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05/12/2022 | FRANCE | N°21PA03330

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 05 décembre 2022, 21PA03330


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 février 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2104363 du 20 mai 2021, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, annulé l'arrêté du 17 février 2021, enjoint au préfet de police de statue

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 février 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2104363 du 20 mai 2021, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, annulé l'arrêté du 17 février 2021, enjoint au préfet de police de statuer à nouveau sur la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de le munir, pendant le temps du réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 juin 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2104363 du 20 mai 2021 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a considéré que M. A... disposait d'un droit à se maintenir sur le territoire français en application des dispositions alors en vigueur de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) rejetant son recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été lue en audience publique le 11 février 2021, antérieurement à l'arrêté en litige ;

- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Kati, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2021 du préfet de police ;

2°) à titre subsidiaire, de suspendre sur le fondement de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'exécution de la mesure d'éloignement du 17 février 2021 jusqu'à la date de lecture de la décision ou de la notification de l'ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile statuant sur sa demande de réexamen de sa demande d'asile ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de maintenir son droit au séjour jusqu'à la décision définitive de la Cour nationale du droit d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Kati, conseil de M. A..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- il n'est pas établi que la décision de la CNDA rendue le 11 février 2021 a bien été lue en audience publique et que, par voie de conséquence, son droit de se maintenir sur le territoire français a pris fin le 27 avril 2021 ; le préfet de police n'établit pas que le sens de la décision de la CNDA ait été publiquement et régulièrement affiché au sein de la Cour ; en outre, à supposer qu'un simple affichage du sens des décisions satisfasse à l'exigence d'une " lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ", cet affichage n'est en tout état de cause accessible ni au public ni aux requérants dès lors que la CNDA ne demeure ouverte qu'aux requérants convoqués pour leur audience uniquement et sous réserve de l'accord du service de sécurité ;

- la décision de la CNDA ne lui pas été régulièrement notifiée en l'absence notamment de notification des délais et voies de recours contre cette décision en langue pachto ;

- il renvoie aux autres moyens de légalité externe et interne soulevés en première instance ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision fixant l'Afghanistan comme pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard notamment à la situation de la province de Nangarhar dont il est originaire et où résident son épouse et ses enfants ;

S'agissant des conclusions tendant à la suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français :

- l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être suspendue, en application de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, jusqu'à la date de lecture de la décision ou la notification de l'ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile statuant sur sa demande de réexamen.

Par un courrier du 8 novembre 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour est susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions présentées par M. A... tendant à la suspension de l'obligation de quitter le territoire français, qui ne peuvent être présentées que devant le tribunal administratif, ne sont pas recevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan, né le 1er janvier 1985, entré en France le 4 avril 2018 selon ses déclarations, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 30 avril 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 11 février 2021. Par un arrêté du 17 février 2021, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de police relève appel du jugement du 20 mai 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté à la demande de M. A....

Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 611-1 de ce code : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci (...) ".

3. Il ressort des mentions de la décision par laquelle la CNDA a rejeté le recours formé par M. A... à l'encontre de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 avril 2019, produite en appel par le préfet de police, que cette décision, qui n'a pas été rendue par ordonnance, a été lue en audience publique le 11 février 2021. Dans ces conditions, et dès lors que les mentions de la décision de la CNDA font foi jusqu'à preuve contraire, le préfet de police pouvait légalement prononcer dès le 11 février 2021 une mesure d'éloignement sans qu'ait d'incidence la circonstance que le relevé " Telemofpra " indique : " en attente " à la rubrique " notifiée le ". Il suit de là que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a considéré que l'arrêté du 17 février 2021 méconnaissait les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 613-1 de ce code : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

6. L'arrêté contesté vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment l'alinéa 6 du I de l'article L. 511-1. Il mentionne que M. A..., né le 1er janvier 1985, de nationalité afghane, entré en France le 4 avril 2018 selon ses déclarations, a déposé une demande de protection internationale dans le cadre des dispositions alors applicables des articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. De même, il indique que la demande d'asile de M. A... a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 30 avril 2019, confirmée par une décision de la CNDA du 11 février 2021, et porte l'appréciation selon laquelle il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale et que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, ou dans son pays de résidence habituelle où il est effectivement admissible. Ainsi, l'arrêté en litige qui, contrairement à ce que soutient M. A..., se prononce sur la situation de l'intéressé au regard des risques qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine, mentionne de façon suffisamment précise les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté doit être écarté comme manquant en fait.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) " et aux termes de l'article 51 de cette Charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives. / (...) ". Si le moyen tiré de la violation de l'article 41 précité par un Etat membre de l'Union européenne est inopérant, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse qu'aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

8. Dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 2 de l'arrêt, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. L'étranger qui présente une demande d'asile ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra, si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui ont été définitivement refusés, faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur à la préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié.

9. M. A..., qui entre dans le champ d'application des dispositions du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été mis à même de présenter ses observations lors de la procédure d'asile le concernant. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait été empêché, lors de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile comme pendant la durée de son instruction, de formuler toute remarque utile susceptible d'influer sur la décision préfectorale. De même, l'intéressé n'établit pas, ni même n'allègue qu'il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ou qu'il aurait été empêché de faire valoir les éléments relatifs à sa province d'origine en Afghanistan. Dans ces conditions, le préfet de police, qui n'était pas tenu d'inviter M. A... à formuler des observations avant l'édiction de cette mesure, ne l'a pas privé de son droit à être entendu.

10. En troisième lieu, si M. A... soutient que l'arrêté contesté méconnaît le principe du contradictoire, il n'assortit pas ce moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier son bien-fondé.

11. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté contesté que le préfet de police se serait estimé en situation de compétence liée par la décision de la CNDA et n'aurait pas procédé à un examen de sa situation alors qu'il a notamment pris soin de vérifier si cette mesure ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale et qu'il a examiné sa situation au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 733-31 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Les décisions de la cour sont lues en audience publique. (...) ". Aux termes de l'article R. 733-32 du même code alors applicable : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article R. 213-6. (...). ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 213-6 du même code issu de l'article 2 du décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 qui reprend les dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 213-3 : " L'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, du caractère positif ou négatif de la décision prise par le ministre chargé de l'immigration en application de l'article L. 213-8-1 ". Il résulte des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur version applicable à la date de l'arrêté en litige, citées au point 2 du présent arrêt, que le demandeur d'asile qui a introduit un recours contre la décision de l'OFPRA rejetant sa demande d'asile a le droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la CNDA ou, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci.

13. M. A... soutient qu'en l'absence de preuve d'une notification de la décision de la CNDA du 11 février 2021 en langue pachto, seule langue qu'il comprend, le préfet de police ne pouvait, sans méconnaître son droit au maintien sur le territoire français tel que prévu par les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Toutefois, et ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, dès lors que la décision de la CNDA n'a pas été rendue par ordonnance, le droit au maintien sur le territoire français de l'intéressé prenait fin à la date de lecture en audience publique de cette décision, soit le 11 février 2021. Dans ces conditions, et alors que M. A..., qui ne peut utilement se prévaloir des conditions de la notification de la décision de la CNDA, n'établit pas ni même n'allègue qu'il n'aurait pas été destinataire lors de la lecture en audience publique du 11 février 2021 du sens de la décision ainsi que des voies et délais de recours dans une langue qu'il comprend, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu son droit à se maintenir sur le territoire français.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 611-1 de ce code : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. (...) ".

15. Si M. A... soutient que la qualité de réfugié ne lui avait pas été définitivement refusée dès lors que, disposant d'éléments nouveaux, il a sollicité le réexamen de sa demande d'asile, il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier de l'attestation de réexamen de demande d'asile remise à l'intéressé le 14 avril 2021, que cette demande de réexamen est postérieure à l'arrêté en litige. Cette circonstance est seulement de nature à faire obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la notification de la décision de l'OFPRA ou de la CNDA. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

16. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 15, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

17. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur version applicable au litige : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

18. M. A... soutient qu'il encourt un risque pour sa vie en cas de retour en Afghanistan dès lors qu'il est originaire de la province de Nangarhar où règne une situation de violence aveugle de haute intensité, que la situation sécuritaire à Kaboul s'est nettement détériorée alors qu'il s'agit du seul point d'entrée sur le territoire afghan et qu'il dispose de nouveaux éléments établissant le centre de ses intérêts dans la province de Nangarhar. Il ressort des pièces du dossier que par une décision de l'OFPRA du 30 avril 2019, confirmée par une décision de la CNDA du 11 février 2021, la demande d'asile présentée par M. A... a été rejetée au motif que les évènements tels que relatés par l'intéressé ainsi que les documents produits au soutien de sa demande de protection internationale ne permettaient pas de déterminer sa région de provenance et, plus précisément, la province où il avait le centre de ses intérêts avant son départ et où il a vocation à se réinstaller en cas de retour dans son pays d'origine. Postérieurement à ces décisions, M. A... a produit les taskeras de sa femme et de ses enfants, des bulletins de notes de deux de ses fils scolarisés dans la province de Nangarhar ainsi qu'une carte de sortie relative à la prise en charge médicale de son épouse dans un hôpital public de cette même province. Toutefois, ni ces éléments, ni la production d'articles de presse faisant état, en septembre 2021, du retrait des troupes américaines en Afghanistan, ne permettent d'établir que M. A... était personnellement exposé à un risque de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

19. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 15 et 18 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle.

Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire :

20. Aux termes de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci ".

21. Il résulte des dispositions de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les conclusions à fin de suspension qu'elles permettent ne peuvent être présentées que devant le tribunal administratif. Par suite, les conclusions présentées en appel sur ce fondement sont irrecevables.

22. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 17 février 2021, lui a enjoint de statuer à nouveau sur la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ainsi que de le munir d'une autorisation provisoire de séjour pendant le temps du réexamen et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et à demander en conséquence l'annulation de ce jugement et, d'autre part, que les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont rejetées. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. A... aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2104363 du 20 mai 2021 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.

La rapporteure,

V. C...Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA03330


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03330
Date de la décision : 05/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : KATI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-05;21pa03330 ?
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