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05/12/2022 | FRANCE | N°21PA04401

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 05 décembre 2022, 21PA04401


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Pompes funèbres calédoniennes a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser une somme de 6 000 000 francs CFP en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail du 25 avril 2018 par laquelle il s'est déclaré incompétent pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude qu'elle avait présentée pour M. A....

Par un jugem

ent n° 2000356 du 29 avril 2021, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Pompes funèbres calédoniennes a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser une somme de 6 000 000 francs CFP en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail du 25 avril 2018 par laquelle il s'est déclaré incompétent pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude qu'elle avait présentée pour M. A....

Par un jugement n° 2000356 du 29 avril 2021, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2021, la SNC Pompes funèbres calédoniennes, représentée par Me Elmosnino, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000356 du 29 avril 2021 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser une somme de 50 280 euros (6 000 000 francs CFP) en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail du 25 avril 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie une somme de 2 514 euros (300 000 francs CFP) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'inspecteur du travail a commis une erreur de droit en se déclarant incompétent pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude de M. A... ; il a méconnu les dispositions de l'article 17 de la délibération n° 240 du 6 décembre 1960 fixant les mesures de réadaptation fonctionnelle, de rééducation professionnelle et de reclassement des victimes d'accidents du travail ;

- la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie est engagée à son encontre ; la décision illégale de l'inspecteur du travail l'a empêchée de licencier M. A... dans le délai d'un mois suivant l'entretien préalable et le Tribunal du travail de Nouméa l'a condamnée, par un jugement du 30 avril 2019, à verser à M. A... une somme totale de 6 446 080 francs CFP (54 018,18 euros) pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- il sera fait une juste appréciation des préjudices engendrés par la décision en litige en lui accordant une indemnité de 50 280 euros (6 000 000 francs CFP).

Par un mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2021, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par Me Charlier, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SNC Pompes funèbres calédoniennes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, faute d'être accompagnée du jugement attaqué ;

- la décision du 25 avril 2018 n'est pas entachée d'illégalité ;

- en tout état de cause, il n'y a pas de lien de causalité entre la faute invoquée et le préjudice dont se prévaut la requérante.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;

- le code du travail de la Nouvelle-Calédonie ;

- la délibération n° 240 du 6 décembre 1960 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 22 mars 2012, la société en nom collectif (SNC) Pompes funèbres calédoniennes a recruté M. A... par un contrat à durée indéterminée. Le 10 août 2013, celui-ci a été victime d'un accident du travail à la suite duquel il a bénéficié d'une rente pour incapacité permanente de 20 %. Le 9 octobre 2017, alors qu'il exerçait les fonctions de responsable de cérémonie, il a été victime d'un nouvel accident du travail. Lors de la visite de pré-reprise du 20 février 2018, le médecin du service médical interentreprises du travail (SMIT) de Nouvelle-Calédonie a établi une fiche d'aptitude avec l'avis suivant " demande de poste sans manutention définitive de charges lourdes et en évitant la station debout prolongée pour la reprise du travail. A revoir à la reprise du travail ". A l'issue de la visite de reprise du travail du 12 mars 2018, le médecin du SMIT a conclu à l'inaptitude définitive de M. A... à tout poste dans l'entreprise. Le 20 mars 2018, la SNC Pompes funèbres calédoniennes l'a convoqué à un entretien préalable à son licenciement qui s'est déroulé le 26 mars suivant. Par un courrier du 9 avril 2018, reçu le 13 avril 2018, la société a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de procéder au licenciement de M. A... au motif qu'il était impossible de le reclasser au sein de l'entreprise. Par une décision du 25 avril 2018, l'inspecteur du travail a estimé qu'il n'avait pas compétence pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. A... et a rejeté la demande de la SNC Pompes funèbres calédoniennes.

2. M. A... a pris acte le 24 avril 2018 de la rupture de son contrat de travail conclu avec la SNC Pompes funèbres calédoniennes. Le 25 mai 2018, il a sollicité du Tribunal du travail la requalification de la prise d'acte de rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par un jugement du 30 avril 2019, le Tribunal du travail a fait droit à sa demande et a condamné la SNC Pompes funèbres calédoniennes à verser à l'intéressé la somme de 6 446 080 F CFP (54 018 euros) au titre de diverses indemnités. Estimant que sa condamnation était la conséquence de l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail du 25 avril 2018, la société a présenté le 22 juin 2020 une demande indemnitaire préalable auprès du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie laquelle a été implicitement rejetée. Par un jugement du 29 avril 2021, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté la demande de la SNC Pompes funèbres calédoniennes tendant à la condamnation de la Nouvelle-Calédonie à lui verser une somme de 6 000 000 francs CFP (50 280 euros) en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail du 25 avril 2018. La SNC Pompes funèbres calédoniennes relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Aux termes de l'article 17 de la délibération n° 240 du 6 décembre 1960 fixant les mesures de réadaptation fonctionnelle, de rééducation professionnelle et de reclassement des victimes d'accidents du travail : " En cas d'invalidité permanente, si le travailleur est atteint d'une réduction de capacité le rendant professionnellement inapte à son ancien emploi, l'employeur doit, indépendamment des mesures prévues aux sections I et II de la présente délibération, s'efforcer de le reclasser dans son entreprise en l'affectant à un poste correspondant à ses aptitudes et à ses capacités. / Si l'employeur ne dispose d'aucun emploi permettant le reclassement, le licenciement devra être soumis à la décision de l'Inspecteur du Travail et des Lois Sociales ". Il résulte de ces dispositions que l'inspecteur du travail se prononce sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié lorsque que ce dernier est atteint d'une invalidité permanente, que cette réduction de capacité qui l'affecte le rend professionnellement inapte à son emploi et que l'employeur ne dispose d'aucun emploi permettant le reclassement.

4. Il ne résulte pas de l'instruction et il n'est ni soutenu ni allégué que M. A... était atteint d'une invalidité permanente lorsque la SNC Pompes funèbres calédoniennes a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de procéder à son licenciement. Dans ces conditions, les conditions cumulatives prévues par les dispositions de l'article 17 de la délibération n° 240 du 6 décembre 1960 ne sont pas remplies. Par suite, l'inspecteur du travail a pu estimer sans commettre d'erreur de droit que la situation de M. A... n'entrait pas dans le champ d'application de ces dispositions au motif qu'aucun élément produit à l'appui de la demande ne permettait de regarder comme remplie la condition de l'invalidité permanente. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que M. A..., qui n'était ni délégué syndical ni délégué du personnel et n'était pas investi de fonctions représentatives, n'avait pas la qualité de salarié protégé. Par suite, l'inspecteur du travail n'avait pas compétence pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. A... à un autre titre que celui de l'article 17 de la délibération n° 240 du 6 décembre 1960 et pouvait ainsi légalement rejeter la demande de la SNC Pompes funèbres calédoniennes. L'inspecteur du travail n'ayant commis aucune faute, la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie ne saurait être engagée à l'encontre de la SNC Pompes funèbres calédoniennes. Il s'ensuit que les conclusions indemnitaires présentées par celle-ci doivent être rejetées.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que la SNC Pompes funèbres calédoniennes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SNC Pompes funèbres calédoniennes demande au titre des frais liés à l'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SNC Pompes funèbres calédoniennes la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au titre de l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SNC Pompes funèbres calédoniennes est rejetée.

Article 2 : La SNC Pompes funèbres calédoniennes versera au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SNC Pompes funèbres calédoniennes et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Copie sera adressée au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.

La rapporteure,

V. B... Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA04401 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04401
Date de la décision : 05/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SELARL RAPHAELE CHARLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-05;21pa04401 ?
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