La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2022 | FRANCE | N°21PA02008

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 05 décembre 2022, 21PA02008


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... épouse F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 4 juillet 2019 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de l'enfant Nassim G..., recueilli en vertu d'une kafala.

Par un jugement n° 1915086/2-1 du 17 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 avril 2021, Mme D... épouse F..., représentée par Me P

uillandre, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1915086/2-1 du 17 novembre 2020 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... épouse F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 4 juillet 2019 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de l'enfant Nassim G..., recueilli en vertu d'une kafala.

Par un jugement n° 1915086/2-1 du 17 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 avril 2021, Mme D... épouse F..., représentée par Me Puillandre, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1915086/2-1 du 17 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 4 juillet 2019 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de regroupement familial ;

3°) d'ordonner toute mesure d'instruction nécessaire à la vérification de la régularité de la décision d'adoption prononcée à l'étranger ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa demande de regroupement familial ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Puillandre au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la décision contestée a été signée par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 411-1, L. 411-5 et L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... épouse F... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 septembre 2022, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 octobre 2022 à midi.

Mme D... épouse F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 26 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D... épouse F..., ressortissante marocaine née le 28 juillet 1957 a sollicité le 17 mars 2017 l'introduction en France au titre du regroupement familial de l'enfant Nassim G..., recueilli en vertu d'une kafala prononcée par le tribunal d'instance de Figuig au Maroc le 14 août 2016. Par un arrêté du 4 juillet 2019, le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande. Mme D... épouse F... relève appel du jugement du 17 novembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, par un arrêté n° 2019-00368 du 17 avril 2019, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 23 avril 2019, le préfet de police a donné à M. François Lematre, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 10ème bureau au sein de la direction de la police générale de la préfecture de police et signataire de l'arrêté contesté, délégation à effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit, par suite, être écarté comme manquant en fait.

3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicables au litige : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes des dispositions de l'article L. 411-4 du même code : " L'enfant pouvant bénéficier du regroupement familial est celui qui répond à la définition donnée au dernier alinéa de l'article L. 314-11 ". Enfin aux termes des dispositions de l'article L. 314-11 du même code : " (...) L'enfant visé aux 2°, 8° et 9° du présent article s'entend de l'enfant ayant une filiation légalement établie, y compris l'enfant adopté, en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger ".

4. D'autre part, aux termes des dispositions alors applicables de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. Les ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel ; / 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France ". De même, aux termes des dispositions de l'article L. 411-6 du même code : " Peut être exclu du regroupement familial : / 1° Un membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l'ordre public ; / 2° Un membre de la famille atteint d'une maladie inscrite au règlement sanitaire international ; / 3° Un membre de la famille résidant en France ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... épouse F... a recueilli son petit-fils E... G... par une kafala prononcée le 14 août 2016 par le Tribunal d'instance de Figuig au Maroc. Dans ces conditions, et dès lors que la kafala ne crée aucun lien de filiation, les enfants confiés ainsi à leurs grands-parents n'entrent dans aucune des catégories d'enfants visés par les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et éligibles au regroupement familial prévu par l'article L. 411-1 du même code. Il en résulte qu'est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision contestée la circonstance qu'aucune vérification de régularité n'ait été effectuée par le ministère public. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police, en refusant de faire droit à la demande de regroupement familial de Mme D... épouse F... au profit de son petit-fils, aurait méconnu les dispositions des articles L. 411-1, L. 411-5 et L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 10 de la même convention : " 1. Conformément à l'obligation incombant aux Etats parties en vertu du paragraphe 1 de l'article 9, toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un Etat partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les Etats parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence. Les Etats parties veillent en outre à ce que la présentation d'une telle demande n'entraîne pas de conséquences fâcheuses pour les auteurs de la demande et les membres de leur famille. / 2. Un enfant dont les parents résident dans des Etats différents a le droit d'entretenir, sauf circonstances exceptionnelles, des relations personnelles et des contacts directs réguliers avec ses deux parents. A cette fin, et conformément à l'obligation incombant aux Etats parties en vertu du paragraphe 1 de l'article 9, les Etats parties respectent le droit qu'ont l'enfant et ses parents de quitter tout pays, y compris le leur, et de revenir dans leur propre pays. Le droit de quitter tout pays ne peut faire l'objet que des restrictions prescrites par la loi qui sont nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l'ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d'autrui, et qui sont compatibles avec les autres droits reconnus dans la présente Convention ". De même, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Si les dispositions combinées des articles L. 314-11, L. 411-1 et L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que l'enfant pouvant bénéficier du regroupement familial est l'enfant légitime ou naturel ayant une filiation légalement établie ainsi que l'enfant adopté, il appartient toutefois à l'autorité administrative de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'une décision refusant le bénéfice du regroupement familial demandé pour un enfant n'appartenant pas à l'une des catégories ainsi mentionnées ne porte pas une atteinte excessive aux droits des intéressés au respect de leur vie privée et familiale et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 selon lesquelles dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.

8. D'une part, Mme D... épouse F... soutient que l'arrêté en litige méconnaît l'intérêt supérieur de son petit-fils, E... G..., qu'elle a recueilli par kafala prononcée par le Tribunal d'instance de Figuig au Maroc le 14 août 2016, dès lors que son fils, père de l'enfant, souffre de crises épileptiques et qu'il n'exerce, ainsi que son épouse, aucune activité professionnelle. La requérante fait valoir qu'elle subvient financièrement aux besoins de la famille et qu'elle souhaite que son petit-fils puisse vivre en France afin d'y poursuivre des études lui permettant par la suite de prendre soin de ses parents. Toutefois, et alors que l'intéressée ne conteste pas avoir recueilli son petit-fils par kafala, il est constant que Nassim G..., âgé de plus de sept ans à la date de l'arrêté en litige, n'est pas démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine où il vit auprès de ses parents. En outre, Mme D... n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle entretiendrait un lien affectif avec cet enfant, ni qu'elle contribuerait effectivement aux besoins de la famille de son fils. Dans ces conditions, et alors qu'en tout état de cause Mme D... n'établit pas ni même n'allègue qu'elle ne pourrait se rendre régulièrement au Maroc pour y voir son petit-fils, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait méconnu l'intérêt supérieur de cet enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 3-1 et 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.

9. D'autre part, et compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, la décision du 4 juillet 2019 ne porte pas davantage une atteinte disproportionnée au droit de Mme D... épouse F... au respect de la vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. En troisième lieu, si Mme D... épouse F... soutient que l'arrêté en litige méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de procéder au supplément d'instruction demandé par Mme D... épouse F..., que l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi, en tout état de cause, que celles présentées par son conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... épouse F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... épouse F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.

Le rapporteur,

F. HO SI A... Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA02008


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02008
Date de la décision : 05/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: M. Frank HO SI FAT
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : PUILLANDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-05;21pa02008 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award