Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Oblaka a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2015 et en 2016, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Par un jugement n° 1919920 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés le 6 septembre 2021 et le 26 juillet 2022, la société Oblaka, représentée par Me Garitey, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1919920 du 6 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris.
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016, et des intérêts de retard correspondant ;
3°) de prononcer la décharge de l'amende prononcée à son encontre au titre des années 2015 et 2016 sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête d'appel est recevable ;
- la proposition de rectification du 23 avril 2018 n'est pas correctement rédigée en contradiction avec le paragraphe n° 190 de l'instruction administrative BOI-RPPM-RCM-10-20-20-40 du 8 septembre 2014 qui est opposable à l'administration ;
- l'avis de mise en recouvrement du 14 décembre 2018 est irrégulier ;
- l'administration ne démontre pas un usage non strictement professionnel de l'appartement dont les loyers ont été réintégrés ;
- il n'existe pas de distribution au sens de l'article 117 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête d'appel n'est pas recevable ;
- aucun des moyens soulevé par la société Oblaka n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... ;
- et les conclusions de M. Aggiouri, rapporteur public désigné en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. La société Oblaka, qui exerce une activité de restauration dans le 12ème arrondissement de Paris, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a mis à sa charge, selon la procédure de rectification contradictoire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2015 et en 2016. S'agissant des charges de location qui ont été considérées par le service comme n'ayant pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise et comme constituant dès lors des revenus distribués par la société au cours des exercices en cause, il a été demandé à celle-ci, sur le fondement des dispositions de l'article 117 du code général des impôts, de désigner les bénéficiaires de ces revenus. En l'absence de réponse dans le délai imparti de trente jours, l'administration a mis à la charge de la société l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts. La société Oblaka relève appel du jugement du 6 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande visant à la décharge de ces impositions et de cette amende, pour des montants respectifs, fixés à l'issue de la procédure de contrôle et mis en recouvrement le 14 décembre 2018, de 7 259 euros et de 32 000 euros.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".
3. La requête d'appel enregistrée le 6 septembre 2021 réitère les moyens soulevés en première instance, mais pour plusieurs d'entre eux sous une autre forme. Elle comporte une critique précise du raisonnement suivi par les premiers juges sur plusieurs points. Dans ces conditions, la requête d'appel de la société Oblaka ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement les écritures de première instance ni à se référer purement et simplement à elles. Il s'ensuit qu'elle satisfait aux exigences de motivation prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance doit être écartée.
Sur les conclusions aux fins de décharge :
Sur les conclusions relatives à l'impôt sur les sociétés :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. (...) Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. (...) "
5. L'avis de mise en recouvrement du 14 décembre 2018 indique le montant global mis en recouvrement, soit la somme de 43 461 euros, et différencie les différentes créances réclamées. Il indique que l'une d'entre elles, d'un montant de 32 000 euros, correspond à une " amende ", qui est ainsi clairement distinguée des intérêts de retard, pour un montant total de 745 euros, qui constituent avec l'amende l'ensemble des " pénalités " mises en recouvrement. S'il est vrai que l'avis de mise en recouvrement ne mentionne pas qu'il s'agit de l'amende prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts et qu'il se réfère à une " proposition de rectification du 05-10-2018 ", il renvoie à la lettre de motivation du 1er juin 2018, laquelle fait expressément référence aux dispositions de l'article 1759 du code général des impôts et à la proposition de rectification du 23 avril 2018. Il ne pouvait donc y avoir dans l'esprit du contribuable aucune confusion quant à la nature de l'amende mentionnée dans l'avis de mise en recouvrement. Ainsi, ni l'omission de la mention expresse de l'article 1759 du code général des impôts sur l'avis de mise en recouvrement, ni l'erreur matérielle dont est entaché cet avis s'agissant de la date de la proposition de rectification, n'ont eu pour effet de priver le contribuable de la possibilité de contester utilement les montants mis en recouvrement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement du 14 décembre 2018 doit être écarté.
6. En second lieu, sont opposables à l'administration, dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au présent litige, les instructions ou circulaires publiées relatives à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt, ainsi que celles relatives au bien-fondé ou au recouvrement des pénalités fiscales, mais non celles relatives à la procédure d'établissement de l'impôt, ni celles relatives à la procédure d'établissement des pénalités fiscales. Dès lors que l'avis de mise en recouvrement est l'acte par lequel l'administration établit sa créance sur le contribuable et rend celle-ci exigible, sans pour autant constituer un acte de poursuite, une instruction portant sur les mentions devant figurer sur l'avis de mise en recouvrement est relative à la procédure d'établissement de l'impôt ou des pénalités fiscales, et non au recouvrement de l'impôt.
7. La société Oblaka fait valoir que l'avis de mise en recouvrement méconnaît la doctrine référencée BOI-REC-PREA-10-10-20 du 17 juillet 2015, laquelle prévoit, en son paragraphe 10, que " l'AMR comporte les informations nécessaires à la connaissance de la dette, à savoir la date du fait générateur ou de l'exigibilité de l'impôt, la nature des droits et des pénalités (référence à l'article du code général des impôts [CGI] pour les pénalité) ". Toutefois, cette instruction étant relative à la procédure d'établissement de l'impôt ou des pénalités fiscales, et non au recouvrement de l'impôt, la société ne peut dès lors pas s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
8. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire / (...) ".
9. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Pour être admises en déduction du résultat imposable, les charges doivent être exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l'entreprise et être appuyées de justifications suffisantes. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
10. Au titre des exercices clos en 2015 et 2016, la société Oblaka a déduit de ses résultats imposables les loyers et charges locatives relatifs à l'appartement situé 2 rue Michel Chasles, dans le 12ème arrondissement de Paris, pris à bail à compter du 9 novembre 2015, pour des montants de 4 400 euros au titre de l'année 2015 et de 27 600 euros au titre de l'année 2016. L'administration, considérant qu'elles n'avaient pas été exposées dans l'intérêt de la société, a réintégré les sommes en cause dans les résultats imposables. Pour contester cette réintégration, la société Oblaka soutient que cet appartement, d'une superficie de 101 m2 et de type T4/T5, était utilisé pour l'hébergement de certains de ses salariés, lorsqu'ils avaient besoin de se reposer entre le service du midi et le service du soir, ou, plus exceptionnellement, lorsque le service du soir se terminait après minuit. Toutefois, l'administration fait valoir que les salariés de la société bénéficiaient déjà de la mise à disposition d'une chambre de bonne au 7ème étage de l'immeuble où se trouve l'appartement litigieux, que deux des trois personnes présentées par la société comme des salariés bénéficiant de la mise à disposition du logement ne figuraient pas sur ses déclarations sociales et qu'aucun avantage en nature correspondant à la mise à disposition d'un logement n'était mentionné sur les fiches de paie de la troisième, dont l'adresse personnelle est celle d'un immeuble situé à côté du restaurant exploité par la société. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que les salariés ne disposaient pas, lors du contrôle, des clés de l'appartement, le gérant ayant indiqué au vérificateur qui souhaitait le visiter qu'elles étaient restées chez lui. Pour contester ces éléments, la société Oblaka n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments pertinents au soutien de ses allégations, qui ne sont assorties d'aucune justification. Par suite, elle n'est pas fondée à contester la réintégration par le service à ses résultats imposables, au titre des exercices clos en 2015 et 2016, des loyers et charges locatives correspondants.
Sur l'amende prononcée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts :
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
11. En premier lieu, aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". L'article 1759 du même code dispose : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 % ".
12. Dans la proposition de rectification qu'il a adressée à la société Oblaka le 23 avril 2018, le service a invité la société à fournir, conformément aux dispositions de l'article 117 du code général des impôts, l'identité et l'adresse des bénéficiaires des revenus considérés comme distribués suite au rehaussement de ses bénéfices, opéré au titre des exercices clos 2015 et 2016. Cette demande, qui vise l'article 117 du code général des impôts, mentionne également le délai de 30 jours laissé à la société pour y répondre et fait état de l'amende encourue en cas de défaut de réponse dans le délai imparti, conformément à l'article 1759 du même code qu'elle reproduit partiellement. Ainsi que le tribunal administratif de Paris l'a relevé au point 5 de son jugement, la société Oblaka ne saurait sérieusement soutenir qu'elle ignorait que le délai de trente jours qui lui était imparti courait à compter de la notification de la proposition de rectification, celle-ci portant au demeurant en première page la mention suivante : " dès réception de ce courrier, vous disposez d'un délai de trente jours pour m'adresser vos observations ou votre acceptation ". Par suite, le moyen tiré d'une irrégularité affectant la procédure suivie doit être rejeté.
13. En second lieu, ainsi qu'il a déjà été dit au point 6, sont opposables à l'administration, dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au litige, les instructions ou circulaires publiées relatives à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt, ainsi que celles relatives au bien-fondé ou au recouvrement des pénalités fiscales, mais non celles relatives à la procédure d'établissement de l'impôt, ni celles relatives à la procédure d'établissement des pénalités fiscales.
14. Dès lors que l'instruction administrative référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-20-40 est relative à la procédure d'établissement des pénalités fiscales, la société Oblaka ne peut, en tout état de cause, pas utilement se prévaloir du paragraphe n° 190 de cette instruction sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'amende :
15. La société Oblaka, qui ne conteste pas ne pas avoir indiqué à l'administration fiscale, à la suite de la demande présentée par celle-ci au point VII de la proposition de rectification en date du 23 avril 2018, les bénéficiaires des revenus distribués, se borne à soutenir que la société n'a engagé des charges que dans l'intérêt exclusif de son entreprise et conteste l'existence de toute distribution. Toutefois, en l'absence de justification, ainsi qu'il a été dit au point 10, du caractère déductible de ces sommes, c'est à bon droit que l'administration fiscale a intégré ce redressement dans le calcul du montant des distributions constituant l'assiette de l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Oblaka n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2015 et en 2016, ainsi que de l'amende à laquelle elle a été soumise sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Sur les frais liés à l'instance :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la société Oblaka une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Oblaka est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Oblaka et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Perroy, premier conseiller.
Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 14 décembre 2022.
La rapporteure,
C. A...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA04962 2