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23/11/2022 | FRANCE | N°20PA00526

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 novembre 2022, 20PA00526


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 13 juillet 2016 par laquelle la société La Poste l'a exclu de ses fonctions pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1614347/5-2 du 8 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et mis à la charge de La Poste une somme de 1 000 euros à verser à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt n° 17PA02269, 17PA02

270 du 31 mai 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel que La Pos...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 13 juillet 2016 par laquelle la société La Poste l'a exclu de ses fonctions pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1614347/5-2 du 8 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et mis à la charge de La Poste une somme de 1 000 euros à verser à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt n° 17PA02269, 17PA02270 du 31 mai 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel que La Poste a formé contre ce jugement.

Par une décision n° 422650 du 12 février 2019, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 20PA00526, les 6 juillet 2017, 8 janvier 2018, 6 mai 2020 et 6 octobre 2022 à 11h31, la société La Poste, représentée par Me Marc Bellanger, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1614347/5-2 du 8 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que les faits antérieurs au

10 mars 2014 étaient prescrits en application de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- les faits reprochés à M. A... sont fautifs ;

- la sanction n'est pas disproportionnée au regard de la gravité de ces faits fautifs ;

- dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, elle s'en remet à ses écritures de première instance.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 octobre 2017, 4 février 2018, 18 décembre 2020 et 28 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Thierry Renard puis par Me Ugo Sabado, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 6 octobre 2022 à 12h.

II. Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2017, réenregistrée après renvoi à la Cour sous le n° 20PA00527, la société La Poste, représentée par Me Bellanger, demande à la Cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 1614347/5-2 du 8 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 mars 2020, M. A..., représenté par Me Renard, conclut au non-lieu à statuer et à ce que des frais de procès soit mis à la charge de La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 14 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 6 octobre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n°90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 94-130 du 11 février 1994 ;

- l'instruction du 3 février 2005 relative à l'organisation, aux attributions et au fonctionnement des commissions administratives paritaires de la Poste

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public,

- et les observations de Me Tastard représentant La Poste.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., fonctionnaire de La Poste depuis 1996, a été détaché à compter de l'année 2009 à temps plein auprès du syndicat SUD, au sein duquel il exerçait les fonctions de secrétaire départemental. Le 13 juillet 2016, la société La Poste a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans aux motifs du " non-respect des modalités du droit syndical en l'absence de d'information préalable lors de la distribution de tracts en établissement ou d'information tardive (récidive) ", des " intrusions répétées sans prévenance ni autorisation dans plusieurs établissements postaux " ayant " porté atteinte au bon fonctionnement des services concernés " , du " non-respect de l'article 8 du règlement intérieur relatif à l'introduction de personnes étrangères au service ayant favorisé l'entrée de personnes étrangères au service (récidive) ", de " prises de parole non autorisées (récidive)", et d'une " agression physique d'un cadre " commis entre le 17 février 2009 et le 27 mars 2015. Cette décision a été annulée par un jugement du 8 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris, confirmé par un arrêt du 31 mai 2018 de la Cour administrative d'appel de Paris. Par une décision du 12 février 2020, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de La Poste, annulé cet arrêt de la Cour et a renvoyé l'affaire devant la Cour.

2. Les requêtes n° 20PA00526 et 20PA00527 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 20PA00526 :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par M. A...:

3. Contrairement à ce que soutient M. A..., il ne peut être déduit de la circonstance que La Poste a décidé, le 21 juin 2018, avant que le Conseil d'Etat ne se prononce sur le recours en cassation introduit contre l'arrêt de la Cour du 31 mai 2018, de le sanctionner par une exclusion temporaire d'une durée d'un an, à la suite de l'annulation de la sanction attaquée par cet arrêt, que son employeur aurait ainsi reconnu la disproportion de la sanction d'exclusion temporaire de deux ans, qui rendrait le présent recours irrecevable à défaut d'intérêt pour agir. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. A... ne peut être accueillie.

En ce qui concerne les motifs d'annulation retenus par le Tribunal administratif :

4. Aux termes de l'alinéa 2 de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, modifié par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires applicable à l'espèce : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. En cas de poursuites pénales exercées à l'encontre du fonctionnaire, ce délai est interrompu jusqu'à la décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d'acquittement, de relaxe ou de condamnation. Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'agent avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire ". Lorsqu'une loi nouvelle institue ainsi, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'une action disciplinaire dont l'exercice n'était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est immédiatement applicable aux procédures en cours mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Il suit de là que le délai institué par les dispositions précitées a couru, en ce qui concerne les faits antérieurs au 22 avril 2016, date d'entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016, à compter de cette date.

5. Les manquements retenus à l'encontre de M. A... se sont déroulés entre le 17 février 2009 et le 27 mars 2015. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le délai de prescription de ces faits n'a pu courir, au plus tôt, qu'à compter du 22 avril 2016 et que, par suite, la procédure disciplinaire qui a conduit à la décision du 13 juillet 2016 a été engagée moins de trois ans après cette date. Il s'ensuit que c'est à tort que les premiers juges ont jugé que seuls les faits énoncés dans la décision attaquée, commis à compter du 10 mars 2014, pouvaient être légalement invoqués à l'appui de la sanction et ont en conséquence apprécié la proportionnalité de la sanction attaquée en ne tenant compte que des faits reprochés postérieurs à cette date.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour annuler la décision du 13 juillet 2016. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant la Cour.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M. A... :

S'agissant de la légalité externe de la décision attaquée :

7. En premier lieu, aux termes de l'alinéa 4 de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 applicable à l'espèce : " L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ", aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / (...). " et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.".

8. La décision attaquée, qui reprend l'intégralité des faits reprochés à M. A... pour la période du 17 février 2009 au 27 mars 2015, énonce les considérations de fait fondant la sanction en litige, de nature à permettre à l'intéressé de la comprendre et de la contester, sans que la circonstance qu'elle ne mentionne pas le sens de l'avis de la commission locale disciplinaire, qu'elle vise, ait d'incidence sur sa légalité. La décision attaquée est ainsi suffisamment motivée.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 11 février 1994 relatif aux commissions administratives paritaires de La Poste : " Une commission administrative paritaire est créée pour chaque corps de fonctionnaires de La Poste. (...). ". L'article 3 du même décret dispose que : " Des commissions administratives paritaires locales peuvent également être créées auprès des responsables des services centraux ou des services déconcentrés, quand l'importance des effectifs des fonctionnaires le justifie. ". Et aux termes de l'article 26 de ce décret : " Les commissions locales préparent les travaux des commissions mentionnées à l'article 2 du présent décret. Les décisions constitutives peuvent, toutefois, leur attribuer une compétence propre " et selon le paragraphe 213 de l'instruction du 3 février 2005 relative à l'organisation, aux attributions et au fonctionnement des commissions administratives paritaires de la Poste, les commissions administratives locales sont compétentes notamment concernant les propositions de sanction du 3ème groupe.

10. Il ressort de la décision n° 266-16 du 23 septembre 2014 publiée au bulletin de La Poste du 16 octobre 2014, et en particulier de ses annexes 2 et 3, qu'en application des articles 2 et 3 du décret du 11 février 1994, le président du conseil d'administration de La Poste a créé une commission administrative locale pour les agents qualifiés auprès de la direction services-courriers-colis de Paris. Par ailleurs, la même autorité, et non le ministre comme le soutient M. A..., était en droit d'attribuer à la commission administrative locale la compétence prévue au paragraphe 213 de l'instruction du 3 février 2005 pour émettre un avis sur une proposition de sanction d'exclusion temporaire de fonctions, qui relève du 3ème groupe de sanctions. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la commission administrative paritaire locale consultée préalablement au prononcé de la sanction en litige n'aurait pas été créée et que seul le ministre aurait été compétent pour définir les attributions de cette commission.

11. En troisième lieu, il ressort du procès-verbal de la commission administrative paritaire du 17 juin 2006 que le rapporteur a lu en séance l'exposé sommaire des faits et de la proposition de sanction, ainsi que son analyse, que M. A... et son conseil ont pris la parole à plusieurs reprises pour s'expliquer sur ces faits et que des échanges ont eu lieu entre les membres de la commission, sans que ceux-ci ne relèvent de difficultés dans l'appréhension des faits reprochés. Par suite, le moyen tiré de ce que les membres de la commission auraient été insuffisamment informés manque en fait et doit être écarté.

12. En dernier lieu, la seule circonstance que ce procès-verbal ne soit pas signé n'a pas d'incidence sur la régularité de la procédure, alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose cette formalité.

S'agissant de la légalité interne de la décision attaquée :

Quant au moyen tiré du cumul de sanctions pour des mêmes faits :

13. Ainsi qu'il a été dit au point 5, aucun des faits reprochés à M. A... n'est prescrit. Par ailleurs, La Poste était en droit de sanctionner pour la première fois l'ensemble de ces faits, sans méconnaître le principe non bis in idem, puisqu'à la date de la décision attaquée, aucun d'entre eux n'avait fait l'objet de sanction, les décisions du 24 janvier 2011 et du 25 septembre 2014 ayant été annulées par des décisions définitives de la Cour du 20 mars 2014 et du Tribunal administratif de Paris du 29 octobre 2015. La décision du 24 décembre 2015 de retrait de la décision du 25 septembre 2014 est la conséquence de l'annulation prononcée par le Tribunal administratif et il ne peut en être déduit ni une renonciation de l'employeur à sanctionner ces faits, laquelle n'est au demeurant prévue par aucun texte légal ou réglementaire, ni une impossibilité pour La Poste de sanctionner les faits fautifs par une nouvelle décision. Enfin, M. A... ne peut utilement invoquer le délai raisonnable de jugement des affaires civiles qui s'impose aux juridictions nationales en applications des stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Quant à la matérialité des faits :

14. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; Deuxième groupe : l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation ".

15. Il appartient au juge, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis, constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

16. Il ressort des pièces du dossier que M. A... ne conteste la matérialité d'aucun des faits reprochés listés dans la décision attaquée, à l'exception de l'agression physique d'un cadre le 19 mars 2014. S'il fait valoir à ce titre l'absence de plainte de la victime et les conditions de survenue de l'incident, cette circonstance n'est toutefois pas de nature à remettre en cause la réalité de l'incident qui a fait l'objet de comptes rendus circonstanciés de la victime et de son collègue. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer l'ensemble des faits reprochés comme établis.

Quant au caractère fautif des faits reprochés :

17. Aux termes de l'article 4 du décret du 28 mai 1982 : " Les organisations syndicales peuvent tenir des réunions statutaires ou d'information à l'intérieur des bâtiments administratifs en dehors des horaires de service. Elles peuvent également tenir des réunions durant les heures de service mais dans ce cas seuls les agents qui ne sont pas en service ou qui bénéficient d'une autorisation spéciale d'absence peuvent y assister ", aux termes de l'article 5 de ce décret : " I. - Les organisations syndicales représentatives sont en outre autorisées à tenir, pendant les heures de service, des réunions mensuelles d'information. (...). et aux termes de son article 6 : " Tout représentant mandaté à cet effet par une organisation syndicale a libre accès aux réunions tenues par cette organisation à l'intérieur des bâtiments administratifs, même s'il n'appartient pas au service dans lequel une réunion se tient. / Le chef de service doit être informé de la venue de ce représentant avant le début de la réunion ". L'article 9 de ce même décret dispose que : " Les documents d'origine syndicale peuvent être distribués aux agents dans l'enceinte des bâtiments administratifs, mais en dehors des locaux ouverts au public. Ces distributions ne doivent en aucun cas porter atteinte au bon fonctionnement du service. ". Aux termes de l'article 8 du règlement intérieur de La Poste : " Les personnels sont tenus de respecter les procédures et les consignes de sécurité relative à l'accès et à la circulation des personnes et des véhicules à l'intérieur de l'entité et de ses dépendances. Une carte d'identité professionnelle régulièrement renouvelée est fournie à chaque postier. Les personnels doivent pouvoir la présenter comme preuve de leur appartenance à La Poste. Doivent également être respectées les règles propres à chaque établissement concernant l'accès, le contrôle et la circulation des personnes étrangères au service ".

18. Si La Poste reproche à M. A... de ne pas avoir prévenu le chef d'établissement de ses visites sur site, il résulte des dispositions précitées des articles 6 et 9 du décret du 28 mai 1982 qu'un représentant d'un syndicat mandaté, qu'il soit fonctionnaire ou salarié, peut se rendre dans des établissements et y distribuer des tracts sans avoir l'obligation de prévenir le chef d'établissement. L'article 8 du règlement intérieur ne comporte pas plus de disposition spécifique imposant un délai de prévenance. Par suite, ce motif ne pouvait fonder la décision attaquée.

19. Toutefois, dans le cas où un seul des motifs d'une décision administrative est erroné, il y a lieu de procéder à la neutralisation du motif illégal s'il apparaît que la prise en considération du ou des seuls motifs légaux aurait suffi à déterminer l'administration à prendre la même décision.

20. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a tenu des discours publics, y compris sur les lieux d'exercice d'activité des agents et pendant leurs heures de service, en dehors du cadre défini par les dispositions des articles 4 à 6 du décret du 28 mai 1982, définissant les conditions d'exercice de la liberté syndicale de réunion. Par ailleurs, M. A... a tenté de pénétrer par la force dans un établissement le 19 mars 2014 et a, à cette occasion, agrippé l'avant-bras d'un cadre lui occasionnant un hématome. Il a également perturbé le bon fonctionnement du service en participant au blocage de la plate-forme de préparation et de distribution du courrier de Paris La Villette le 18 novembre 2009 ou en pénétrant sur les sites, accompagné le plus souvent d'autres individus non identifiés, et en s'y maintenant, malgré les demandes contraires des chefs d'établissement, et en s'adressant aux agents sur leurs lieux d'activité ou encore en y circulant sans but légitime les 21, 28 et 29 mai 2010, 30 et 31 mars 2011, 25 mai 2011, 10, 11, 14, 17, 18, 20, 26 mars 2014, 28 mars 2014, 4, 8, 11, 16, 17 et 30 avril 2014, 5 et 6 mai 2014, 9 octobre 2014, les 25,26 et 27 février 2015, 5 mars 2015, 9, 10, 11, 24, 25, 26, 27 mars 2015. Des perturbations dans l'activité de tri imputables à la présence de M. A... ont été constatées et des retards dans le tri du courrier ont été spécifiquement évalués par les chefs d'établissement à 800, 2 000, 3 500, 10 000, 2 000, 4 000 et 20 000 plis " en reste " pour ce qui concerne respectivement les journées du 17 avril 2014 sur le site de la rue de Choisy, des 25 et 27 février 2015 sur le site de Colombes, du 5 mars 2015 sur le site de Courbevoie, des 9 et 10 mars 2015 sur le site de Colombes et du 27 mars 2015 sur le site de Nanterre La Défense. Les chefs d'établissement ont eu recours à trois reprises à la police pour contraindre l'intéressé, qui refusait de quitter les lieux malgré leurs demandes, à sortir les 14 octobre 2014, 26 mars 2015 et 27 mars 2015. M. A... a également contribué délibérément à faire pénétrer sur les sites des personnes étrangères à l'établissement et dont il n'est pas soutenu qu'elles aient eu la qualité de représentants syndicaux ou qu'elles aient pénétré sur les sites dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, ainsi que cela ressort du procès-verbal dressé par un huissier du 27 mars 2014 et du rapport de la responsable distribution du site de Paris Etienne Marcel en date du 22 avril 2014. L'ensemble de ces comportements, qui méconnaissent les obligations d'un fonctionnaire et les droits d'un représentant syndical, sans que

M. A... ne puisse utilement se prévaloir de la liberté syndicale pour justifier de ces actes, est fautif et aurait suffi, malgré la neutralisation du motif illégal, à déterminer l'administration à prendre la même décision.

Quant à la proportionnalité de la sanction :

21. Il ressort des pièces du dossier que M. A... avait déjà fait l'objet le 5 février 2009 d'une sanction, pour des faits commis entre le 28 septembre 2007 et le 19 mars 2008, d'exclusion temporaire de 3 mois dont 2 avec sursis aux motifs qu'il avait distribué des tracts injurieux et diffamatoires à l'encontre du personnel encadrant, qu'il était entré dans les locaux de service sans y avoir été autorisé, qu'il avait pris la parole sans autorisation et avait appelé à débrayer sans préavis, qu'il avait introduit des personnes étrangères au service en violation de l'article 8 du règlement intérieur et qu'il avait adopté un comportement méprisant vis-à-vis des personnes chargées de l'enquête administrative. Au regard de la précédente sanction prononcée contre M. A... pour des faits similaires, de la multiplicité et la réitération des fautes sur la période du 17 février 2009 au 27 mars 2015 et de leurs conséquences sur le fonctionnement du service, La Poste a pu légalement prononcer à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans.

Quant au détournement de pouvoir :

22. Si M. A... soutient que la décision attaquée est entachée d'un détournement de pouvoir, il ne l'établit pas, alors qu'il résulte des points 14 à 21 du présent arrêt que les faits fautifs qui lui sont imputables justifient la sanction prononcée.

23. Il résulte de tout ce qui précède que La Poste est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 13 juillet 2016. Il y a lieu de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal ainsi que les conclusions qu'il a présentées devant la Cour tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme que La Poste demande au titre de ce même article.

Sur la requête n° 20PA00527 :

24. La Cour se prononçant par le présent arrêt sur la requête de la société La Poste tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris du 8 juin 2017, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA00527 par laquelle La Poste sollicite le sursis à exécution de ce jugement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux demandes de frais d'instance présentées par la Poste et M. A....

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA00527.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 8 juin 2017 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que les conclusions qu'il a présentées devant la Cour tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles que La Poste a présentées au titre de ce même article sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2022.

Le rapporteur,

E. B...

Le président,

I. BROTONSLe greffier,

A. MOHAMAN YERO

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 20PA00526- 20PA00527


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : HMS AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 23/11/2022
Date de l'import : 27/11/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20PA00526
Numéro NOR : CETATEXT000046605087 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-11-23;20pa00526 ?
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