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05/12/2022 | FRANCE | N°21PA02282

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 05 décembre 2022, 21PA02282


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101176 du 30 mars 2021, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire

enregistrés les 27 avril et 12 juillet 2021, M. C..., représenté par Me Fawaz, demande à la Cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101176 du 30 mars 2021, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 27 avril et 12 juillet 2021, M. C..., représenté par Me Fawaz, demande à la Cour, dans le dernier état de ses conclusions :

1°) d'annuler le jugement n° 2101176 du 30 mars 2021 de la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur de fait ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 13 septembre 2021, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 octobre 2021 à midi.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 9 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant turc né le 1er avril 1992 et entré en France le 10 juillet 2018 selon ses déclarations, a présenté le 12 septembre 2018 une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 24 septembre 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Par une décision du 5 novembre 2020 la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé cette décision. Par un arrêté du 12 janvier 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. C... relève appel du jugement du 30 mars 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, par un arrêté n° 2021-1191 du 18 mai 2021, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives de la préfecture de la Seine-Saint-Denis du 19 mai 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné à Mme E... F..., signataire de l'arrêté en litige, délégation, en cas d'absence ou d'empêchement des autres délégataires désignés, pour signer toute décision portant obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire et fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté.

3. En deuxième lieu, l'arrêté contesté vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment l'article L. 511-1. Il précise l'identité, la date et le lieu de naissance de M. C... et indique que la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par une décision du 24 septembre 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 5 novembre 2020 de la Cour nationale du droit d'asile. En outre, l'arrêté mentionne que M. C... ne justifie pas en France d'une situation personnelle et familiale à laquelle l'arrêté porterait une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi et que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, ou tout autre pays où il est effectivement admissible. Dans ces conditions, l'arrêté contesté qui, contrairement à ce que soutient M. C..., prend en compte sa situation personnelle tant au regard de ses attaches en France qu'au regard du droit d'asile, comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté doit être écarté comme manquant en fait.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a sollicité le 12 septembre 2018 son admission au séjour au titre de l'asile et que cette demande a été rejetée par une décision du 24 septembre 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par une décision du 5 novembre 2020, la Cour nationale du droit d'asile, qui a jugé comme établies l'appartenance de M. C... à une famille kurde ainsi que sa proximité avec les partis kurdes de Turquie, a toutefois confirmé le rejet de sa demande d'asile aux motifs que les déclarations de l'intéressé ne permettaient pas de tenir pour établis les motifs ayant présidé à son départ de la République de Turquie. Cette décision relève également que M. C..., dont les propos concernant ses activités politiques étaient particulièrement vagues et inconsistants, ne produisait aucun élément de nature à corroborer la réalité de son engagement politique au sein des partis kurdes du BDP (Parti de la Paix et de la Démocratique) et du HDP (Parti démocratique des peuples) et que son récit, s'agissant de son soutien aux guérilleros du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) et de sa mise en accusation dans une procédure pénale pour soutien à ces derniers, ne pouvait, eu égard aux incohérences de celui-ci, davantage être tenu pour établi. Si M. C... a produit postérieurement à l'audience devant la Cour nationale du droit d'asile un mandat d'arrêt par contumace du 11 décembre 2020 pour le délit " d'agir en complicité en connaissance de cause avec les militants de l'organisation illégale terroriste armée dite le PKK ", un procès-verbal de perquisition effectuée à son domicile le 16 décembre 2020 et une attestation du parti HDP établie à sa demande, ces documents, qui ne sont que de simples photocopies, ne présentent pas de garanties suffisantes pour établir que M. C... encourrait des risques de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Turquie alors qu'il est constant que M. C... n'a pas déposé de demande de réexamen de sa demande d'asile et que les termes de l'attestation du parti HDP indiquant une implication au sein du parti à compter du 2 janvier 2017 sont en contradiction avec le récit de l'intéressé qui mentionne une activité militante à l'occasion des élections de 2014 et 2015. En outre, la production pour la première fois devant la Cour d'articles de presse des 25 et 26 septembre 2020 relatant l'arrestation de 82 cadres du parti HDP ne permet pas davantage d'établir qu'il risquerait d'être personnellement exposé à un risque de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur de fait sera écarté.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. C... soutient que compte tenu des risques d'emprisonnement qu'il encourt en cas de retour en Turquie et eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, son renvoi dans son pays d'origine aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son droit au respect de sa vie privée et familiale. Toutefois, et alors que l'intéressé n'établit pas, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, qu'il serait personnellement exposé à un risque de traitement inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, il est constant que M. C..., qui déclare être arrivé en France en juillet 2018, ne justifie pas d'une ancienneté significative sur le territoire français. En outre, si le requérant a déclaré lors de son audition devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que sa sœur et son frère vivaient en France, l'intéressé, qui est célibataire et sans charge de famille, n'établit pas ni même n'allègue qu'il entretiendrait de liens affectifs avec eux. Dans ces conditions, M. C..., qui n'est pas démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et où il y a vécu au moins jusqu'à l'âge de 26 ans, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 8 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. C... ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi, en tout état de cause, que celles présentées par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.

Le rapporteur,

F. HO SI A... Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA02282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02282
Date de la décision : 05/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: M. Frank HO SI FAT
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : L et P ASSOCIATION D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-05;21pa02282 ?
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