La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/12/2022 | FRANCE | N°20PA02114

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 06 décembre 2022, 20PA02114


Vu la procédure suivante :

I. Par une requête et huit mémoires enregistrés les 5 août 2020, 9 décembre 2020, 11 janvier 2021, 19 janvier 2021, 9 février 2021, 24 février 2021, 2 septembre 2021, 12 octobre 2021 et 16 décembre 2021 sous le numéro 20PA02114, la société Média Bonheur, représentée par la SCP Hélène Didier et François Pinet, demande à la cour :

1°) de condamner le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) à lui verser la somme de 1 245 554 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 février 2020 et de la capitalisation des inté

rêts, en raison des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la faute qu'il a c...

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête et huit mémoires enregistrés les 5 août 2020, 9 décembre 2020, 11 janvier 2021, 19 janvier 2021, 9 février 2021, 24 février 2021, 2 septembre 2021, 12 octobre 2021 et 16 décembre 2021 sous le numéro 20PA02114, la société Média Bonheur, représentée par la SCP Hélène Didier et François Pinet, demande à la cour :

1°) de condamner le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) à lui verser la somme de 1 245 554 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 février 2020 et de la capitalisation des intérêts, en raison des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la faute qu'il a commise en rejetant sa candidature pour l'exploitation d'un service de radio dans la zone de Lorient ;

2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du CSA du 29 mars 2017 rejetant sa candidature pour l'exploitation d'un service de radio dans la zone de Lorient, ainsi que les trois décisions du même jour par lesquelles il a autorisé la société SERC à exploiter le service Fun Radio, la société FG Concept à exploiter le service Radio FG et l'association CAB à exploiter le service RMN FM, sont entachées d'illégalité, comme l'a jugé de manière définitive la cour administrative d'appel de Paris par un arrêt du 10 juillet 2018 ; cette illégalité constitue une faute engageant la responsabilité du CSA à son égard ;

- elle a perdu une chance sérieuse d'exploiter une fréquence sur la zone de Lorient entre le 20 avril 2017 et le 30 avril 2019 ; les effets de cette perte de chance se déploient jusqu'à l'échéance de l'autorisation qui lui a été accordée à l'issue du réexamen de sa candidature, soit jusqu'au 19 avril 2022 ;

- eu égard notamment aux résultats d'audience de Radio Bonheur dans la zone comparable de Saint-Brieuc entre 2004 et 2007, et aux recettes publicitaires qu'aurait générées l'exploitation d'un émetteur à Lorient, il y a lieu d'évaluer son préjudice à la somme de 1 215 554 euros ; le montant des rémunérations de son dirigeant ne doit pas être intégré dans les charges directement exposées pour l'exploitation d'une fréquence, dès lors qu'il ne s'agit que d'un mode de distribution des bénéfices ;

- elle a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, qui doivent être indemnisés à hauteur de 30 000 euros.

Par six mémoires en défense enregistrés les 24 novembre 2020, 7 janvier 2021, 1er février 2021, 16 février 2021, 1er octobre 2021 et 14 décembre 2021, le CSA, représenté par Me Gury, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Média Bonheur en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de la société Média Bonheur au titre des troubles dans ses conditions d'existence et du préjudice moral est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas fait l'objet d'une demande indemnitaire préalable ;

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

II. Par une requête et huit mémoires enregistrés les 5 août 2020, 9 décembre 2020, 11 janvier 2021, 19 janvier 2021, 9 février 2021, 24 février 2021, 2 septembre 2021, 24 novembre 2021 et 23 décembre 2021 sous le numéro 20PA02115, M. B..., représenté par la SCP Hélène Didier et François Pinet, demande à la cour :

1°) de condamner le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) à lui verser la somme de 964 150 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2019 et de la capitalisation des intérêts, en raison des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du rejet de la candidature de la société Média Bonheur pour l'exploitation d'un service de radio dans la zone de Lorient ;

2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du CSA du 29 mars 2017 rejetant sa candidature pour l'exploitation d'un service de radio dans la zone de Lorient, ainsi que les trois décisions du même jour par lesquelles il a autorisé la société SERC à exploiter le service Fun Radio, la société FG Concept à exploiter le service Radio FG et l'association CAB à exploiter le service RMN FM, sont entachées d'illégalité, comme l'a jugé de manière définitive la cour administrative d'appel de Paris par un arrêt du 10 juillet 2018 ; cette illégalité constitue une faute engageant la responsabilité du CSA ;

- la société Média Bonheur, dont il est le gérant, a perdu une chance sérieuse d'exploiter une fréquence sur la zone de Lorient entre le 20 avril 2017 et le 30 avril 2019 ; les effets de cette perte de chance se déploient jusqu'à l'échéance de l'autorisation accordée à la société, à l'issue du réexamen de sa candidature, soit jusqu'au 19 avril 2022 ;

- il a subi un préjudice résultant de la perte de rémunérations, variables chaque année, ayant pour origine l'exploitation du service tant par la société Média Bonheur que par la société Régie Bonheur, client exclusif de la première ; la perte de chance d'exploiter le programme Radio Bonheur dans la zone de Lorient a entraîné une perte de recettes publicitaires d'exploitation ; la perte de ces sommes constitue pour lui un préjudice propre ;

- eu égard notamment aux résultats d'audience de Radio Bonheur dans la zone de Saint-Brieuc entre 2004 et 2007, et aux recettes publicitaires qu'aurait générées l'exploitation d'un émetteur à Lorient, il y a lieu d'évaluer son préjudice financier à la somme de 934 150 euros ;

- il a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, qui doivent être indemnisés à hauteur de 30 000 euros.

Par six mémoires en défense enregistrés les 24 novembre 2020, 7 janvier 2021, 1er février 2021, 16 février 2021, 1er octobre 2021 et 21 décembre 2021, le CSA, représenté par Me Gury, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de M. B... au titre des troubles dans ses conditions d'existence est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas fait l'objet d'une demande indemnitaire préalable ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986,

- la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- les observations de Me Pinet, représentant la société Média Bonheur et M. B..., et les observations de Me Gury, représentant l'ARCOM.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 23 novembre 2015, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a lancé un appel à candidatures pour l'exploitation de services radiophoniques par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence à temps complet ou partagé dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel de Rennes. Par quatre décisions du 29 mars 2017, n° 2017-227, n° 2017-229, n° 2017-231 et n° 2017-233, il a autorisé respectivement, dans la zone de Lorient, la société SERC à exploiter un service de radio de catégorie D dénommé " Fun Radio ", la société Ouï FM à exploiter un service radio de catégorie D dénommé " Ouï FM", la société FG Concept à exploiter un service radio de catégorie D dénommé " Radio FG", et l'association Comité d'animation de Bretagne à exploiter un service radio de catégorie B dénommé " RMN FM". Par une décision du même jour, notifiée le 17 mai 2017, le CSA a rejeté la candidature de la société Média Bonheur pour la diffusion en catégorie B du service dénommé " Radio Bonheur " sur cette même zone.

2. Par un arrêt n° 17PA02113, 17PA02114, 17PA02115, 17PA02116 du 10 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Paris a annulé les décisions du 29 mars 2017 rejetant la candidature de la société Média Bonheur et autorisant la société SERC, la société FG Concept et l'association Comité d'animation de Bretagne à exploiter des services de radio dans la zone de Lorient. La cour a en outre enjoint au CSA de réexaminer la candidature de la société Média Bonheur dans le délai de huit mois. Par une décision du 17 avril 2019, le CSA a autorisé la société Média Bonheur à exploiter un service de radio de catégorie B par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé Radio Bonheur dans la zone de Lorient, pour la période allant du 30 avril 2019 au 19 avril 2022.

3. Estimant avoir été privé des rémunérations qu'il aurait perçues du fait de l'exploitation de la fréquence refusée à la société Média Bonheur par la décision annulée du 29 mars 2017, M. B..., gérant de la société Média Bonheur, a demandé au CSA d'indemniser ses préjudices par un courrier reçu le 7 juin 2019 et qui a été implicitement rejeté. La société Média Bonheur, estimant avoir été illégalement privée de la possibilité d'exploiter une fréquence à Lorient entre le 20 avril 2017 et le 30 avril 2019, a demandé l'indemnisation de ses préjudices auprès du CSA, par un courrier reçu le 11 février 2020 et qui a été implicitement rejeté. La société Média Bonheur et M. B... demandent à la cour de condamner le CSA à leur verser les sommes respectives de 1 245 554 euros et de 964 150 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis.

Sur la jonction :

4. Les requêtes enregistrées sous les numéros 20PA02114 et 20PA02115 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; il y a lieu par suite de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions indemnitaires :

I. En ce qui concerne la responsabilité :

I. A. S'agissant de la responsabilité à l'égard de la société Média Bonheur :

5. D'une part, pour annuler par un jugement du 10 juillet 2018 devenu définitif la décision du 29 mars 2017 du CSA rejetant la candidature de la société Média Bonheur pour l'exploitation d'un service de radio dans la zone de Lorient, la cour a estimé, en premier lieu, que le motif tiré de l'éloignement géographique de ses studios par rapport à la ville de Lorient plus important que ceux de la radio RFM FM, était entaché d'une erreur de droit, dès lors que s'il incombe au CSA de tenir compte, dans l'appréciation des candidatures qui lui sont soumises, des contributions respectives des candidats à la production de programmes réalisés localement, les dispositions du 5° de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 n'entendaient pas introduire de critère géographique autre que celui de la production locale, dans la zone considérée, desdits programmes. La cour a par ailleurs considéré que la décision du 29 mars 2017 était entachée d'une erreur d'appréciation en ce qu'au regard tant de la prise en compte de l'intérêt du public de la zone considérée que de l'impératif de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, il n'existait pas à Lorient de radio ciblant un large public senior et proposant une programmation équivalente à la sienne, aucune offre radiophonique déjà présente dans cette zone n'étant entièrement dédiée à cette tranche d'âge ni ne proposant un programme consacré à l'accordéon, à la chanson française dite " gold " et à des artistes très peu diffusés. Enfin, la cour a estimé qu'avant l'appel à candidatures, six des treize radios privées autorisées dans la zone l'étaient en catégorie D, et que la sélection de Radio Bonheur en catégorie B aurait permis d'éviter d'aggraver ce déséquilibre, permettant ainsi de mieux satisfaire à l'objectif de juste équilibre entre réseaux nationaux de radiodiffusion et services locaux régionaux et thématiques que le choix de Ouï FM, de Fun Radio et de Radio FG, toutes trois en catégorie D.

6. D'autre part, pour annuler les décisions du 29 mars 2017 du CSA autorisant la société SERC, la société FG Concept et l'association Comité d'animation de Bretagne à exploiter un service de radio dans la zone de Lorient, la cour a notamment relevé que la préférence accordée par le CSA à la radio RMN FM n'était justifiée que par la plus faible distance des studios de production de cette dernière à la ville de Lorient par rapport à ceux de Radio Bonheur, et par suite entachée d'illégalité, comme il a été dit au point précédent, et que l'autorisation accordée aux services Fun Radio et Radio FG, toutes deux de catégorie D, dont les programmations s'apparentaient à l'offre musicale déjà assurée par d'autres radios déjà autorisées dans la zone de Lorient, alors que le service Radio Bonheur permettait d'accueillir une offre de service plus originale, méconnaissait l'impératif de sauvegarde du pluralisme des courants socio-culturels prévu par les dispositions de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986.

7. Il résulte des motifs exposés aux points 5 et 6 du présent arrêt que la candidature présentée par la société Média Bonheur pour l'exploitation du service de radio " Radio Bonheur " doit être regardée comme ayant disposé d'une chance sérieuse d'obtenir une autorisation à l'occasion de l'appel à candidatures lancé par décision du 23 novembre 2015, alors au surplus que la société requérante a été autorisée par une décision du CSA du 17 avril 2019, à l'issue du réexamen de sa candidature ordonné par la cour par l'arrêt du 10 juillet 2018, à exploiter le service de radio de catégorie B dénommé Radio Bonheur dans la zone de Lorient pour la période allant du 30 avril 2019 au 19 avril 2022. Par suite, la société Média Bonheur est fondée à demander l'indemnisation du manque à gagner résultant de son éviction irrégulière de la zone de Lorient.

I. B. S'agissant de la responsabilité à l'égard de M. B... :

8. Si M. B..., gérant de la société Média Bonheur, demande à être indemnisé des rémunérations dont il aurait été privé du fait de l'éviction irrégulière de ladite société de la zone de Lorient, il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 7 du présent arrêt que seule cette dernière, destinataire de la décision de rejet annulée, a droit à la réparation du préjudice qui résulte pour elle de manière certaine de l'illégalité fautive commise par le CSA. Le préjudice que l'intéressé invoque en sa qualité de gérant, qui ne saurait être regardé comme un préjudice personnel, distinct du préjudice dont la société Média Bonheur est fondée à obtenir réparation, constitue au contraire un préjudice indirect insusceptible d'être indemnisé par l'administration dès lors qu'il trouve son origine dans les relations existant entre la société Média Bonheur et lui-même. Par suite, en l'absence de lien de causalité direct entre les illégalités fautives commises par le CSA et le préjudice invoqué par M. B..., ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité du CSA serait engagée à son égard.

II. En ce qui concerne la période d'indemnisation :

9. Il résulte de l'instruction que la société Média Bonheur a été autorisée, par une décision du CSA du 17 avril 2019, à exploiter le service de radio de catégorie B dénommé Radio Bonheur dans la zone de Lorient pour la période allant du 30 avril 2019 au 19 avril 2022. Elle n'est donc fondée à être indemnisée de son manque à gagner que pour la période allant du 20 avril 2017, date d'effet des autorisations accordées après l'appel à candidatures du 23 novembre 2015, au 29 avril 2019, et non au 30 avril 2019 comme elle le demande. Si elle soutient en outre que les effets des décisions annulées porteraient également sur la période postérieure au 30 avril 2019, elle n'établit pas la réalité de cette allégation.

III. En ce qui concerne le montant du préjudice indemnisable :

III. A. S'agissant du manque à gagner :

10. L'indemnité due, au titre du manque à gagner, à une entreprise irrégulièrement évincée d'un appel à candidatures qu'elle avait des chances sérieuses d'emporter ne constitue pas la contrepartie de la perte d'un élément d'actif mais est destinée à compenser une perte de recettes commerciales. Elle doit être regardée comme un profit de l'exercice au cours duquel elle a été allouée et soumise, à ce titre, à l'impôt sur les sociétés. Par suite, le manque à gagner du candidat évincé doit, lorsqu'il est calculé par référence au résultat d'exploitation de la société dans les zones pour lesquelles elle a été autorisée à émettre, être évalué avant déduction de l'impôt sur les sociétés.

11. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il n'y a lieu ni de calculer le montant du préjudice subi au regard des audiences de la radio Média Bonheur et des recettes réalisées dans la zone de Saint-Brieuc entre 2004 et 2007, qui ne sauraient être comparées à la zone de Lorient à partir de 2017, ni d'intégrer dans le calcul de l'indemnité due le montant de la rémunération de son dirigeant, dès lors qu'elle est mentionnée, dans les comptes qu'elle produit, comme une charge.

12. Il résulte de l'instruction, notamment des documents comptables produits par la société Média Bonheur, que le résultat d'exploitation annuel moyen de cette dernière, avant déduction de l'impôt sur les sociétés, pour les années 2013, 2014 et 2015, seules années pertinentes dès lors notamment qu'au cours de l'année 2016 la société requérante a bénéficié durant seulement onze mois sur douze d'une quatrième fréquence à Saint-Malo, s'élève à 61 093,77euros, somme qu'il convient de diviser par trois, qui est le nombre des fréquences exploitées par la société Média Bonheur au cours de ces années, soit 20 364,59 euros, correspondant une somme de 18,86 euros par jour et par fréquence. La période d'engagement de responsabilité du CSA représentant sept cent trente-neuf jours, et compte tenu des gains d'échelle sur la programmation qui est identique dans toutes les zones, il sera fait une juste appréciation du manque à gagner pour la société requérante de l'exploitation d'une fréquence sur la zone de Lorient entre le 20 avril 2017 et le 29 avril 2019 en lui allouant de ce chef la somme de 15 000 euros. Cette somme doit être mise à la charge de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) en application des dispositions de la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l'accès aux œuvres culturelles à l'ère numérique.

III. B. S'agissant des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral :

13. La société Média Bonheur, qui soutient avoir subi des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice moral, n'établit pas la réalité de ces préjudices, et notamment aucune atteinte qu'auraient porté les illégalités fautives imputables au CSA à sa réputation. Dans ces conditions, et alors que les actions contentieuses qu'elle a précédemment engagées ont donné lieu au versement de sommes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sa demande doit être rejetée, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par le CSA.

IV. En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation des intérêts :

14. Il résulte de l'instruction que la société Média Bonheur a formé auprès du CSA une demande indemnitaire préalable tendant à la réparation de son préjudice par courrier reçu le 11 février 2020. Il y a lieu par suite d'assortir la somme mentionnée au point 12 du présent arrêt des intérêts au taux légal à compter du 11 février 2020, lesquels seront capitalisés à compter du 11 février 2021, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière, et à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette dernière date.

Sur les frais liés au litige :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ARCOM le versement de la somme de 1 500 euros à la société Média Bonheur sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'à la charge de M. B... le versement à l'ARCOM de la somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions. Ces dernières font en revanche obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Média Bonheur le versement d'une somme à l'ARCOM au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, de même qu'à ce que soit mis à la charge de l'ARCOM le versement d'une somme à M. B... au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique est condamnée à verser à la société Média Bonheur la somme de 15 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 février 2020 et de la capitalisation des intérêts à compter du 11 février 2021 et à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette dernière date.

Article 2 : L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique versera la somme de 1 500 euros à la société Média Bonheur en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : M. B... versera la somme de 1 500 euros à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Média Bonheur, à M. B... et à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

Copie en sera adressée à la ministre de la culture.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.

La rapporteure,

G. A...Le président,

I. LUBENLa greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne à la ministre de la culture, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°s 20PA02114, 20PA02115

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02114
Date de la décision : 06/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SCP H. DIDIER - F. PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-06;20pa02114 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award