Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) ALEA a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 par lequel le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, l'a mise en demeure de faire cesser définitivement l'occupation aux fins d'habitation du local dont elle est propriétaire, situé au 34 rue de la Villette à Paris (19ème arrondissement) dans le délai de trois mois, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1813181 du 10 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par la SCI ALEA du 19 mars 2018.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 mars 2020, le ministre des solidarités et de la santé demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter les demandes de la SCI ALEA.
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont déduit des caractéristiques du local litigieux, notamment des dimensions de la pièce principale, qu'il ne pouvait être qualifié, en application de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, d'impropre par nature à l'habitation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 août 2020, la SCI ALEA, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ;
- l'arrêté du 23 novembre 1979 portant règlement sanitaire du département de Paris ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la SCI ALEA.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI ALEA est propriétaire d'un local situé au 34, rue de la Villette à Paris (19ème arrondissement). A la suite d'une enquête diligentée le 20 décembre 2017 par un inspecteur assermenté du service technique de l'habitat de la Ville de Paris, le préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris, par un arrêté du 15 mars 2018, l'a mise en demeure de mettre fin à l'occupation aux fins d'habitation de ce local dans un délai de trois mois et d'assurer le relogement de ses occupants. Le recours gracieux formé par la SCI ALEA le 19 mars 2018 contre cet arrêté a été implicitement rejeté. Par un jugement du 10 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris, à la demande de la SCI ALEA, a annulé l'arrêté du préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris du 15 mars 2018, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux. Le ministre des solidarités et de la santé relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. L'article L. 1331-22 du code de la santé publique dispose que : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe (...) La personne qui a mis les locaux à disposition est tenue d'assurer le relogement des occupants dans les conditions prévues par l'article L. 521-3-1 du même code ; à défaut, les dispositions de l'article L. 521-3-2 sont applicables ". Aux termes de l'article 40-1 de l'arrêté du 23 novembre 1979 portant règlement sanitaire du département de Paris : " (...) Les pièces principales et les chambres isolées doivent être munies d'ouvertures donnant à l'air libre et présentant une section ouvrante permettant une aération satisfaisante. Les pièces de service (cuisines, salles d'eau et cabinets d'aisances), lorsqu'elles sont ventilées séparément, doivent comporter les aménagements suivants en fonction de leur destination : a) Pièce de service possédant un ouvrant donnant sur l'extérieur : ces pièces doivent être équipées d'un orifice d'évacuation d'air vicié en partie haute. En sus, les cuisines doivent posséder une amenée d'air frais en partie basse (...) ". En vertu de l'article 40-2 du même arrêté : " (...) L'éclairement naturel au centre des pièces principales ou des chambres isolées doit être suffisant pour permettre, par temps clair, l'exercice des activités normales de l'habitation sans le secours de la lumière artificielle. ". Aux termes de l'article 40-3 du même texte : " Dans le cas d'un logement comportant une seule pièce principale, ou constitué par une chambre isolée, la surface de ladite pièce doit être au moins égale à neuf mètres carrés. Pour l'évaluation de la surface de chaque pièce, les parties formant dégagement ou cul-de-sac d'une largeur inférieure à deux mètres ne sont pas prises en compte. ". Enfin l'article 40-4 de l'arrêté dispose que : " La hauteur sous plafond ne doit pas être inférieure à 2,20 mètres. ". Il résulte des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique qu'un local ne peut être qualifié d'impropre par nature à l'habitation, au sens des dispositions précitées, au seul motif de la méconnaissance de la règle de surface minimale de la pièce principale prescrite par le règlement sanitaire départemental. Pour être qualifié de tel, il faut que, même à l'issue de la réalisation de travaux, sa structure même ne permette pas de lui assurer un caractère habitable.
3. Il ressort du rapport de l'inspecteur C... de la ville de Paris du 5 février 2018, ainsi que du procès-verbal de constat d'huissier de justice en date du 24 janvier 2019, que la hauteur constante sous plafond du local objet de l'arrêté litigieux est de 2,50 m et que sa surface totale au sol est de 13m2. Ce local dispose de deux fenêtres et d'un espace cuisine équipé d'un évier, ainsi que de sanitaires comprenant douche, lavabo, WC avec deux points d'aération. L'installation électrique y a été refaite et le studio est désormais équipé d'un convecteur électrique pour le chauffage. Les dimensions de la pièce principale permettent par conséquent, contrairement à ce que soutient le ministre, un aménagement destiné à l'habitation. Si sa situation en rez-de-chaussée le prive d'un grand ensoleillement, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des photographies versées au dossier, que l'éclairage naturel y serait structurellement insuffisant. Le studio a ainsi fait l'objet d'aménagements destinés à l'habitation qui offrent aux occupants des conditions de confort suffisantes. Eu égard à l'ensemble de ses caractéristiques, ce local, qui n'est ni une cave, ni un sous-sol, ni un comble, ne peut dès lors être regardé comme étant au nombre des locaux par nature impropres à l'habitation mentionnés par les dispositions précitées de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique.
4. Si le ministre soutient, en outre, que la qualification d'impropre par nature à l'habitation du local en cause n'est pas fondée exclusivement sur la méconnaissance de la règle de surface minimale du règlement sanitaire du département de Paris, mais découle également de l'appréciation concrète de la dimension et de la configuration des lieux ainsi que de leur incompatibilité avec un usage d'habitation préservant la santé et la sécurité des occupants, cette appréciation, qui porte sur le caractère décent du logement au regard des dispositions de l'article 4 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002, ne relève pas de la mise en oeuvre de l'article
L. 1331-22 du code de la santé publique sur lequel est fondé l'arrêté en litige.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre des solidarités et de la santé n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 15 mars 2018 du préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris et la décision implicite rejetant le recours gracieux de la SCI ALEA.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative le versement à la SCI ALEA d'une somme de 2 000 euros au titre des frais liés à l'instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête du ministre des solidarités et de la santé est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la SCI ALEA une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des solidarités et de la santé et à la SCI ALEA.
Copie en sera adressée au préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris.
Délibéré après l'audience publique du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
- M. E..., premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 29 septembre 2020.
Le rapporteur,
M-F... B... Le président,
M. E...
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N°20PA00932