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16/12/2022 | FRANCE | N°21PA04876

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 16 décembre 2022, 21PA04876


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Pigranel, société de personnes qui n'a pas opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, est propr

iétaire depuis le 7 août 2002 du château de Pigranel, sis à Mouans-Sartoux. Elle a fait l'objet d'une vérification de compt...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Pigranel, société de personnes qui n'a pas opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, est propriétaire depuis le 7 août 2002 du château de Pigranel, sis à Mouans-Sartoux. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle une proposition de rectification lui a été adressée le 23 novembre 2017. Tirant les conséquences de cette vérification, l'administration a adressé une proposition de rectification le 6 décembre 2017 à la société Uranus, propriétaire, depuis le 5 décembre 2016, de 99,90 % des parts de la SCI. Au terme de la procédure, la société Uranus a été assujettie à des cotisations d'impôt sur les sociétés pour un montant total, en droits et pénalités, de 349 792 euros en application des dispositions de l'article 238 bis K du code général des impôts. La société Uranus relève appel du jugement du 30 juin 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité de la procédure :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

3. La proposition de rectification du 6 décembre 2017 adressée à la requérante précise l'impôt ainsi que l'année concernée par les rectifications envisagées et expose de manière détaillée les motifs des rehaussements en se référant à la proposition de rectification du 23 novembre 2017 adressée à la SCI Pigranel, qui y était annexée. Elle était ainsi suffisamment motivée pour permettre à la société Uranus de présenter utilement ses observations. La société requérante ne soutient pas utilement que l'administration a omis de motiver la non prise en compte d'un report d'amortissements dont elle se prévaut sur le fondement de l'article 39 C du code général des impôts, dès lors qu'il est constant que ces amortissements, seulement mentionnés comme " à reporter " dans une annexe à sa déclaration souscrite au titre de l'exercices clos en 2016, et non déduits de ses résultats dudit exercice, n'ont pas fait l'objet d'une remise en cause. A supposer que la société requérante ait entendu soutenir qu'il incombait à l'administration de prendre directement en compte lesdits amortissements reportables dès lors que les rectifications envisagées se traduisaient par un bénéfice imposable, ce moyen est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de la procédure. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la proposition de rectification et de l'absence de respect du caractère contradictoire de la procédure ne peut être qu'écarté.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne le rehaussement du résultat de la SCI :

4. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. (...) ".

S'agissant de la déductibilité d'une partie des intérêts d'emprunt :

5. Aux termes de l'article 39 de ce même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Pour être admises en déduction du résultat imposable, les charges doivent être exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l'entreprise et être appuyées de justifications suffisantes. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retiré.

6. Il résulte de l'instruction que la SCI Pigranel a emprunté 3 811 225 euros auprès de Caixabank, devenue Boursorama Banque, en vue de l'acquisition de son bien immobilier et qu'en 2007, elle a obtenu une ouverture de crédits d'investissement de 8 millions d'euros auprès de Fortis Banque, destinés, selon les termes de l'acte notarié du 20 décembre 2007, au remboursement du solde du prêt contracté en 2002 d'un montant de 2 258 000 euros d'après un décompte prévisionnel établi le 18 décembre 2007 par Boursorama Banque et, pour le reste, à financer " une ou plusieurs avances à une société du groupe pour l'acquisition de deux immeubles " à New-York. La SCI a contracté un nouveau prêt de 9 millions d'euros auprès de la société BNP Parisbas Fortis, destiné, selon le procès-verbal d'assemblée générale de la société du 14 septembre 2015, au remboursement du crédit d'investissement consenti en 2007 et au paiement de l'indemnité de réemploi liée au remboursement anticipé de ce crédit. Elle a déduit de son résultat 242 109 euros de charges correspondant aux intérêts de cet emprunt au titre de l'exercice 2016. Le service n'a admis l'intérêt de la société à contracter le prêt de 9 millions d'euros que s'agissant du remboursement du solde de l'acquisition du bien immobilier, d'une avance consentie à un tiers dans le cadre d'une convention de trésorerie d'un montant de 951 930 euros, d'une convention de gage d'un montant de 1 001 000 euros et d'une indemnité de remploi de 1 000 000 euros. Sur cette base, il a estimé que seuls 37,34 % des intérêts d'emprunt, soit 90 404 euros, avaient été déduits dans l'intérêt de la société et a refusé la déductibilité de 151 705 euros. Si la société requérante soutient que l'acte notarié du 20 décembre 2007 indiquait par erreur que le prêt contracté auprès de Fortis Banque était destiné à l'acquisition d'immeubles à New-York et que la partie de l'emprunt restant en litige a servi à payer les dépenses propres de la SCI, elle n'en apporte pas la preuve en se bornant à se référer de manière générale aux grands livres de sa comptabilité des années 2007, 2008 et 2009 mis à disposition du service. Elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que c'est à tort que le service a refusé la déductibilité des intérêts d'emprunt en litige.

S'agissant de l'abandon de recettes :

7. Les renonciations à recettes ou les abandons de créances consentis par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'une renonciation à recettes ou un abandon de créances consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.

8. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la vérification de la comptabilité de la SCI Pigranel, l'administration a considéré que la société avait consenti un abandon de créances de 1 172 700 euros en louant le bien immobilier qu'elle possédait pour un montant annuel de 180 000 euros, alors que la valeur locative moyenne de biens similaires s'élevait à 1 352 700 euros en 2016. Si la société Uranus, qui ne conteste pas la détermination de la valeur locative retenue par l'administration, soutient que cet avantage comportait une contrepartie dès lors que la SCI entendait vendre rapidement son bien aux propriétaires voisins et que l'occupation, très occasionnelle, par son locataire, permettait d'en assurer la préservation, elle n'en justifie pas, alors qu'au demeurant il résulte de l'instruction que la SCI Pigranel assumait la charge de la quasi-totalité des dépenses d'entretien, y compris celles incombant au locataire. Par ailleurs, outre qu'elle n'établit pas la contribution du locataire à la préservation de sa propriété immobilière, elle ne produit aucun élément de nature à démontrer que la réalisation de ce projet, au demeurant non établi, faisait obstacle à la location au prix du marché. Par suite, la société requérante, qui ne justifie ainsi d'aucune contrepartie à l'abandon de recettes en cause, n'est pas fondée à contester l'existence d'un acte anormal de gestion.

En ce qui concerne le report des amortissements :

9. Aux termes de l'article 39 C du code général des impôts : " II.-1. En cas de location ou de mise à disposition sous toute autre forme de biens situés ou exploités ou immatriculés en France (...), le montant de l'amortissement de ces biens ou des parts de copropriété est admis en déduction du résultat imposable. Pendant une période de trente-six mois décomptée à partir du début de la mise en location ou de la mise à disposition, cet amortissement est admis en déduction, au titre d'un même exercice, dans la limite de trois fois le montant des loyers acquis ou de la quote-part du résultat de la copropriété. (...)3. L'amortissement régulièrement comptabilisé au titre d'un exercice et non déductible du résultat de cet exercice en application des 1 ou 2 peut être déduit du résultat des exercices suivants, dans les conditions et limites prévues par ces 1 ou 2. (...) ".

10. La société Uranus se prévaut d'un report d'amortissements d'un montant de 1 481 121 euros porté sur l'annexe libre 02 de la déclaration de résultat déposée par la SCI Pigranel au titre de l'exercice clos en 2016. Elle n'apporte toutefois aucune pièce comptable de nature à justifier de ce report, ni dans son principe, ni dans son montant, alors au demeurant qu'il résulte de l'instruction que ce montant figurait déjà en annexe à la déclaration souscrite par la SCI au titre de l'exercice 2013 et figurait toujours dans sa déclaration souscrite au titre de l'exercice 2020. Le moyen tiré de ce que l'imputation de ce déficit sur le résultat rectifié par l'administration conduirait à constater un déficit sur l'exercice en litige doit donc être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Uranus n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige doivent dès lors être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de société Uranus est rejetée.

Article 2: Le présent jugement sera notifié à la société Uranus et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale de vérification des situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.

Le rapporteur,

E. A...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04876


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04876
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : YVANT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-16;21pa04876 ?
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