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05/12/2022 | FRANCE | N°22PA02234

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 05 décembre 2022, 22PA02234


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Alea a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 par lequel le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, l'a mise en demeure de faire cesser définitivement l'occupation aux fins d'habitation d'un local lui appartenant à Paris dans un délai de trois mois et d'assurer le relogement de son occupant, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1813181 du 10 janvier 2020, le Tribunal administratif de Pari

s a annulé ces décisions.

Par un arrêt n° 20PA00932 du 29 septembre 2020, la Co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Alea a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 par lequel le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, l'a mise en demeure de faire cesser définitivement l'occupation aux fins d'habitation d'un local lui appartenant à Paris dans un délai de trois mois et d'assurer le relogement de son occupant, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1813181 du 10 janvier 2020, le Tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions.

Par un arrêt n° 20PA00932 du 29 septembre 2020, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le ministre des solidarités et de la santé contre ce jugement.

Par une décision n° 447135 du 11 mai 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par le ministre des solidarités et de la santé, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 mars 2020, le ministre des solidarités et de la santé demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 janvier 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de la société Alea présentée devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont déduit des caractéristiques du local litigieux, notamment des dimensions de la pièce principale, qu'il ne pouvait être qualifié d'impropre par nature à l'habitation en application de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique.

Par des mémoires en défense enregistrés les 27 août 2020 et 11 octobre 2022, la société Alea, représentée par Me Gorand, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 23 novembre 1979 portant règlement sanitaire du département de Paris ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Akli, représentant la SCI Alea.

Considérant ce qui suit :

1. La société Alea est propriétaire d'un local situé G.... A la suite d'une enquête diligentée le 20 décembre 2017 par un inspecteur assermenté du service technique de l'habitat de la Ville de Paris, le préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris l'a mise en demeure par un arrêté du 15 mars 2018 de mettre fin à l'occupation de ce local aux fins d'habitation dans un délai de trois mois et d'assurer le relogement de son occupant. Le recours gracieux formé par la société Alea contre cet arrêté a été implicitement rejeté. Par un jugement du 10 janvier 2020, le Tribunal administratif de Paris, à la demande de la société Alea, a annulé l'arrêté du 15 mars 2018 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux. Par un arrêt du 29 septembre 2020, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le ministre des solidarités et de la santé contre ce jugement. Par une décision du 11 mai 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par le ministre des solidarités et de la santé, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la Cour.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe (...). La personne qui a mis les locaux à disposition est tenue d'assurer le relogement des occupants dans les conditions prévues par l'article L. 521-3-1 du même code ; à défaut, les dispositions de l'article L. 521-3-2 sont applicables ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 40-3 de l'arrêté du 23 novembre 1979 portant règlement sanitaire du département de Paris : " L'une au moins des pièces principales de logement doit avoir une surface au sens du décret du 14 juin 1969 supérieure à neuf mètres carrés. Les autres pièces d'habitation ne peuvent avoir une surface inférieure à sept mètres carrés. Dans le cas d'un logement comportant une seule pièce principale, ou constitué par une chambre isolée, la surface de ladite pièce doit être au moins égale à neuf mètres carrés. Pour l'évaluation de la surface de chaque pièce, les parties formant dégagement ou cul-de-sac d'une largeur inférieure à deux mètres ne sont pas prises en compte " et l'article 40-4 de ce même arrêté dispose que : " La hauteur sous plafond ne doit pas être inférieure à 2,20 mètres ". Si un local ne saurait être qualifié d'impropre par nature à l'habitation au seul motif qu'il méconnaîtrait l'une des prescriptions du règlement sanitaire départemental applicable, lequel n'a pas pour objet de définir les modalités d'application des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, il appartient toutefois à l'administration, pour apprécier si un local est impropre par nature à l'habitation, de prendre en compte toutes les caractéristiques de celui-ci, notamment celles qui méconnaissent les prescriptions du règlement sanitaire départemental.

4. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont estimé qu'au regard de l'ensemble des caractéristiques du local litigieux, notamment de sa superficie totale, de celle de la pièce à vivre qui comprend un coin cuisine spécialement aménagé et la présence d'une salle de bain, ce local ne pouvait pas être qualifié, en application des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, d'impropre par nature à l'habitation. Cependant, il résulte de l'instruction que si le local présente une surface totale au sol de 13 m², il est cependant constitué de deux espaces d'environ quatre mètres de long chacun, situés dans l'alignement l'un de l'autre, le premier étant large d'un peu moins de deux mètres et le second étant large d'environ un mètre. Par suite, compte tenu de cette taille globale et de cette configuration particulière, et alors même que ce local dispose d'un éclairage naturel suffisant, ce local doit être regardé comme étant au nombre des locaux par nature impropres à l'habitation au sens des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique. Dans ces conditions, le ministre des solidarités et de la santé est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé, pour le motif susmentionné, l'arrêté du 15 mars 2018 du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris et la décision implicite rejetant le recours gracieux formé par la société Alea.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Alea devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par la société Alea :

6. En premier lieu, l'arrêté du 15 mars 2018 a été signé pour le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris et par délégation par M. A... C..., délégué départemental adjoint de Paris, chargé par intérim des fonctions de délégué départemental de Paris de l'agence régionale de santé Ile-de-France, et non comme le soutient la société Aléa par Mme D..., qui est la signataire de la lettre de notification de cet arrêté. Par un arrêté n° 75-2018-02-19-002 du 19 février 2018 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris n° 75-2018-071 du 19 février 2018, visé par l'arrêté en litige, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris a donné délégation au directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France afin de signer notamment en matière d'habitat, les mises en demeure de faire cesser la mise à disposition à des fins d'habitation des locaux par nature impropres à l'habitation. L'article 2 de cet arrêté dispose qu' " en cas d'absence ou d'empêchement de M. E... B..., la délégation visée à l'article 1er est donnée à M. A... C..., délégué départemental adjoint de Paris, chargé par intérim des fonctions de délégué départemental de Paris de l'agence régionale de santé Ile-de-France ". La société Alea n'établit pas que le directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France n'aurait pas été absent ou empêché. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige manque en fait et doit être écarté

7. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le local visé par l'arrêté en litige est par nature impropre à l'habitation. Dans ces conditions, le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris peut légalement en faire cesser définitivement l'occupation aux fins d'habitation. Il a mis en demeure la société Alea d'assurer le relogement de son occupant dans les conditions prévues par l'article L. 521-3-1 du code de la santé publique dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêté en litige, soit avant le 15 juin 2018. Il résulte de l'instruction qu'antérieurement à l'arrêté en litige, la société Alea avait, par un acte d'huissier du 30 novembre 2017, donné congé au locataire du local en cause pour le 14 juin 2018 et que le 22 juin 2018, la société Alea avait assigné son locataire devant le Tribunal d'instance de Paris en vue notamment d'ordonner son expulsion. Si ce locataire a finalement quitté le local en cause, en 2020 la société Alea a loué ce local à un nouveau locataire. Dans ces conditions, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris a pu légalement mettre à la charge de la société Alea l'obligation de relogement de son locataire prévue par l'article L. 521-1 du code de la santé publique.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la santé et de la prévention est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 15 mars 2018 du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris et la décision implicite rejetant le recours gracieux de la société Alea.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais liés à l'instance demandés par la société Alea soient mis à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1813181 du 10 janvier 2020 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Alea devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la santé et de la prévention et à la société Alea.

Copie en sera adressée au préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.

La rapporteure,

V. F... Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02234
Date de la décision : 05/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-05;22pa02234 ?
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