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20/12/2022 | FRANCE | N°21PA06489

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 décembre 2022, 21PA06489


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 15 février 2019 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a rejeté sa demande de reconnaissance de son diplôme européen en vue de faire un usage professionnel du titre de psychologue.

Par jugement n° 1904633 du 21 octobre 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 20

21, M. B..., représenté par Me Duquesne, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 19...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 15 février 2019 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a rejeté sa demande de reconnaissance de son diplôme européen en vue de faire un usage professionnel du titre de psychologue.

Par jugement n° 1904633 du 21 octobre 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Duquesne, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904633 du 21 octobre 2021 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 15 février 2019 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a rejeté sa demande de reconnaissance de son diplôme européen en vue de faire un usage professionnel du titre de psychologue ;

3°) d'enjoindre à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de reconnaître son diplôme européen en vue de faire un usage professionnel du titre de psychologue ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la décision du 15 février 2019 de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conditions fixées par l'arrêté du 19 mai 2006 relatif aux modalités d'organisation et de validation du stage professionnel prévu par le décret n° 90-255 du 22 mars 1990 modifié fixant la liste des diplômes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue dès lors que les stages qu'il a réalisés se sont déroulés en milieu professionnel en étant directement confronté à des patients pour le recueil de données.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mai 2022, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 ;

- la loi n° 85-772 modifiée du 25 juillet 1985 ;

- le décret n° 90-255 du 22 mars 1990 modifié par le décret n° 2005-97 du 3 février 2005 ;

- le décret n° 2003-1073 du 14 novembre 2003 ;

- l'arrêté du 19 mai 2006 relatif aux modalités d'organisation et de validation du stage professionnel prévu par le décret n° 90-255 du 22 mars 1990 modifié fixant la liste des diplômes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Duquesne, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a obtenu le 29 juin 2018 un master en sciences psychologiques à finalité spécialisée en neuroscience cognitive et comportementale auprès de l'université de Liège en Belgique. Le 5 septembre 2018, il a sollicité la reconnaissance de son diplôme belge auprès de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, laquelle, par décision du 15 février 2019, a subordonné l'autorisation de faire usage professionnel du titre de psychologue en France à la condition soit que M. B... passe une épreuve d'aptitude, soit qu'il réalise un stage. Par jugement n° 1904633 du 21 octobre 2021, dont M. B... relève appel, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 15 février 2019 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a rejeté la demande de M. B... de reconnaissance de son diplôme européen en vue de faire un usage professionnel du titre de psychologue :

2. D'une part, aux termes de l'article 13 de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles : " Conditions de la reconnaissance / 1. Lorsque, dans un État membre d'accueil, l'accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession de qualifications professionnelles déterminées, l'autorité compétente de cet État membre accorde l'accès à cette profession et son exercice dans les mêmes conditions que pour les nationaux aux demandeurs qui possèdent l'attestation de compétences ou le titre de formation qui est prescrit par un autre État membre pour accéder à cette même profession sur son territoire ou l'y exercer. Les attestations de compétences ou les titres de formation doivent remplir les conditions suivantes : / a) avoir été délivrés par une autorité compétente dans un État membre, désignée conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives de cet État ; / b) attester d'un niveau de qualification professionnelle au moins équivalent au niveau immédiatement inférieur à celui exigé dans l'État membre d'accueil, tel que décrit à l'article 11. (...) ". L'article 11 de cette directive prévoit que " Pour l'application de l'article 13, les qualifications professionnelles sont regroupées selon les niveaux suivants tels que décrits ci-après : (...) / e) diplôme certifiant que le titulaire a suivi avec succès un cycle d'études postsecondaires d'une durée d'au moins quatre ans, ou d'une durée équivalente à temps partiel, dans une université ou un établissement d'enseignement supérieur ou dans un autre établissement de niveau équivalent et, le cas échéant, qu'il a suivi avec succès la formation professionnelle requise en plus du cycle d'études postsecondaires ". Selon l'article 14 de la même directive, " (...) 4. Aux fins de l'application du paragraphe 1, points b) et c), on entend par " matières substantiellement différentes ", des matières dont la connaissance est essentielle à l'exercice de la profession et pour lesquelles la formation reçue par le migrant présente des différences importantes en termes de durée ou de contenu par rapport à la formation exigée dans l'État membre d'accueil ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social : " I. L'usage professionnel du titre de psychologue, accompagné ou non d'un qualificatif, est réservé aux titulaires d'un diplôme, certificat ou titre sanctionnant une formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie préparant à la vie professionnelle et figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat ou aux titulaires d'un diplôme étranger reconnu équivalent aux diplômes nationaux exigés. / II. Peuvent être autorisés à faire usage professionnel du titre de psychologue par le ministre chargé de l'enseignement supérieur les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui, sans posséder l'un des diplômes, certificats ou titres mentionnés au I, ont suivi avec succès un cycle d'études les préparant à l'exercice de la profession et répondant aux exigences fixées par voie réglementaire, et qui sont titulaires :/ 1° D'un ou plusieurs diplômes, certificats ou autres titres permettant l'exercice de la profession dans un Etat membre ou un Etat partie qui réglemente l'accès ou l'exercice de la profession, délivrés : a) Soit par l'autorité compétente de cet Etat et sanctionnant une formation acquise de façon prépondérante dans un Etat membre ou un Etat partie, ou dans un pays tiers, dans des établissements d'enseignement qui dispensent une formation conforme aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives de cet Etat membre ou partie ; (...) / Lorsque la formation de l'intéressé porte sur des matières substantiellement différentes de celles qui figurent au programme de l'un ou l'autre des diplômes, certificats ou autres titres mentionnés au I, ou lorsqu'une ou plusieurs des activités professionnelles dont l'exercice est subordonné auxdits diplômes, certificats ou titres ne sont pas réglementées par l'Etat d'origine ou de provenance ou sont réglementées de manière substantiellement différente, le ministre chargé de l'enseignement supérieur peut exiger, après avoir apprécié la formation suivie et les acquis professionnels, que l'intéressé choisisse soit de se soumettre à une épreuve d'aptitude, soit d'accomplir un stage d'adaptation dont la durée ne peut excéder trois ans et qui fait l'objet d'une évaluation. (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article 1er du décret n° 90-255 du 22 mars 1990 modifié par le décret n° 2005-97 du 3 février 2005 fixant la liste des diplômes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue : " Ont le droit en application du I de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 susvisée de faire usage professionnel du titre de psychologue en le faisant suivre, le cas échéant, d'un qualificatif les titulaires : (...) / 2° De la licence visée au 1° et d'un master mention psychologie comportant un stage professionnel dont les modalités sont fixées par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur ; / 3° D'une licence mention psychologie et d'un master mention psychologie comportant un stage professionnel dont les modalités sont fixées par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur. (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 19 mai 2006 relatif aux modalités d'organisation et de validation du stage professionnel prévu par le décret n° 90-255 du 22 mars 1990 modifié fixant la liste des diplômes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue : " Le stage prévu à l'article 1er du décret du 22 mars 1990 susvisé vise à conforter les capacités d'autonomie de l'étudiant en le plaçant dans une situation ou des situations professionnelles réelles relevant de l'exercice professionnel des praticiens titulaires du titre de psychologue. / Le stage est placé sous la responsabilité conjointe d'un psychologue praticien-référent qui n'a pas la qualité d'enseignant-chercheur, titulaire du titre de psychologue, exerçant depuis au moins trois ans, et d'un maître de stage qui est un des enseignants-chercheurs de la formation conduisant au diplôme de master, mention psychologue, à laquelle est inscrit l'étudiant. (...) ". L'article 2 de cet arrêté prévoit que : " Le stage professionnel est d'une durée minimale de 500 heures. Il est accompli de façon continue ou par périodes fractionnées et doit être achevé, au plus tard un an après la formation théorique dispensée dans le cadre du master ". Enfin, aux termes de l'article 3 du même arrêté : " (...) La validation du stage donne lieu à la délivrance d'une attestation établie selon le formulaire joint en annexe au présent arrêté ". Aux termes de l'article 4 du décret n° 2003-1073 du 14 novembre 2003 relatif aux conditions de délivrance de l'autorisation de faire usage professionnel du titre de psychologue prévue au II de l'article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 modifiée : " (...) Lorsque les diplômes, certificats et autres titres de l'intéressé correspondent à l'un des cas prévus au 1°, au 2° ou au 3° du II de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 susvisée mais que la formation suivie porte sur des matières substantiellement différentes de celles qui figurent au programme de l'un ou l'autre des diplômes, certificats ou titres mentionnés au I du même article, ou qu'une ou plusieurs des activités professionnelles dont l'exercice est subordonné auxdits diplômes, certificats ou titres ne sont pas réglementées par l'Etat d'origine ou de provenance ou sont réglementées de manière substantiellement différente, sans que ces différences soient comblées par l'expérience professionnelle de l'intéressé, la délivrance de l'autorisation est subordonnée à la vérification de la capacité du demandeur à exercer la profession en France. Cette vérification est effectuée, au choix du demandeur, soit par une épreuve d'aptitude, soit à l'issue du stage d'adaptation ".

5. Les dispositions combinées du I de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 et du décret du 22 mars 1990 prévoient trois garanties de formation exigées par le système universitaire français pour l'usage professionnel du titre de psychologue : être titulaire d'une licence de psychologie, être titulaire d'un master mention psychologie et avoir effectué un stage professionnel dont les modalités sont fixées par l'arrêté ministériel du 19 mai 2006. En revanche, en vertu du II de ce même article 44, le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation est tenu d'autoriser à faire usage professionnel du titre de psychologue les ressortissants européens qui disposent d'un diplôme délivré par une formation d'un autre Etat membre encadrant cette profession, sauf si cette formation a porté sur des matières substantiellement différentes, appréciées notamment au regard de leur durée et de leur contenu.

6. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... a effectué plusieurs stages en milieu professionnel au cours de ses études, dont deux stages d'une durée cumulée supérieure à 500 heures comme l'exige l'article 2 de l'arrêté du 19 mai 2006 pour les étudiants en France, ces stages, réalisés dans le cadre de son master en sciences psychologiques dans sa spécialité en neuroscience cognitive, se sont déroulés au sein du laboratoire de recherche de l'université de Liège et ont eu pour objet, d'une part, " les stratégies de rappel des évènements autobiographiques passés et futurs " et, d'autre part, les " interactions rapides et automatiques entre mémoire à court terme et mémoire à long terme " en utilisant du " testing enregistré " et des collectes de données. Si M. B... soutient que ces deux stages se sont déroulés en milieu professionnel en étant directement confronté à des patients pour le recueil de données, toutefois il est constant qu'ils se sont déroulés en laboratoire et ne peuvent être assimilés, au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 19 mai 2006, à un stage dans lequel l'intéressé aurait été placé dans une situation ou des situations professionnelles réelles relevant de l'exercice professionnel des praticiens titulaires du titre de psychologue. Par suite, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a pu considérer, sans entacher sa décision d'une erreur de droit ni d'une erreur manifeste d'appréciation, que lesdits stages ne répondaient pas aux conditions fixées par l'arrêté du 19 mai 2006 relatif aux modalités d'organisation et de validation du stage professionnel prévu par le décret n° 90-255 du 22 mars 1990 modifié dès lors que la formation suivie a porté sur des matières substantiellement différentes de celles exigées en France au sens et pour l'application du II de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement n° 1904633 du 21 octobre 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 février 2019 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a rejeté sa demande de reconnaissance de son diplôme européen en vue de faire un usage professionnel du titre de psychologue. Les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. B... doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'il a présentées à fin d'injonction et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- Mme Jayer, première conseillère,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2022.

La rapporteure,

A. C...

Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA06489


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06489
Date de la décision : 20/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCPA DAGNEAU-BACHIMONT et DUQUESNE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-20;21pa06489 ?
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