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06/12/2022 | FRANCE | N°21PA03177

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 06 décembre 2022, 21PA03177


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 9 juin 2021, 18 octobre 2021 et 7 janvier 2022, la société Sud Radio, représentée par Me Cerf, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 3 mars 2021 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a rejeté sa candidature pour l'exploitation d'un service de radio dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel de Lyon, dans la zone de Saint-Étienne ;

2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1

du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée es...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 9 juin 2021, 18 octobre 2021 et 7 janvier 2022, la société Sud Radio, représentée par Me Cerf, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 3 mars 2021 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a rejeté sa candidature pour l'exploitation d'un service de radio dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel de Lyon, dans la zone de Saint-Étienne ;

2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'incompétence et de vice de forme ; la décision collégiale de rejet de sa candidature prise lors de la réunion du collège plénier du 3 mars 2021 ne comporte aucune signature identifiable et rien ne permet d'attester que le procès-verbal de cette réunion est conforme à la réalité des débats ; les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ont donc été méconnues ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article 29 de la loi du

30 septembre 1986, étant entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard du principe de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels qu'elles énoncent ; son service propose ainsi une ligne éditoriale originale, notamment en ce qu'elle n'est pas essentiellement consacrée à l'actualité politique et générale, mais est orientée vers l'actualité rugbystique et les cultures du sud de la France ; elle est donc susceptible de répondre de manière plus pertinente à l'intérêt du public de la zone que le service Radio Salam ; plusieurs radios déjà autorisées dans cette zone proposent des contenus similaires à ceux de cette dernière ; les programmes de Radio Salam, en lien avec la culture arabo-musulmane, ne sont pas d'intérêt local.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 2 août 2021 et 21 décembre 2021, le CSA conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction a été fixée au 23 février 2022.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- et les observations de Me Aubert, représentant la société Sud Radio.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 26 juin 2019, publiée au Journal officiel de la République française le 6 juillet, le CSA a lancé un appel aux candidatures pour l'exploitation de services de radio par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel de Lyon, notamment pour la zone de Saint-Étienne. Par une décision du 3 mars 2021, notifiée à la société Sud Radio par courrier du 14 avril 2021, le CSA a rejeté la candidature présentée par l'intéressée pour cette zone. La société requérante demande à la cour d'annuler cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées : " Sous réserve des dispositions de l'article 26 de la présente loi, l'usage des fréquences pour la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre est autorisé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans les conditions prévues au présent article. / Pour les zones géographiques et les catégories de services qu'il a préalablement déterminées, le conseil publie une liste de fréquences disponibles ainsi qu'un appel à candidatures. (...) / Le conseil accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Il tient également compte : / 1° De l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; / 2° Du financement et des perspectives d'exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; / 3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d'une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d'une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ; / 4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d'information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, l'honnêteté de l'information et son indépendance à l'égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; / 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement ; / 6° Pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, des dispositions envisagées en faveur de la diversité musicale au regard, notamment, de la variété des œuvres, des interprètes, des nouveaux talents programmés et de leurs conditions de programmation ; / 7° S'il s'agit de la délivrance d'une nouvelle autorisation après que l'autorisation précédente est arrivée à son terme, du respect des principes mentionnés au troisième alinéa de l'article 3-1. / Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille, sur l'ensemble du territoire, à ce qu'une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l'expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l'environnement ou la lutte contre l'exclusion. / Le conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part. / Il s'assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l'information politique et générale. (...) ".

3. Dans la zone de Saint-Étienne, où étaient autorisés les services Radio Dio, Radio Espérance, Radio Ondaine, RCF Saint-Étienne et RLF en catégorie A, Activ Radio, Radio Plaine et Radio Scoop en catégorie B, Chérie FM et NRJ en catégorie C, Beur FM, Fun Radio, Nostalgie, Radio Classique, Radio Nova, RFM, Rire et Chansons, RTL 2, Skyrock et Virgin Radio en catégorie D, Europe 1, RMC et RTL en catégorie E, ainsi que les radios de service public France Bleu Saint-Étienne Loire, Mouv', France Info, France Inter et France Musique, et où une fréquence était disponible, le CSA a retenu la candidature du service Radio Salam en catégorie A. Il a écarté la candidature de la société requérante, au titre de la catégorie E, aux motifs que le public de la zone bénéficiait déjà, avec Europe 1, France Info, France Inter, RMC et RTL, et dans une moindre mesure France Bleu Saint-Étienne Loire et Radio Classique, de sept services dont les programmes contribuaient à l'information politique et générale ; il a également estimé que la programmation de Sud Radio était susceptible de contribuer dans une moindre mesure à la sauvegarde des courants d'expression socioculturels et de répondre dans une moindre mesure à l'intérêt du public que celle de Radio Salam, eu égard à notamment à la mission de communication sociale de proximité de cette dernière, dont le format promeut l'intégration, la lutte contre les discriminations, le dialogue entre les cultures et les confessions, et qui propose de la musique arabophone et un programme d'intérêt local composé d'émissions en lien avec le monde et la culture arabes ; il a enfin relevé que le service Radio Salam était déjà autorisé dans la zone de Lyon et proposait un programme spécifique à la zone de Saint-Étienne.

4. Toutefois, dans le cadre du même appel aux candidatures, le CSA a également rejeté, pour la zone de Saint-Étienne, la candidature du service France Maghreb 2, proposant une programmation à destination d'un public franco-marocain, au motif que le public disposait déjà dans la zone de Radio Ondaine et Beur FM, alors que le service Radio Salam s'adresserait à un public plus large, à la fois maghrébin, oriental et proche-oriental, argumentation reprise en défense, dans la présente instance, par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM). Or, alors au demeurant que le dossier de candidature de Radio Salam précisait qu'elle était très écoutée par les populations originaires du Maghreb, il ne résulte pas des pièces du dossier que la population de la zone de Saint-Étienne comporterait une composante orientale et proche-orientale importante, ou présenterait des spécificités telles qu'une troisième radio tournée vers la culture arabophone répondrait à l'intérêt du public. Par ailleurs, s'agissant du motif du CSA tiré de la mission de communication sociale de proximité remplie par Radio Salam, étaient déjà autorisées dans la zone de Saint-Étienne, comme exposé au point 4 du présent arrêt, cinq radios de catégorie A, correspondant à des services associatifs accomplissant une mission de communication sociale de proximité, et trois radios de catégorie B, correspondant à des services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme à vocation nationale, tandis que seules trois radios de catégorie E, à laquelle appartient le service Sud Radio, bénéficiaient d'autorisations. Enfin, au regard de la programmation des services déjà présents en catégorie E, Europe 1, RTL et RMC, la société Sud Radio propose un service dont la ligne éditoriale est plus originale, notamment consacrée aux cultures du sud de la France et à l'actualité rugbystique, et est susceptible de répondre de manière pertinente à l'intérêt du public de la zone de Saint-Étienne. Dans ces conditions et dans les circonstances de l'espèce, la société Sud Radio est fondée à soutenir qu'en rejetant sa candidature dans cette zone au profit de celle de l'association Radio Salam, le CSA a commis une erreur d'appréciation.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, la société Sud Radio est fondée à demander l'annulation de la décision du 3 mars 2021 par laquelle le CSA a rejeté sa candidature pour l'exploitation d'un service de radio dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel de Lyon, dans la zone de Saint-Étienne.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ARCOM le versement de la somme de 1 500 euros à la société Sud Radio sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La décision du 3 mars 2021 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a rejeté la candidature de la société Sud Radio pour l'exploitation d'un service de radio dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel de Lyon, dans la zone de Saint-Étienne, est annulée.

Article 2 : L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) versera la somme de 1 500 euros à la société Sud Radio en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sud Radio, à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et à l'association Radio Salam.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.

La rapporteure,

G. A...Le président,

I LUBENLa greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne à la ministre de la culture, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA03177


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03177
Date de la décision : 06/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : AXIOME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-06;21pa03177 ?
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