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05/12/2022 | FRANCE | N°21PA05448

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 05 décembre 2022, 21PA05448


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 mai 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2107656 du 21 septembre 2021, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa de

mande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 oc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 mai 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2107656 du 21 septembre 2021, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 octobre 2021 et 14 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Sidobre, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2107656 du 21 septembre 2021 de la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 mai 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis ou, à titre subsidiaire, la décision fixant le Bangladesh comme pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un récépissé de demande d'asile et de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros à verser à Me Sidobre en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation par son conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; il est impossible d'obtenir un rendez-vous auprès des services de la préfecture lorsque le récépissé de demande de titre de séjour est en cours de validité ; il n'a ainsi pas pu se rendre à la préfecture pour présenter de nouveaux éléments avant l'édiction de l'arrêté contesté ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru en situation de compétence liée par la décision de la Cour nationale du droit d'asile et n'a pas procédé à un examen sérieux et approfondi des risques qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine du fait de ses opinions politiques ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il dispose d'éléments nouveaux, postérieurs à la décision de la Cour nationale du droit d'asile, qu'il souhaitait faire valoir dans le cadre d'une demande de réexamen de sa demande d'asile devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 30 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bangladais né le 10 juin 1981, entré en France le 20 janvier 2020 selon ses déclarations, a sollicité l'asile le 28 février 2020. Sa demande a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 9 novembre 2020, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 27 janvier 2021. Par un arrêté du 11 mai 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. Par un jugement du 21 septembre 2021, dont M. A... relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En jugeant que M. A..., qui faisait valoir qu'il disposait d'éléments nouveaux depuis le rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile, n'apportait pas d'élément suffisamment probant de nature à établir qu'il serait directement, personnellement et actuellement soumis à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine et que s'il faisait également valoir qu'il souhaitait exercer un recours contre la décision de refus d'asile de la Cour nationale du droit d'asile, il est constant qu'il n'avait pas, à la date de l'arrêté attaqué, introduit de demande de réexamen de sa demande d'asile auprès des services de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le premier juge a énoncé de manière suffisamment précise les motifs pour lesquels il a estimé que la décision fixant le Bangladesh comme pays de destination ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ". Aux termes de l'article L. 542-1 de ce code : " (...) Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

4. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes de l'article 51 de cette Charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives (...) ". Si le moyen tiré de la violation de l'article 41 précité par un Etat membre de l'Union européenne est inopérant, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse qu'aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

5. Dans le cas prévu au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 3, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. L'étranger qui présente une demande d'asile ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra, si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui ont été définitivement refusés, faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur à la préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié.

6. M. A..., qui entre dans le champ d'application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été mis à même de présenter ses observations lors de la procédure d'asile le concernant. S'il soutient qu'il est impossible d'obtenir un rendez-vous auprès des services de la préfecture lorsque le récépissé de demande de titre de séjour est en cours de validité, il n'établit pas avoir sollicité en vain un tel entretien, ni avoir été empêché, lors de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile comme pendant la durée de son instruction, de formuler toute remarque utile susceptible d'influer sur la décision préfectorale. Par suite, et alors que le préfet n'était pas tenu d'inviter M. A... à formuler des observations avant l'édiction de l'arrêté contesté, le moyen tiré de la méconnaissance du droit de l'intéressé à être entendu ne peut qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet, qui ne s'est pas estimé en situation de compétence liée par la décision de la Cour nationale du droit d'asile, a procédé à un examen particulier de la situation de M. A... au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

9. M. A... soutient qu'il sera exposé à des persécutions en cas de retour dans son pays d'origine du fait de ses opinions politiques, de sa condamnation par les autorités bangladaises pour un crime grave de droit commun qu'il n'a pas commis ainsi que des difficultés politiques du Bangladesh et qu'il dispose d'éléments nouveaux depuis le rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile. Cependant, il ne produit aucune pièce au soutien de ces allégations. Dans ces conditions, il n'établit pas qu'il encourrait des risques personnels et réels pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine alors, au demeurant, que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.

La rapporteure,

V. B... Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA05448 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05448
Date de la décision : 05/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SIDOBRE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-05;21pa05448 ?
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