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16/12/2022 | FRANCE | N°22PA03088

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 16 décembre 2022, 22PA03088


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 mai 2022 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2211423/8 du 17 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 9 mai 2022 du préfet de police, enjoint à ce dernier de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de trois mois à compter de la noti

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 mai 2022 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2211423/8 du 17 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 9 mai 2022 du préfet de police, enjoint à ce dernier de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à l'avocate de M. C..., Me Singh, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge s'est fondé, pour annuler l'arrêté en litige, sur une insuffisance de motivation et un défaut d'examen sérieux de la situation personnelle et familiale de M. C... ;

- c'est également à tort que, en conséquence de cette annulation, le premier juge lui a enjoint de réexaminer la situation de M. C... et a condamné l'Etat à verser à Me Singh la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2022, M. C..., représenté par Me Singh, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de prononcer le non-lieu à statuer dans la présente affaire ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- il n'y a pas lieu à statuer sur la présente requête dès lors que le préfet de police lui a délivré une attestation de demande d'asile en procédure normale, mesure qui excède ce qui était nécessaire à l'exécution du jugement attaqué ;

- sa demande d'asile est pendante devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 3 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., se déclarant ressortissant érythréen né en 2001, a été reçu par les services de la préfecture de police de Paris les 2 et 8 février 2022 afin de solliciter son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du système " Eurodac " ayant fait apparaître que ses empreintes avaient été relevées le 25 décembre 2021 par l'Italie, le préfet de police a saisi le 4 mars 2022 les autorités de ce pays d'une demande de prise en charge. En l'absence de réponse explicite des autorités italiennes ainsi saisies, leur accord implicite a été constaté à l'expiration du délai de deux mois prévu par le 7. de l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par un arrêté du 9 mai 2022, le préfet de police a ordonné le transfert de l'intéressé aux autorités italiennes. Le préfet de police relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée en défense :

2. D'une part, lorsque le délai de six mois fixé pour l'exécution de la mesure de transfert a été interrompu par l'introduction d'un recours sur le fondement de l'article

L. 572-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il recommence à courir à compter de la décision juridictionnelle qui n'est plus susceptible de faire obstacle à la mise en œuvre de la procédure de remise. En cas de rejet du recours par le premier juge, ce délai court à compter du jugement qui, l'appel étant dépourvu de caractère suspensif, rend à nouveau la mesure de transfert susceptible d'exécution. En cas d'annulation de la mesure de transfert par le premier juge, le délai prévu à l'article 29 du règlement précité du 26 juin 2013 ne peut être déclenché, en cas d'appel introduit contre le jugement de première instance, qu'à compter, le cas échéant, de l'intervention de la décision juridictionnelle infirmant cette annulation et rejetant la demande de première instance.

3. D'autre part, la mesure positive que l'autorité administrative est amenée à prendre en exécution d'un jugement d'annulation faisant droit à la demande d'un administré a un caractère provisoire lorsque ce jugement est frappé d'appel. Alors même qu'elle présente toutes les apparences d'une mesure définitive, l'intervention d'une telle mesure ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre le jugement d'annulation de la décision initiale de refus de l'administration. Il en va toutefois différemment lorsque l'autorité administrative a pris une mesure qui excède ce qui était nécessaire à l'exécution du jugement attaqué.

4. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'introduction de la requête, le préfet de police a délivré à M. C..., le 23 septembre 2022, une attestation de demande d'asile procédure normale. Ce faisant, le préfet de police a excédé ce qui était nécessaire à l'exécution du jugement dont il demande l'annulation, dès lors que cette exécution impliquait seulement qu'il réexamine la situation de M. C... et, le cas échéant, prenne une nouvelle décision de remise aux autorités italiennes, en la motivant correctement et après un examen sérieux de la situation de l'intéressé. Par suite, les conclusions de la requête d'appel du préfet de police tendant à l'annulation des articles 2 et 3 du jugement, par lesquels le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a fait droit aux conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par M. C..., sont devenues sans objet. Dès lors, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions du préfet de police tendant à l'annulation de l'article 4 du jugement :

5. Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, dans sa rédaction applicable à la date du jugement attaqué : " (...) Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat (...) ".

6. Le non-lieu à statuer prononcé sur les conclusions de la requête d'appel du préfet de police tendant à l'annulation des articles 2 et 3 du jugement ne permet pas au juge d'appel de se prononcer sur le bien-fondé de l'article 4 du même jugement, par lequel le tribunal administratif, considérant l'Etat comme la partie perdante dans l'instance qui lui était soumise, a mis à sa charge une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions mentionnées au point 5. Les conclusions du préfet de police dirigées contre ce dernier article ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui doit être regardé comme la partie perdante dans la présente instance, le versement à Me Singh de la somme de 1 000 euros, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du préfet de police en tant qu'elles tendent à l'annulation des articles 2 et 3 du jugement n° 2211423/8 du 17 juin 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet de police est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à Me Singh, avocate de M. C..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Singh renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. D... C....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- M. D'Haëm, président-assesseur,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.

Le rapporteur,

P. B...

La présidente,

M. A...

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA03088 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03088
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme SAINT-MACARY
Avocat(s) : SINGH

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-16;22pa03088 ?
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