Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2106995 du 25 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Schwarz, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2106995 du 25 juin 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2020 du préfet de police ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence algérien mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Schwarz de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit, le préfet ayant examiné les éléments présentés de manière individuelle et non dans leur ensemble ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir de régularisation du préfet ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale, par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour qui en constitue le fondement ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 juin 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 11 août 2021.
Par un courrier du 4 octobre 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables aux ressortissants algériens et de ce qu'il y a lieu de substituer à cette base légale celle tirée du pouvoir de régularisation dont dispose l'autorité préfectorale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 29 juin 1983 à Amalou (Algérie), est entré en France le 13 septembre 2010 pour y poursuivre des études. Son dernier titre de séjour mention " étudiant ", valable jusqu'au 12 septembre 2013, n'ayant pas été renouvelé, il a sollicité, en septembre 2017, la délivrance d'un titre de séjour mention " salarié ", sur le fondement de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien et sur le fondement du pouvoir de régularisation du préfet de police. Sa demande a été rejetée par un arrêté du préfet de police du 20 février 2019, qui a été annulé, pour défaut d'examen de la situation personnelle de M. B..., par jugement du 24 octobre 2019 du tribunal administratif de Paris, qui a enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de M. B.... Par un arrêté du 17 juillet 2020, le préfet de police a de nouveau refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'issue de ce délai. M. B... relève appel du jugement du 25 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent [...] ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation [...] doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, [...] lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / [...] 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; / [...] La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° [...] du présent 1 [...] ".
3. L'arrêté du 17 juillet 2020 vise notamment la convention franco-algérienne du 27 décembre 1968, notamment son article 7 b), et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 313-14 et L. 511-1, sur le fondement desquels, respectivement, le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ont été pris, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8. En outre, l'arrêté attaqué, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, mentionne avec suffisamment de précisions les circonstances de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour refuser de délivrer à M. B... un titre de séjour et lui faire obligation de quitter le territoire français à destination de l'Algérie, et notamment l'ancienneté de son séjour en France et sa situation familiale et professionnelle. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté.
4. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen global de la situation de M. B... avant de prendre l'arrêté attaqué. Le moyen tiré d'un tel défaut d'examen doit, dès lors, être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
5. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir ".
6. Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Les dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles elles renvoient, est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national.
7. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
8. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le préfet de police ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour rejeter la demande d'admission au séjour présentée par M. B....
9. La décision attaquée, prise à tort sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 et motivée par la circonstance qu'aucune considération humanitaire, ni aucun motif exceptionnel ne justifiait la délivrance à M. B... d'un titre de séjour, trouve toutefois un fondement légal dans l'exercice par le préfet du pouvoir de régularisation discrétionnaire dont il dispose. Ce fondement légal peut être substitué au fondement erroné retenu par le préfet de police dès lors que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver M. B... d'une garantie de procédure et que le préfet dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En l'espèce, M. B... fait valoir sa résidence en France depuis 2010, son intégration professionnelle avérée depuis 2012, et la présence en France de son père, âgé de 70 ans, ainsi que d'une tante et d'un cousin avec qui il vit. Toutefois, ni l'ancienneté du séjour sur le territoire français, ni la présence de son père et d'autres proches en France, ne constituent des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels d'admission au séjour. Par ailleurs, si M. B... fait également valoir qu'il justifie d'une activité professionnelle depuis 2012, notamment en tant qu'agent polyvalent et peintre en bâtiment, et de revenus supérieurs au SMIC depuis 2014, et produit au dossier des bulletins de paie couvrant l'essentiel des années 2014 à 2016, d'une part, il ne produit aucun bulletin de paie pour la période allant de mars 2017 à décembre 2019, alors que les relevés bancaires produits au dossier ne permettent pas, contrairement à ce qu'il soutient, d'établir l'exercice d'une activité professionnelle pendant cette période, d'autre part et en tout état de cause, cette circonstance ne constitue pas davantage une considération humanitaire ou un motif exceptionnel. Ainsi, c'est sans commettre ni erreur de droit, ni erreur manifeste d'appréciation, que le préfet de police a refusé d'exercer son pouvoir discrétionnaire de régularisation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. B... ne peut pas se prévaloir par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour pour demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
12. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
13. Si M. B... fait valoir être entré en France en septembre 2010, il est célibataire et sans enfant. Si son père, sa tante et son cousin résident en France en situation régulière, il n'atteste pas être dépourvu d'attaches familiales en Algérie, où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans. Dans ces conditions, la décision attaquée ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit en conséquence être écarté. Pour ces mêmes motifs, ainsi que ceux exposés au point 10 du présent arrêt, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Perroy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 décembre 2022.
La rapporteure,
C. C...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA05215 2