Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 juin 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2104315 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 août et 21 septembre 2021 et 22 février 2022, M. B..., représenté par Me Iclek, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 juin 2020 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, en cas d'annulation de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour pour un motif de légalité interne, de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir ou, en cas d'annulation de cette décision pour un motif de légalité externe, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de cet examen, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir ;
4°) d'enjoindre au préfet de police, en cas d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative statue à nouveau sur sa situation, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- la minute du jugement n'est pas signée, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le jugement est insuffisamment motivé ;
Sur le refus de titre de séjour :
- il est insuffisamment motivé ;
- il méconnait les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il appartenait au préfet, s'il estimait la demande de titre de séjour incomplète, de solliciter les pièces manquantes à fournir dans un délai déterminé ;
- il est entaché d'un vice de procédure du fait de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnait les dispositions des articles L. 313-14 et R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- c'est à tort que le préfet a retenu qu'il constitue une menace à l'ordre public ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnait les dispositions des 5° et 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 21 février 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant angolais né le 23 octobre 1965, est entré en France le 19 août 1984 selon ses déclarations. Il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Française en 1992, régulièrement renouvelé jusqu'en 2013 et a été admis exceptionnellement au séjour du 8 mars 2017 au 7 mars 2018. Il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 juin 2020, le préfet de police lui a refusé la délivrance de ce titre, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 25 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 10 juin 2020 :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile désormais codifié à l'article L. 435-1 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié de titres de séjour entre 1992 et 2013, a été admis exceptionnellement au séjour en 2017 puis a bénéficié de récépissés. Il verse par ailleurs, pour la première fois en appel, de nombreuses pièces émanant d'administrations ou de nature médicale qui permettent de démontrer sa résidence en France de 2014 à 2016. M. B... justifie ainsi résider habituellement en France depuis au moins 1992, dont plus de vingt ans en situation régulière. Il ressort de plus des pièces du dossier que l'intéressé a deux enfants et des petits-enfants de nationalité française, qui résident sur le territoire national, et qu'il a, au moins pour partie, contribué à l'éducation de son fils né en 1999 avec lequel il a été hébergé à l'hôtel. Il ressort en outre des pièces du dossier que M. B... est dans une situation médicale critique, étant atteint du VIH, d'une dénutrition sévère et d'une insuffisance rénale nécessitant des dialyses trois jours par semaine depuis 2003. Enfin, s'il a été condamné en 1998 à dix mois d'emprisonnement et en 2013 à huit mois d'emprisonnement avec sursis pour détention et consommation de stupéfiants, ces faits, compte tenu de leur ancienneté et de ce qu'il n'est pas contesté que M. B... a été suivi pour se guérir de son addiction, ne sont pas de nature à établir qu'il présente une menace actuelle à l'ordre public. Il en va de même de la circonstance qu'il a produit un faux passeport à l'appui de sa demande de renouvellement de titre de séjour, alors qu'il était en mesure de justifier de son identité et de sa nationalité auprès de l'administration. M. B... justifie ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, de motifs exceptionnels et de circonstances humanitaires. Dans ces conditions, le préfet de police, en lui refusant de l'admettre à titre exceptionnel de séjour, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Il s'ensuit que la décision du préfet de police du 10 juin 2020 refusant à M. B... un titre de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement et les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt implique que le préfet de police délivre un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. B.... Un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt lui est imparti pour y procéder. Dans l'attente de ce titre, M. B... devra bénéficier, sans délai, d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais du litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que le conseil de M. B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Iclek d'une somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2104315/1-2 du 25 mai 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 10 juin 2020 du préfet de police est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Iclek en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Briançon, présidente,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2022.
La rapporteure,
M. C...
La présidente,
C. BRIANÇON
La greffière,
V. BREME
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA04766 2