La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2022 | FRANCE | N°21PA05767

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 07 décembre 2022, 21PA05767


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 mars 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, d'autre part, d'annuler les arrêtés du 20 août 2021 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi pour son éloignement, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire fr

ançais pour une durée de vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 2111003/6-1 du 26 n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 mars 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, d'autre part, d'annuler les arrêtés du 20 août 2021 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi pour son éloignement, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 2111003/6-1 du 26 novembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mars 2021.

Par un jugement n° 2117849/8 du 6 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 20 août 2021.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête n° 21PA05767, enregistrée le 10 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Delorme, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2117849/8 du 6 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 20 août 2021 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de le munir, dans l'attente de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;

- la décision portant refus d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois méconnaît les stipulations de ces mêmes articles 8 et 3-1.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

II - Par une requête n° 22PA01348, enregistrée le 23 mars 2022, M. A..., représenté par Me Delorme, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2111003/6-1 du 26 novembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 mars 2021 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de le munir, dans l'attente de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure faute d'avis émis par la commission du titre de séjour ;

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans les instances n° 21PA05767 et 22PA01348 par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 24 novembre 2021 et du 14 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les observations de Me Delorme, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant égyptien né le 29 janvier 1972, a sollicité le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré en sa qualité de parent d'enfant français sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable. Par un arrêté du 24 mars 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer ce titre de séjour. Par deux arrêtés du 20 août 2021, le préfet de police l'a, d'une part, obligé à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination pour son éloignement et, d'autre part, a édicté à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois. M. A... relève appel des jugements du 6 septembre 2021 et du 26 novembre 2021 par lesquels le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés du préfet de police des 24 mars 2021 et 20 août 2021.

2. Les requêtes n° 21PA05767 et 22PA01348, qui concernent la situation d'un même ressortissant étranger au regard de son droit au séjour en France, soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu par suite de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 22PA01348 :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui soutient sans être contredit résider en France depuis 1997, est le père de cinq enfants nés entre 2002 et 2010, qui sont pour trois d'entre eux de nationalité française, ainsi que cela est établi par les extraits d'acte de naissance produits. M. A... justifiant par la production d'un relevé de la caisse d'allocations familiales du 19 mai 2021 que ses cinq enfants résidaient à son domicile, qu'il partage avec leur mère de nationalité algérienne, et étaient à sa charge à la date d'édiction de la décision contestée, il établit de ce fait qu'il remplissait les conditions du 6° de l'article L. 313-11 précité. Pour refuser le renouvellement du titre de séjour sollicité, le préfet de police s'est fondé sur le seul motif que la présence de M. A... constitue une menace pour l'ordre public dès lors qu'il avait été condamné en 2018 à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour outrage et violence sur personne dépositaire de l'autorité publique. Toutefois ni cette unique condamnation pénale avec sursis, ni le fait que l'épouse et certains enfants de M. A... ont été entendus le 13 mars 2019 par les services de police à propos de faits de menaces et coups portés sur sa fille aînée, qui n'ont donné lieu à l'engagement d'aucune procédure pénale à la date de la décision attaquée, ne permettent de caractériser une menace à l'ordre public. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur d'appréciation et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement n° 2111003/6-1 du 26 novembre 2021 ainsi que celle de l'arrêté du 24 mars 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement du titre de séjour sollicité.

Sur la requête n° 21PA05767 :

6. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ".

7. Si le préfet de police, pour édicter les arrêtés du 20 août 2021 contestés, s'est fondé sur le fait que M. A... s'était vu refuser le renouvellement de son titre de séjour par un arrêté du 24 mars 2021, il résulte de l'annulation de cet arrêté par le présent arrêt que le requérant est fondé à demander l'annulation, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ainsi que des décisions refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination pour son éloignement et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois, qui en procèdent.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement n° 2117849/8 du 6 septembre 2021 ainsi que celle des arrêtés du 20 août 2021 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination pour son éloignement et a édicté à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Aux termes des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " et " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ". Il appartient à la Cour lorsqu'elle est saisie, sur le fondement des dispositions précitées, de conclusions tendant à ce que soit prescrite une mesure d'exécution dans un sens déterminé, de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision.

10. Eu égard aux éléments produits par le préfet de police faisant état de violences commises par M. A... sur certains de ses enfants postérieurement aux décisions attaquées, les annulations prononcées par le présent jugement impliquent seulement que la demande de renouvellement de titre de séjour de M. A... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de procéder à ce réexamen, dans un délai de deux mois, et de le munir, dans l'attente de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. M. A... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Delorme renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Les jugement n° 2111003/6-1 du 26 novembre 2021 et 2117849/8 du 6 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris, ainsi que les arrêtés du 24 mars 2021 et du 20 août 2021 du préfet de police sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, dans l'attente de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Delorme la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Delorme, au préfet de police et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, présidente,

- M. Segretain, premier conseiller,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2022.

Le rapporteur,

A. C...La présidente,

P. HAMON

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA05767, 22PA01348 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05767
Date de la décision : 07/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: M. DESVIGNE-REPUSSEAU
Avocat(s) : DELORME

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-07;21pa05767 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award