loi de finances pour 2014 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Carrère, président de chambre ;

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;

- et les observations de Me Derouin, pour M. et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. A l'occasion de l'absorption de la société Pathé par la société Vivendi, M. et Mme D... ont reçu en 1999, en rémunération de leur apport de titres de la société Pathé, 4 854 actions de la société Vivendi, réalisant à cette occasion une plus-value d'un montant de 225 603 euros, qui a été déclarée sous le régime du report d'imposition en application des dispositions, alors applicables, du 1 de l'article 92 B, II, du code général des impôts. Les requérants ont cédé, en 2014, les titres de la société Vivendi, pour la plus-value globale (plus-value de cession nette de la plus-value d'échange mentionnée ci-dessus) de 72 970 euros. Estimant pouvoir bénéficier du régime d'abattement pour durée de détention prévue à l'article 150-0 D, 1 ter, du code général des impôts, les requérants n'ont pas déclaré de plus-value, à raison de cette cession, au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2014. Le service, à l'occasion d'un contrôle sur pièces, a notifié un complément d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales, correspondant à la taxation de la plus-value de 72 970 euros mentionnée sans appliquer d'abattement, assorti des intérêts de retard. M. et Mme D... relèvent régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur requête aux fins de décharge des impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes correspondant à l'abattement pour durée de détention, mentionné ci-dessus, à la plus-value nette résultant de la plus-value réalisée à l'occasion de l'apport des titres de la société Pathé et de la moins-value réalisée à l'occasion de la cession des titres de la société Vivendi.

Sur la régularité du jugement entrepris :

2. Si le jugement entrepris a omis de citer les dispositions du 1 quinquies de l'article

150-0 D du code général des impôts, ainsi que celles de l'article 150-0 B auquel elles renvoient, une telle omission de dispositions, dont la citation n'était pas indispensable à sa motivation, et n'a d'ailleurs pas privé les requérants d'en saisir toute la portée, ne peut être regardée comme ayant entraîné son irrégularité. Par ailleurs, la citation des dispositions, inapplicables en l'espèce, des articles 150-0 D ter et 160 I ter ancien du code général des impôts, pour regrettable qu'elle soit, n'a entraîné aucune conséquence sur les motifs du jugement, dont la portée eût été la même au regard des dispositions applicables, par ailleurs exactement mentionnées, et doit être regardée comme une erreur matérielle sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990, repris de manière substantiellement identique à l'article 8 de la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009 visée ci-dessus : " 1. L'attribution, à l'occasion d'une fusion, d'une scission ou d'un échange d'actions, de titres représentatifs du capital social de la société bénéficiaire ou acquérante à un associé de la société apporteuse ou acquise, en échange de titres représentatifs du capital social de cette dernière société, ne doit, par elle-même, entraîner aucune imposition sur le revenu, les bénéfices ou les plus-value de cet associé. (...). 6. L'application des paragraphes 1, 2 et 3 n'empêche pas les Etats membres d'imposer le profit résultant de la cession ultérieure des titres reçus de la même manière que le profit qui résulte de la cession des titres existant avant la cession. ".

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 92 B, II, 1, du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la plus-value d'échange de titres en litige, issu de l'article 24 de la loi du 26 juillet 1991 visée ci-dessus : " A compter du 1er janvier 1992 ou du 1er janvier 1991 pour les apports de titres à une société passible de l'impôt sur les sociétés, l'imposition de la plus-value réalisée en cas d'échange de titres résultant d'une opération d'offre publique, de fusion (...) ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, peut être reportée au moment où s'opérera la cession ou le rachat des titres reçus lors de l'échange. (...). Le report est subordonné à la condition que le contribuable en fasse la demande et déclare le montant de la plus-value (...) ; (...). ".

5. En dernier lieu, aux termes de l'article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 visée ci-dessus : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci (...). (...). Les gains nets résultant de la cession à titre onéreux (...) d'actions, de parts de sociétés, (...), sont réduits d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du présent article. (...). 1 quinquies : " Pour l'application de l'abattement mentionné au 1, la durée de détention est décomptée à partir de la date de souscription ou d'acquisition des actions, parts, droits ou titres, et : (...) 2° en cas de vente ultérieure d'actions, parts, droits ou titres reçus à l'occasion d'opérations mentionnées à l'article 150-0 B ou au II de l'article 150 UB, à partir de la souscription ou de l'acquisition des actions, parts, droits ou titres remis à l'échange ; (...). 11. Les moins-values subies au cours d'une année sont imputables exclusivement sur les plus-values de même nature réalisées au cours de la même année ou des dix années suivantes. (...). ". Aux termes du III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 visée

ci-dessus : " Les I et II s'appliquent aux gains réalisés (...) à compter du 1er janvier 2013, (...). ".

6. S'il incombe au juge national, saisi d'un litige portant sur l'interprétation d'une disposition de droit interne issue de la transposition d'une directive, tel en espèce le 1 de l'article 92 B II ancien du code général des impôts issu de la transposition de la directive du 23 juillet 1990 par la loi du 26 juillet 1991 visée ci-dessus, en présence d'une situation n'entrant pas dans le champ de cette directive, d'interpréter ladite disposition, dans toute la mesure possible, de manière conforme à l'interprétation de cette directive qu'a pu donner la Cour de justice de l'Union européenne, sauf disposition claire contraire de la loi, une telle interprétation doit tenir compte de l'intention du législateur d'appliquer le même traitement aux situations relevant du champ de la directive, en l'espèce, les opérations entre sociétés d'Etats membres différents, et à celles, comme en l'espèce, portant sur des opérations entre sociétés françaises.

7. En premier lieu, s'il résulte de l'arrêt rendu à titre préjudiciel par la Cour de justice de l'Union européenne le 18 septembre 2019, aff. C-662/18 et C-672/18, visé ci-dessus, que la Cour a dit pour droit que les dispositions précitées de l'article 8, paragraphe 1 et paragraphe 6 de la directive du 23 juillet 1990, reprises de manière substantiellement identique à l'article 8, paragraphe 1 et paragraphe 6 de la directive du 19 octobre 2009, doivent être interprétées en ce sens que, dans le cadre d'une opération d'échange de titres, elles requièrent que soit appliqué, à la

plus-value afférente aux titres échangés et placée en report d'imposition ainsi qu'à celle issue de la cession des titres reçus en échange, le même traitement fiscal, au regard du taux d'imposition et de l'application d'un abattement fiscal pour tenir compte de la durée de détention des titres, lequel constitue un élément du fait générateur de l'imposition, que celui que se serait vu appliquer la

plus-value qui aurait été réalisée lors de la cession des titres, existant avant l'opération d'échange, si cette dernière n'avait pas eu lieu, il résulte également de l'arrêt rendu à titre préjudiciel par la même Cour le 22 mars 2018, aff. C/327-16, que l'article 8,1 de ladite directive ne fait pas obstacle à une législation d'un Etat membre qui prévoit l'imposition de la plus-value afférente à une opération d'échange de titres, placée en report d'imposition, lors de la cession ultérieure des titres reçus en échange.

8. En deuxième lieu, il résulte de la coexistence de deux régimes législatifs applicables aux plus-values réalisées à l'occasion d'opérations d'échanges de titres entre sociétés, caractérisés respectivement, pour les opérations effectuées avant le 1er janvier 2000, par un report du fait générateur d'imposition de la plus-value constatée et déclarée sur les titres remis à l'échange, et, pour les opérations effectuées postérieurement à cette date, par un sursis d'imposition dont le fait générateur est constitué par la cession des titres reçus en échange, compte tenu de la valeur d'acquisition des titres remis à l'échange, que le législateur a entendu distinguer deux régimes aux fins d'assurer l'objectif de neutralité fiscale poursuivi par les dispositions de l'article 8 de la directive précitée.

9. En troisième lieu, et par suite, en prévoyant de n'appliquer l'abattement litigieux, ainsi qu'il résulte du III précité de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 visée ci-dessus, dont sont issues les dispositions précitées du 1 de l'article 150-0 D du code général des impôts, qu'aux gains réalisés à compter du 1er janvier 2013, le législateur a nécessairement entendu réserver l'application de l'abattement pour durée de détention aux gains tirés de la cession de titres conservés jusqu'à cette date, ou devant être regardés comme s'étant, d'un point de vue fiscal, substitués à des titres détenus antérieurement et échangés contre les titres cédés, dont le fait générateur est intervenu à compter du 1er janvier 2013, l'abattement devant être appliqué après imputation, sur les gains en cause, des éventuelles pertes intervenues sur d'autres titres de même nature au cours de l'année de la cession ou des dix années précédentes susceptibles d'être reportées en application du 11 précité de l'article 150-0 D du code général des impôts.

10. Il résulte de ce qui précède que le législateur, en instituant l'abattement pour durée de détention litigieux, doit être regardé comme ayant entendu traiter les plus-values tirées d'opérations d'échange de titres entre sociétés françaises, placées en report d'imposition, réalisées avant le 1er janvier 2000 différemment des plus-values d'opérations d'échange portant sur les mêmes titres, réalisées après cette date et éligibles au régime du report de sursis d'imposition, s'agissant de l'application de cet abattement.

11. Il suit de là, que, les gains retirés par M. et Mme D... de l'apport de leurs titres Pathé à la société Vivendi ayant été réalisés à raison d'une opération d'échange de titres entre sociétés françaises avant le 1er janvier 2000, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que, pour l'application de l'abattement litigieux, l'interprétation des dispositions du 1 de l'article 92 B, II, ancien du code général des impôts doit conduire à déterminer le montant de l'impôt dû à raison de la cession des titres reçus de la société Vivendi, qui n'a au demeurant généré aucun gain, en appliquant un abattement à raison de la durée de détention des titres remis à l'échange avant cette date et placés en report d'imposition. Est sans incidence sur ce qui précède la circonstance que l'abattement en cause constitue un élément de liquidation, et non de l'assiette, de l'imposition établie à raison de la cession de titres ayant mis fin à ce report.

12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que la plus-value réalisée à l'occasion de la cession, en 2013, des titres de la société Vivendi reçus en 1999 en contrepartie de l'apport des titres de la société Pathé, a été imposée sans application de l'abattement pour durée de détention prévu au 1 du 1 ter de l'article 150-0 D du code général des impôts, ni, de manière subsidiaire, que cette plus-value devrait être imposée par application des taux proportionnels d'impôt sur le revenu ou de contributions sociales en vigueur à la date de l'échange en litige.

13. En dernier lieu, eu égard à la décision du Conseil Constitutionnel du 22 avril 2016, et à la réserve d'interprétation qui l'a assortie, et à celle du 3 avril 2020, visées ci-dessus, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 8 et 9 de leur jugement, d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prises isolément ou en combinaison avec celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention. Au demeurant, aucune identité de situation ne saurait être établie, au regard de leurs obligations fiscales, entre deux contribuables, selon que l'échange a porté sur des titres générateurs d'une

plus-value placée en report d'imposition, ou sur des titres générateurs d'une moins-value, laquelle n'a entraîné aucun fait générateur d'imposition.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement entrepris, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Leurs conclusions aux fins d'annulation et de décharge d'imposition doivent donc être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme D... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Soyez, président assesseur,

- M. Simon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 23 décembre 2022.

Le président-rapporteur,

S. CARRERELe président-assesseur,

J.-E. SOYEZ

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03503


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03503
Date de la décision : 23/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Stéphane CARRERE
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : DEROUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-23;20pa03503 ?
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