Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... F... B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 2 mai 2022 par lequel le préfet de police a prononcé son transfert aux autorités bulgares aux fins d'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 2210773 du 6 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté du préfet de police du 2 mai 2022, a enjoint au préfet de police d'enregistrer la demande d'asile de M. B... dans un délai de deux mois et de lui remettre une attestation de dépôt de demande d'asile en procédure normale dans ce délai, et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. B... ou à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juin 2022, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris du 6 juin 2022 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné par le Président du tribunal administratif a fait droit aux moyens tirés d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, et d'une violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- c'est également à tort qu'il lui a enjoint de délivrer à M. B... un dossier de demande d'asile en procédure normale, alors que M. B... ne pouvait en tout état de cause relever que de la procédure accélérée ;
- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 31 août 2022, M. B..., représenté par Me Jaslet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le moyen soulevé par le préfet de police n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 8 août 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;
- la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme E... été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 4 juillet 1995 à Khost (Afghanistan), qui est entré en France le 10 août 2021 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Après avoir été informé par le ministère de l'intérieur de ce que le relevé de ses empreintes avait révélé qu'il avait présenté une demande d'asile en Bulgarie, le 17 décembre 2021, puis en Autriche, le 23 janvier 2022, le préfet de police a saisi les autorités autrichiennes et bulgares d'une demande de reprise en charge de M. B... sur le fondement de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du
26 juin 2013. Les autorités bulgares ayant implicitement accepté de reprendre en charge M. B..., le préfet de police a décidé le transfert de celui-ci par un arrêté du 2 mai 2022, qui a été annulé par un jugement du 6 juin 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris. Le préfet de police relève régulièrement appel de ce jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté du 2 mai 2022, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... un dossier de demande d'asile en procédure normale, et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
3. Pour annuler l'arrêté en litige comme méconnaissant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la circonstance que le transfert de M. B... en Bulgarie était susceptible d'entraîner un risque qu'il y subisse des traitements inhumains et dégradants, indépendamment même de la question de savoir s'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Bulgarie.
4. Si M. B... fait valoir que les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Bulgarie sont régulièrement dénoncées, comme en attestent selon lui notamment le rapport du Comité contre la Torture en date du 30 novembre 2017, le rapport pays d'Asylum Information Database, mis à jour en 2021, ou encore le rapport du représentant spécial du Secrétaire général du Conseil de l'Europe sur les migrations et les réfugiés, en Bulgarie du 13 au
17 novembre 2017, et qu'il a lui-même été contraint de passer environ 25 jours dans le camp fermé de Butsmansti, dans des conditions indignes et sans avoir accès à des soins en dépit de l'infection de la peau qu'il y a développée, il n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations, qu'il n'a d'ailleurs pas fait valoir lors des entretiens en préfecture, hormis deux certificats médicaux dont aucun, eu égard aux termes dans lesquels ils sont rédigés, ne permet de confirmer la réalité des mauvais traitements qui lui auraient été infligés lors de son séjour en Bulgarie.
5. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a jugé que l'arrêté du 2 mai 2022 portant transfert de M. B... aux autorités bulgares méconnaissait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal :
7. En premier lieu, par un arrêté n° 2021-00991 du 27 septembre 2021 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial, le préfet de police a donné délégation à M. C... D..., attaché d'administration de l'Etat, signataire de l'arrêté attaqué, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. ". Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
9. L'arrêté litigieux, après avoir visé le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, mentionne les éléments de fait de la situation de M. B..., en rappelant notamment que le relevé de ses empreintes a révélé qu'il avait sollicité l'asile successivement auprès des autorités bulgares et autrichiennes, et en indiquant que les autorités bulgares, saisies après le refus des autorités autrichiennes, ont implicitement accepté de prendre en charge M. B..., en application de l'article 18 (1) (b) de ce règlement. Cette mention est suffisante pour permettre à M. B..., le cas échéant, de contester utilement la compétence de la Bulgarie au regard des critères fixés par le règlement. L'arrêté précise également que M. B... ne relève pas des clauses dérogatoires des articles 3-2 et 17 du règlement, qu'il ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale, et enfin qu'il n'établit pas l'existence d'un risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités bulgares. Cet arrêté satisfait ainsi aux exigences de motivation résultant des dispositions citées ci-dessus. Par ailleurs, il en ressort que le préfet de police a procédé à l'examen particulier de la situation de M. B....
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Droit à l'information : 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent (...) b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères (...) c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre en temps utile, le 22 février 2022, la brochure " A ", intitulée " J'ai demandé l'asile dans un pays de l'Union européenne ", et la brochure " B ", intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ", en langue dari qu'il a déclaré comprendre, et que ces documents étaient complets. Le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit donc être écarté.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
13. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'un entretien individuel mené dans les locaux de la préfecture de police, le 22 février 2022. Le résumé de cet entretien, établi le jour même et versé au dossier par le préfet, sur lequel est apposée la signature de M. B... et le cachet de la préfecture, mentionne que l'entretien a été mené par un agent du 12ème bureau de la délégation à l'immigration de la préfecture de police, ce qui est suffisant pour établir que l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens du droit national. En effet, aucun principe ni aucune disposition légale ou réglementaire n'impose la mention, sur le résumé de l'entretien individuel prévu par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien. En vertu des dispositions combinées des articles L. 741-1 et R. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat, le préfet de police était compétent pour enregistrer la demande d'asile de M. B... et procéder à la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de cette demande. Dans ces conditions, les services du préfet de police, et en particulier les agents recevant les étrangers, doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement du 26 juin 2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article. Par ailleurs, M. B... n'établit pas que lui-même et son Conseil auraient été empêchés d'avoir communication du compte-rendu d'entretien en temps utile.
14. D'autre part, il n'est pas contesté que M. B... a bénéficié lors de son entretien individuel, ainsi que le permettent les dispositions citées ci-dessus, des services d'un interprète en langue dari, qu'il a déclaré comprendre, provenant de l'organisme d'interprétariat ISM, agréé par l'administration. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions dans lesquelles l'entretien s'est déroulé auraient privé M. B... de la possibilité de faire valoir toute observation utile ou n'auraient pas permis d'en assurer la confidentialité.
15. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'accusé de réception " DubliNet " produit en défense, que le préfet de police a saisi les autorités bulgares, le 28 mars 2022, et qu'il a obtenu leur accord implicite pour la reprise en charge de M. B... le 11 avril 2022. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des articles 23 et 25 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et des articles 15, 19 et 19 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 doit donc être écarté.
16. En sixième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article 258 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Si la commission estime qu'un Etat membre a manqué à l'une des obligations qui lui incombent en vertu des traités, elle émet un avis motivé après avoir mis cet Etat en mesure de présenter ses observations ".
17. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
18. D'une part, ni la circonstance que la Commission européenne a adressé aux autorités bulgares, le 8 novembre 2018, une lettre de mise en demeure sur le fondement de l'article 258 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, puis, a transmis, le 29 juillet 2019, un avis motivé pour transposition incomplète de la directive n° 2013/32/UE de refonte sur les procédures d'asile, ni les rapports cités au point 4, ne permettent d'établir l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Bulgarie, alors que, ainsi que le fait valoir le préfet de police, la Commission européenne n'a pas recommandé de suspendre les transferts des demandeurs d'asile vers cet Etat. D'autre part, il ressort de ce qui a été dit précédemment au point 4 que M. B... n'établit pas qu'il serait confronté en Bulgarie à des traitements inhumains et dégradants en cas d'exécution de l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.
19. En dernier lieu, M. B... soutient que sa demande d'asile sera nécessairement rejetée en cas de transfert dans cet Etat et qu'il sera renvoyé en Afghanistan, pays caractérisé par une violence généralisée. Toutefois, M. B... n'établit pas qu'il serait soumis à des menaces personnelles en cas de retour en Afghanistan, Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 paragraphe 1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.
20. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 2 à 4 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 mai 2022, lui a enjoint de délivrer à M. B... un dossier de demande d'asile en procédure normale et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. B... ou à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance, et à demander en conséquence l'annulation de ce jugement dans cette mesure.
Sur les frais liés à l'instance :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. B... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2210773 du 6 juin 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Paris, à l'exception de sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, et ses conclusions présentées devant la Cour, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... F... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon Villalba, présidente-assesseure,
- M. Perroy, premier conseiller.
Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 2 décembre 2022.
La rapporteure,
C. VRIGNON VILLALBALa présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA02758 2