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18/11/2022 | FRANCE | N°21PA03192

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 18 novembre 2022, 21PA03192


Vu la procédure suivante :

La Cour, avant dire droit sur la requête de l'association Ensemble pour la planète tendant à l'annulation du jugement nos 2000256-2000257 du 11 mars 2021 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et de l'arrêté n° 1905-2020/ARR/DDDT du 17 juin 2020 du président de l'assemblée de la Province sud, a par un arrêt du 17 mars 2022 et après avoir annulé le jugement attaqué, saisi le Conseil d'État, en application de l'article 205 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, d'une demande d'avis portant sur

la question de droit suivante :

" Au regard des règles de compétences...

Vu la procédure suivante :

La Cour, avant dire droit sur la requête de l'association Ensemble pour la planète tendant à l'annulation du jugement nos 2000256-2000257 du 11 mars 2021 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et de l'arrêté n° 1905-2020/ARR/DDDT du 17 juin 2020 du président de l'assemblée de la Province sud, a par un arrêt du 17 mars 2022 et après avoir annulé le jugement attaqué, saisi le Conseil d'État, en application de l'article 205 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, d'une demande d'avis portant sur la question de droit suivante :

" Au regard des règles de compétences déterminées par les articles 20, 22 (10°) et 46 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, les provinces sont-elles compétentes et, le cas échéant, dans quelles conditions, en matière de destruction des individus appartenant à des espèces marines protégées susceptibles de se déplacer indifféremment dans la zone économique exclusive et dans les eaux de la mer territoriale ' ".

Le Conseil d'État a répondu à cette demande par son avis n° 462434 du 18 juillet 2022.

Les parties n'ont pas, depuis lors, présenté de nouvelles conclusions non plus que produit de nouvelles observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule et son titre XII, ensemble la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et la Charte de l'environnement de 2004 ;

- la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et à l'accès à la justice en matière d'environnement faite à Aarhus le 25 juin 1998 ;

- la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement des 3-14 juin 1992 ;

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de l'environnement de la Province sud ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Lazennec du cabinet CLL avocats, avocat de la Province sud, et de Me Rouland de la société civile professionnelle Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la commune de Nouméa.

Considérant ce qui suit :

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

En ce qui concerne la légalité externe :

S'agissant de la compétence de l'auteur de l'arrêté litigieux :

1. L'association requérante soutient que l'arrêté a été pris par une autorité incompétente, en méconnaissance des attributions des institutions de la Nouvelle-Calédonie résultant de l'article 22 (10°) de la loi organique du 19 mars 1999, dès lors qu'il a pour effet de conduire à la destruction d'individus d'espèces marines protégées susceptibles de se déplacer dans toute l'étendue des espaces maritimes de la Nouvelle-Calédonie, dont la zone économique exclusive où la protection des espèces marines relève de la compétence des autorités territoriales.

2. L'article 20 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie dispose que : " Chaque province est compétente dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'État ou à la Nouvelle-Calédonie par la présente loi, ou aux communes par la législation applicable en Nouvelle-Calédonie (...) ". L'article 21 de la même loi organique dispose : " I. - L'État est compétent dans les matières suivantes :/ (...) 12° Exercice, hors des eaux territoriales, des compétences résultant des conventions internationales, sous réserve des dispositions du 10° de l'article 22 relatives aux ressources de la zone économique exclusive (...) ". Selon l'article 22 de ladite loi organique : " La Nouvelle-Calédonie est compétente dans les matières suivantes :/ (...) 10° Réglementation et exercice des droits d'exploration, d'exploitation, de gestion et de conservation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques de la zone économique exclusive ; / (...) ". Aux termes de l'article 46 de cette loi organique : " Sous réserve des compétences de l'État mentionnées au 3° du I de l'article 21, les provinces réglementent et exercent les droits d'exploration, d'exploitation, de gestion et de conservation des ressources naturelles biologiques et non biologiques des eaux intérieures, dont celles des rades et lagons, de leur sol et de leur sous-sol, et du sol, du sous-sol et des eaux surjacentes de la mer territoriale./ Les provinces prennent, après avis du conseil coutumier concerné, les dispositions particulières nécessaires pour tenir compte des usages coutumiers ".

3. Si en vertu du 10° de l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, celle-ci est compétente en matière de réglementation et d'exercice des droits d'exploration, d'exploitation, de gestion et de conservation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques dans la zone économique exclusive, l'article 46 de la loi organique confie la même compétence aux provinces dans les eaux intérieures et les eaux surjacentes de la mer territoriale, sous réserve de la compétence de l'État en matière de défense nationale.

4. Ainsi que le Conseil d'État l'a dit pour droit dans son avis n° 462434 du 18 juillet 2022, il résulte de ce qui précède qu'en Nouvelle-Calédonie les provinces sont compétentes pour établir la liste des espèces animales qu'elles entendent protéger et réglementer, dans les eaux intérieures, telles que définies par l'article 46 de la loi organique du 19 mars 1999, et dans les eaux surjacentes de la mer territoriale, les conditions dans lesquelles il peut être dérogé aux interdictions qu'elles édictent dans le cadre de cette protection, y compris s'agissant d'espèces animales qui se déplacent également dans la zone économique exclusive.

5. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté litigieux, qui n'est pas fondé, ne peut qu'être écarté.

S'agissant du défaut de publication de l'arrêté litigieux en méconnaissance de l'article 173 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen :

6. L'association requérante soutient que l'arrêté, faute d'avoir été publié a été pris en méconnaissance de l'article 173 de la loi organique du 19 mars 1999, du principe de transparence administrative posé par l'article 15 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen.

7. D'une part, aux termes de l'article 173 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, le président de l'assemblée de province : " assure la publication au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie des actes ressortissant à la compétence de la province ". Le défaut de publication d'un acte de l'exécutif provincial dans les conditions prévues par ces dispositions est en tout état de cause sans influence sur sa légalité.

8. D'autre part, aux termes de l'article 15 de la Déclaration de 1789 : " La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ". Est garanti, par cette disposition, le droit d'accès aux documents administratifs. Il est loisible au législateur d'apporter à ce droit des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. Cette disposition n'a ni pour effet ni pour objet de subordonner la légalité d'un acte administratif à sa publication ou à sa communication.

9. Le moyen doit donc être écarté, comme inopérant, dans ses deux branches.

S'agissant de la méconnaissance de la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement et de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et à l'accès à la justice en matière d'environnement faite à Aarhus :

10. L'association requérante soutient que l'arrêté, faute d'avoir été soumis à l'information et à la participation du public, a été pris en méconnaissance de l'article 10 de la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement et des articles 7 et 8 de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et à l'accès à la justice en matière d'environnement faite à Aarhus.

11. D'une part, la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement des 3-14 juin 1992 affirme en son principe 10 que : " La meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient. Au niveau national, chaque individu doit avoir dûment accès aux informations relatives à l'environnement que détiennent les autorités publiques, y compris aux informations relatives aux substances et activités dangereuses dans leurs collectivités, et avoir la possibilité de participer aux processus de prise de décision. Les États doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations à la disposition de celui-ci. Un accès effectif à des actions judiciaires et administratives, notamment des réparations et des recours, doit être assuré. ".

12. D'autre part, l'article 7 de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et à l'accès à la justice en matière d'environnement faite à Aarhus le 25 juin 1998 stipule que : " Participation du public en ce qui concerne les plans, programmes et politiques relatifs à l'environnement. / Chaque Partie prend les dispositions pratiques et/ou autres voulues pour que le public participe à l'élaboration des plans et des programmes relatifs à l'environnement dans un cadre transparent et équitable, après lui avoir fourni les informations nécessaires. Dans ce cadre, les paragraphes 3, 4 et 8 de l'article 6 s'appliquent. Le public susceptible de participer est désigné par l'autorité publique compétente, compte tenu des objectifs de la présente Convention. Chaque Partie s'efforce autant qu'il convient de donner au public la possibilité de participer à l'élaboration des politiques relatives à l'environnement. ". L'article 8 de la même convention stipule que : " Participation du public durant la phase d'élaboration de dispositions réglementaires et/ou d'instruments normatifs juridiquement contraignants d'application générale. / Chaque Partie s'emploie à promouvoir une participation effective du public à un stade approprié - et tant que les options sont encore ouvertes - durant la phase d'élaboration par des autorités publiques des dispositions réglementaires et autres règles juridiquement contraignantes d'application générale qui peuvent avoir un effet important sur l'environnement. À cet effet, il convient de prendre les dispositions suivantes : / a) Fixer des délais suffisants pour permettre une participation effective ; / b) Publier un projet de règles ou mettre celui-ci à la disposition du public par d'autres moyens ; / et c) Donner au public la possibilité de formuler des observations, soit directement, soit par l'intermédiaire d'organes consultatifs représentatifs. / Les résultats de la participation du public sont pris en considération dans toute la mesure possible. ". La déclaration de Rio de 1992 est dépourvue d'effet juridique et les articles 7 et 8 de la convention signée à Aarhus le 25 juin 1998, précités, créent seulement des obligations entre les États parties et ne produisent pas d'effet direct dans l'ordre juridique interne.

13. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées aux points 11 et 12 ne peut, dès lors, qu'être rejeté comme inopérant.

S'agissant de la méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement de 2004 :

14. L'association requérante soutient que l'arrêté, faute d'avoir été soumis à l'information et de la participation du public, a été pris en méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement de 2004.

15. Aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement de 2004 : " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. ". Dans le cadre du statut de la Nouvelle-Calédonie défini par le titre XIII de la Constitution, il revient à l'État, à la Nouvelle-Calédonie ou aux provinces, selon le cas, de prendre chacun pour ce qui le concerne, dans leur domaine respectif de compétence, les mesures nécessaires à la mise en œuvre effective du droit de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement garanti par les dispositions de l'article 7 de la Charte de l'environnement de 2004 ; s'agissant des provinces, la mise en œuvre de ces dispositions relève d'une délibération de leur assemblée. Toutefois, les dispositions constitutionnelles précitées n'imposent pas, par elles-mêmes, et en l'absence d'obligation afférente édictée par une délibération de l'assemblée de province tenant lieu de " loi " au sens desdites dispositions, que tout projet d'acte à caractère individuel intervenant dans le domaine de l'environnement soit soumis à une procédure comportant la participation du public.

16. Dès lors, et en tout état de cause, en l'absence de dispositions du code de l'environnement de la Province sud prévoyant qu'un acte tel que l'arrêté querellé soit soumis à une procédure de participation du public, l'association requérante, qui n'excipe même pas de l'illégalité de ce code en tant qu'il n'a pas instauré une telle obligation n'est pas fondée à invoquer en l'espèce la méconnaissance des dispositions de l'article 7 de la Charte de l'environnement de 2004. Le moyen doit donc être écarté.

S'agissant de la méconnaissance des articles 141-2 à 141-3, 141-6 et 141-8 du code de l'environnement de la province Sud :

17. L'association requérante soutient que l'arrêté, faute d'avoir été soumis à l'information du public, a été pris en méconnaissance des articles 141-2 à 141-3, 141-6 et 141-8 du code de l'environnement de la province Sud.

18. Aux termes de l'article 141-2 du code de l'environnement de la province Sud : " Est considérée comme information relative à l'environnement au sens du présent titre toute information disponible, quel qu'en soit le support, qui a pour objet : / 1° L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; / 2° Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1° ; (...). ". Selon l'article 141-3 du même code : " Toute personne qui en fait la demande reçoit communication des informations relatives à l'environnement détenues par : / 1° La province Sud ; (...) ". Aux termes de l'article 141-6 de ce code : " I. - L'autorité publique mentionnée à l'article 141-3 saisie d'une demande d'information relative à l'environnement est tenue de statuer de manière expresse dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande. (...) ". Selon l'article 141-8 dudit code : " Doivent faire l'objet d'une diffusion publique les catégories d'informations relatives à l'environnement suivantes : / 1° Les réglementations concernant l'environnement ou s'y rapportant, applicables en province Sud ; (...). ".

19. Les dispositions précitées, qui sont relatives aux modalités d'accès du public aux informations relatives à l'environnement, notamment sur la demande de toute personne, n'ont ni pour objet ni pour effet de subordonner la régularité de la procédure d'édiction d'une décision de la nature de l'arrêté litigieux à la communication préalable d'informations hors de toute demande. Le moyen est inopérant et doit donc être écarté.

S'agissant du défaut de consultation des conseils coutumiers :

20. L'association requérante soutient que l'arrêté litigieux n'a pas été soumis à l'avis des conseils coutumiers, en méconnaissance de l'article 46 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

21. Aux termes du second alinéa de l'article 46 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " Les provinces prennent, après avis du conseil coutumier concerné, les dispositions particulières nécessaires pour tenir compte des usages coutumiers. ". Ces dispositions n'ont ni pour effet ni pour objet d'imposer la consultation des conseils coutumiers en matière de décisions individuelles ayant une incidence sur l'environnement lorsque ces décisions sont étrangères aux usages coutumiers. La seule circonstance que le requin soit l'emblème totémique de certains clans kanaks n'est pas de nature à faire regarder l'arrêté contesté comme entrant dans le champ d'application des dispositions précitées. Le moyen doit donc être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

22. L'association requérante soutient que l'arrêté est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard des articles 240-1 à 240-3 et 240-5 du code de l'environnement de la province Sud, dès lors qu'il n'assure pas le maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et qu'il n'est pas nécessaire à la protection de la vie humaine, et alors qu'il existe des alternatives satisfaisantes pour protéger la vie humaine sans abattage aléatoire aveugle de certains spécimens.

23. Aux termes de l'article 240-1 du code de l'environnement de la province Sud : " (...) / Liste des espèces animales protégées : / (...) / Poissons marins / (...) / Famille (f), classe (C), super ordre (sO) ou ordre (o) : Selachimorpha (sO) / Genre : Tous genres / Espèce : Toutes espèces / Nom commun : Requins / (...) ". L'article 240-3 de ce code dispose que : " I. - Sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la chasse, la pêche, la mutilation, la destruction, la consommation, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation des spécimens des espèces animales mentionnées à l'article 240-1, leur détention, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / (...) ". Aux termes enfin de l'article 240-5 du même code : " I. - Il peut être dérogé, par arrêté du président de l'assemblée de province, aux interdictions prévues aux articles 240-2 et 240-3. / Si elle ne nuit pas au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, cette dérogation peut être accordée : / (...) / 4° Lorsque des intérêts relatifs à la protection de la vie humaine le justifient et en l'absence de solution alternative satisfaisante. / (...) ". En application de ces dispositions, il appartient aux autorités administratives compétentes de déterminer les mesures les mieux à même de réduire les risques d'attaques de requins, et leur degré d'urgence, en tenant compte de leur faisabilité, de leur efficacité, de leurs coûts et de leurs inconvénients, au vu notamment des études scientifiques et des expérimentations menées.

24. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier, en premier lieu, que les traces de morsure retrouvées sur le matériel du véliplanchiste disparu laissaient présumer qu'un décès vraisemblablement dû à un requin venait de se produire, en deuxième lieu, que ce décès était intervenu dans une zone régulièrement utilisée pour les sports nautiques, en troisième lieu, que plusieurs témoignages concordants avaient fait état de la présence d'un requin de grande taille dans cette zone, et, enfin, que les mesures de prélèvement sont susceptibles de présenter une efficacité lorsque les attaques de requins sont dues à un requin sédentarisé. Il résulte ainsi de ce faisceau d'éléments qu'il y avait eu atteinte récente à la vie humaine de la part d'un requin possiblement sédentaire, qu'il existait des risques réels de récidive prochaine eu égard au caractère fréquenté de la zone, et que la mesure en litige offrait des chances sérieuses de mettre fin à ce risque imminent. Dans ces conditions, cette mesure, qui était à même d'atteindre le but de protection de la vie humaine qu'elle visait à remplir, doit être regardée comme remplissant le critère de nécessité requis. Ne portant par ailleurs que sur un maximum de 10 spécimens et limitée à la zone où le décès avait eu lieu, elle ne nuisait pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, et présentait ici un caractère proportionné. Si l'association requérante se prévaut de l'absence d'étude d'impact préalable, en méconnaissance de l'article 5 de la Charte de l'environnement, aucune disposition du code de l'environnement de la Province Sud n'impose une telle étude et, ainsi qu'il a été dit, il ressort des pièces du dossier qu'il existait une certitude suffisante que la mesure d'abattage ne mettait pas en cause le maintien des effectifs de requins dans leur aire de répartition naturelle. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que d'autres mesures, telles que l'installation de barrières magnétiques sous-marines ou le profilage individuel des requins ou des interdictions définitives de baignade ou de sports nautiques, qui nécessitaient plus de temps pour être mises en place tout en étant plus onéreuses ou plus contraignantes pour les usagers, auraient permis de répondre de manière plus adaptée au contexte de menace très ponctuelle dans lequel est intervenu l'arrêté attaqué en complément d'autres mesures de plus long terme qui avaient déjà été instaurées, telles que l'interdiction du " shark feeding " et la mise en place d'une campagne d'affichage et de sensibilisation au regard du risque engendré par les requins. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreur d'appréciation et d'erreur de droit. Le moyen doit donc être écarté.

25. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Ensemble pour la planète, qui était seulement fondée à obtenir l'annulation du jugement attaqué, prononcée par l'arrêt avant dire-droit du 17 mars 2022, n'est pas fondée à demander à la Cour d'annuler l'arrêté n° 1905-2020/ARR/DDDT du 17 juin 2020 du président de l'assemblée de la Province sud. Les conclusions de sa requête qui tendent à cette fin et sa demande présentée devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie doivent donc être rejetées.

Sur les frais du litige :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'association Ensemble pour la planète, qui succombe au principal, en puisse invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à sa charge la somme réclamée sur le même fondement par la Province sud. Les conclusions de la commune de Nouméa également présentées sur ce fondement ne peuvent qu'être rejetées, dès lors que cette collectivité, dont l'intervention a été admise par l'arrêt avant dire-droit du 17 mars 2022, n'a pas la qualité de partie à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La demande présentée par l'association Ensemble pour la planète devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est rejetée.

Article 2 : Les conclusions des parties fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Ensemble pour la planète, à la Province sud et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur et des Outre-mer, chargé des Outre-mer, au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et à la commune de Nouméa.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 novembre 2022.

Le rapporteur,

S. A...Le président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA03192


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