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28/11/2022 | FRANCE | N°21PA06677

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 novembre 2022, 21PA06677


Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : I. Par une requête enregistrée sous le n° 2107338 M. B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 2 août 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. II. Par une requête enregistrée sous le n° 2107464 M. B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 6 août 2021

par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé son maintien en...

Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : I. Par une requête enregistrée sous le n° 2107338 M. B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 2 août 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. II. Par une requête enregistrée sous le n° 2107464 M. B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 6 août 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé son maintien en rétention. Par un jugement n° 2107338, 2107464 en date du 4 octobre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 29 décembre 2021, M. B... représenté, par Me Gonidec, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2107338, 2107464 du 4 octobre 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 2 août 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois et, d'autre part, de l'arrêté du 6 août 2021 prononçant son maintien en rétention ; 2°) d'annuler ces arrêtés ; 3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : - cette décision méconnaît les dispositions des articles L. 611-1 et L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a fait état lors de sa garde à vue de sa volonté de déposer une demande d'asile et qu'il bénéficie en conséquence d'un droit au maintien sur le territoire français le temps que sa demande d'asile soit examinée ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : - elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; En ce qui concerne l'arrêté de maintien en rétention : - il méconnaît les dispositions de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sa demande d'asile n'a pas été présentée à des fins dilatoires. La requête a été transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a produit aucune observation. Vu : - l'ordonnance n° 21PA06678 du 7 janvier 2022 du juge des référés de la Cour ; - les autres pièces du dossier.

Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - et les observations de Me David, substituant Me Gonidec, pour M. B.... Une note en délibéré a été enregistrée le 14 novembre 2022 pour M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant turc né le 8 septembre 1990 à Kulp (Turquie), est arrivé le 17 juillet 2021 à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle par un vol en provenance du Brésil sans passeport ni visa et a été placé en zone d'attente. Il a formulé une demande d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile qui a été rejetée par une décision du ministre de l'intérieur en date du 20 juillet 2021. Par un jugement n° 2115516, 2115517 du 26 juillet 2021, devenu définitif, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision. M. B... a ensuite refusé de se soumettre au test PCR en vue de son embarquement pour un vol à destination du Brésil les 28 juillet et 1er août 2021. Ce dernier jour, il a été placé en garde à vue pour des faits de soustraction à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France. Par un arrêté du 2 août 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 12 mois. M. B... a été placé en rétention administrative le 2 août 2021. Par un arrêté du 6 août 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé son maintien en rétention administrative. M. B... interjette régulièrement appel du jugement n° 2107338, 2107464 du 4 octobre 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 2 août 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois et, d'autre part, de l'arrêté du 6 août 2021 prononçant son maintien en rétention.

Sur les conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire : 2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président. . 3. Il ressort des pièces du dossier que le requérant n'a pas déposé de demande d'aide juridictionnelle depuis l'enregistrement de sa requête. Par suite et en l'absence d'urgence, il n'y a pas lieu de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire : 4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...). ". Aux termes de l'article L. 541-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 521-1 de ce code : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article L. 352-1 du même code : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : (...) 3°(...) la demande d'asile est manifestement infondée./ Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves (...). ". 5. Contrairement à ce que soutient M. B..., il ne ressort pas des pièces du dossier et, en particulier, pas du procès-verbal de son audition par les services de police le 1er août 2021, qu'il aurait fait part de son souhait de demander l'asile en France antérieurement à la décision attaquée. Par suite, l'intéressé ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions des articles L. 611-1 et L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 7. Il est constant que M. B... est arrivé à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle le 17 juillet 2021 en provenance du Brésil et qu'il séjourne sur le territoire français depuis le 17 juillet 2021 seulement et qu'il n'établit pas ne pas avoir d'autre attache que son épouse, qui est rentrée dans les mêmes conditions. Si cette dernière a obtenu une attestation de demande d'asile en procédure normale, laquelle au demeurant ne préjuge pas de son admission en France au titre de l'asile, cette seule circonstance ne suffit pas à considérer qu'il serait dépourvu de toute attache dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : 8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des déclarations de M. B... telles qu'elles ont été consignées dans les comptes-rendus d'entretien avec le représentant de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en date des 9 et 15 septembre 2021, que le requérant, de nationalité turque et appartenant à la communauté kurde, a plusieurs membres de sa famille qui militent activement au sein du Parti démocratique des peuples (HDP) et qui sont régulièrement arrêtés par la police en raison de cet engagement. Sa sœur, ainsi que la sœur de son épouse, membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) auraient été assassinées en 2017 et 2016 en raison de leur engagement politique. L'un de ses frères a fait l'objet d'un emprisonnement sans avoir encore été condamné, l'autre a fait l'objet d'une condamnation à vingt-deux années de prison. Sa mère et son autre sœur ont été arrêtées à raison de leur activité au profit du HDP. Lui-même a également déclaré avoir été emprisonné pour sa participation à l'organisation d'activités étudiantes dans des centres culturels kurdes et pour avoir partagé sur internet des messages critiquant l'action du pouvoir en place. M. B... a indiqué être membre actif du HDP depuis décembre 2020 et faire partie de la commission d'enseignement et d'organisation. Il a enfin déclaré que son épouse a été arrêtée par la police alors qu'elle assistait à une conférence de presse pour soutenir les grèves de la faim en Turquie et en raison de son appartenance à une organisation politique opposée au pouvoir actuellement en place. Elle aurait également été victime de violences policières lors de sa participation en 2016 à une précédente manifestation. 9. Toutefois, si ses motivations pour la cause kurde et de sa connaissance du parti HDP, ainsi que la teneur des publications dont il se dit l'auteur sur les réseaux sociaux ont pu justifier des poursuites contre lui et un emprisonnement à partir de 2016, il a été libéré le 30 mai 2018. Aucun élément du dossier ne permet de caractériser des menaces de persécution actuelles et personnelles dirigées contre lui. Au demeurant, la circonstance que l'intéressé a quitté son pays avec un passeport authentique, alors qu'il indiquait être membre du HDP depuis décembre 2020, qui lui a été délivré par les services de l'Etat, est de nature à le faire regarder comme n'étant pas particulièrement inquiété par les autorités de son pays. Les arrestations de plusieurs membres de sa famille et de son épouse, à l'exception de celle d'un de ses frères, n'ont pas été suivies de condamnations, ainsi que dit au point précédent du présent arrêt. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation de la situation personnelle de M. B... au regard notamment de sa vulnérabilité, et sans méconnaître l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prendre à l'encontre de l'intéressé un décision portant obligation de quitter le territoire et décider qu'il serait réacheminé vers la Turquie ou tout pays dans lequel il serait légalement admissible. En ce qui concerne l'arrêté de maintien en rétention : 10. Aux termes de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la France est l'État responsable de l'examen de la demande d'asile et si l'autorité administrative estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la décision d'éloignement, elle peut prendre une décision de maintien en rétention de l'étranger pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celle-ci, dans l'attente de son départ / (...). ". 11. Si M. B... soutient que l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il n'a pas présenté une demande d'asile lors de sa rétention dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs, suffisamment circonstanciés, retenus à bon droit par le premier juge au point 24 du jugement attaqué. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.D E C I D E :Article 1er : M. B... n'est pas admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- Mme Lorin, première conseillère,- Mme Boizot, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 novembre 2022. La rapporteure,S. A...Le président,S. CARRERE La greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 21PA06677 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06677
Date de la décision : 28/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : GONIDEC

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-11-28;21pa06677 ?
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