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15/11/2022 | FRANCE | N°21PA01882

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 15 novembre 2022, 21PA01882


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AMX a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la contribution spéciale prévue I... l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 325 800 euros et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue I... l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 13 854 euros, mises à sa charge I... l'Office français de l'immigration

et de l'intégration (OFII).

I... un jugement n°1913286 du 22 février 2021, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AMX a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la contribution spéciale prévue I... l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 325 800 euros et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue I... l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 13 854 euros, mises à sa charge I... l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

I... un jugement n°1913286 du 22 février 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I... une requête enregistrée le 12 avril 2021, la société AMX représentée I... Me Bracka, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, d'exclure M. G... du calcul des contributions spéciale et forfaitaire et d'annuler ces contributions mises à sa charge I... l'OFII ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer le dégrèvement de la contribution spéciale ou de ramener son montant à la somme de 90 500 euros et le montant de la contribution forfaitaire à la somme de 2 309 euros ;

4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'OFII le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. K... G... doit être exclu du calcul des contributions spéciale et forfaitaire mises à sa charge I... l'OFII bien qu'il n'ait pas fait l'objet d'une procédure de régularisation de sa situation administrative, dès lors que le jugement du Tribunal correctionnel de Bobigny du 17 septembre 2019 a considéré qu'aucun élément du dossier ne permettait de le rattacher à la société AMX ; en outre, les personnes auditionnées lors du contrôle du 7 janvier 2019 ont unanimement affirmé qu'il leur était inconnu jusqu'à ce jour et la matérialité de son embauche comme salarié de la société n'est pas établie ;

- elle doit se voir déchargée des contributions spéciale et forfaitaire dès lors que le jugement du Tribunal correctionnel de Bobigny du 17 septembre 2019 a retenu l'absence d'intention délictuelle au regard de la tentative de régularisation administrative des cinq autres étrangers concernés, en cours à la date du procès-verbal ; la circulaire Valls du 28 novembre 2012 prévoit la poursuite du contrat de travail pendant l'instruction de la demande de régularisation qui a dû être sollicitée plusieurs fois ; la bonne foi de la société AMX est établie ;

- à titre subsidiaire, si la Cour devait confirmer le bien-fondé des sanctions, elle devrait constater leur caractère disproportionné, au regard des difficultés de la société AMX, liées notamment à la sanction antérieure du 17 septembre 2018 d'un montant de 100 795 euros, des deux fermetures administratives d'une durée cumulée d'une centaine de jours et du redressement prononcé I... l'URSSAF d'un montant de 28 076 euros ; il y a lieu d'appliquer à la contribution spéciale le taux de 5 000 au lieu du taux de 15 000, conformément aux dispositions de l'article R. 8253-2 du code du travail, et de ramener son montant à la somme de 90 500 euros ;

- il y a lieu d'exclure quatre salariés, M. D..., M. E..., Mme F... et Mme B..., du calcul de la contribution forfaitaire dès lors qu'ils ont déjà fait l'objet de la même sanction et que le paiement de leurs frais de réacheminement a déjà été acquitté, et de ramener en conséquence le montant de cette contribution à la somme de 2 309 euros.

I... un mémoire en défense enregistré le 21 avril 2022, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), représenté I... Me Schegin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société AMX au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- et les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A l'occasion d'un contrôle effectué le 7 janvier 2019 dans les locaux de la société AMX situés 77 avenue Jean Mermoz à la Courneuve, les services de police ont constaté la présence en action de travail de six ressortissants chinois dépourvus de titre les autorisant à travailler et séjourner en France, déclarés sauf un. Au vu du procès-verbal établi lors de cette opération de contrôle, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a, I... une décision du 8 juillet 2019, infligé à la société AMX la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 325 800 euros, la contrevenante étant en situation de réitération, et la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 13 854 euros, pour l'emploi des six salariés étrangers en cause. La société AMX a formé un recours gracieux le 9 septembre 2019, qui a été rejeté I... l'OFII le

2 octobre 2019. La société AMX relève appel du jugement du 22 février 2021 I... lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des contributions spéciale et forfaitaire mises à sa charge.

Sur les conclusions principales de la requête tendant à la décharge des contributions spéciale et forfaitaire :

2. Aux termes de l'article L. 5221-8 du code du travail : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article L. 8251-1 du même code : " Nul ne peut, directement ou I... personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées I... décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané I... l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et fixer le montant de cette contribution pour le compte de l'Etat selon des modalités définies I... convention. ". Enfin, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : "Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) ".

3. D'une part, pour prononcer une sanction sur le fondement de l'article L. 8253-1 du code du travail, l'administration doit apprécier, au vu notamment des observations éventuelles de l'employeur, si les faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application de cette sanction administrative, au regard de la nature et de la gravité des agissements et des circonstances particulières à la situation de l'intéressé. De la même façon, le juge peut, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue I... l'administration, tant s'agissant du manquement que de la proportionnalité de la sanction, maintenir la contribution, au montant fixé de manière forfaitaire I... l'article

R. 8253-2 du code du travail, ou en décharger l'employeur.

4. D'autre part, en principe, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose à l'administration comme au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application d'une sanction administrative. Il n'en va autrement que lorsque la légalité de la décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale, l'autorité de la chose jugée s'étendant alors exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits I... le juge pénal.

En ce qui concerne l'exclusion de M. K... G... du calcul des contributions spéciale et forfaitaire :

5. En premier lieu, ni les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail ni celles de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne subordonnent la mise à la charge de l'employeur de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire à la condition que les faits qui les fondent constituent une infraction pénale. I... suite, l'existence d'une décision pénale de relaxe prononcée I... le tribunal correctionnel de Bobigny I... jugement du 17 septembre 2019, au motif qu'aucun élément du dossier ne permettait de rattacher M. C... J... à la société AMX, ne faisait obstacle au prononcé des sanctions administratives prévues I... les articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée doit donc être écarté.

6. En second lieu, il ressort du procès-verbal d'audition de M. C... A... I... les services de police en date du 7 janvier 2019, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, que ce dernier qui était dépourvu de contrat de travail, a reconnu se trouver le jour du contrôle dans l'entrepôt de la société AMX, " affairé à ranger des vêtements emballés individuellement dans un carton : il s'agissait de pulls féminins ", avoir trouvé du travail au sein de cette société I... l'intermédiaire de son cousin qui travaillait déjà dans cet atelier et être venu y faire le jour même un essai de sept jours. Il résulte également de l'instruction que les déclarations des autres employés interpellés lors du contrôle confirment que M. C... J... avait commencé à travailler le jour du contrôle. Les constatations des services de police et les déclarations concordantes des employés ne sont pas efficacement contredites I... les seules allégations de M. Chen, président de la société AMX, selon lesquelles il n'aurait fait la connaissance de

M. C... A... qu'au moment du contrôle. I... suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que la matérialité des faits de travail non autorisé de M. C... J... au sein de la société n'est pas établie.

En ce qui concerne la décharge des contributions spéciale et forfaitaire :

7. Si la société AMX soutient, en premier lieu, qu'elle doit se voir déchargée des contributions spéciale et forfaitaire mises à sa charge pour l'emploi des cinq autres salariés dès lors que le jugement du Tribunal correctionnel de Bobigny du 17 septembre 2019 a retenu l'absence d'intention délictuelle au regard de la tentative de régularisation administrative alors en cours de ces ressortissants étrangers, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 du présent arrêt, le moyen ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, la société appelante ne peut utilement se prévaloir au soutien de ses conclusions des orientations générales contenues dans la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées I... des ressortissants étrangers en situation irrégulière, ni davantage de la circonstance, à la supposer établie, que la demande de régularisation administrative des cinq étrangers avait dû être sollicitée plusieurs fois auprès de la préfecture.

9. Enfin, la société appelante ne peut utilement invoquer l'absence d'élément intentionnel dans la commission du manquement qui lui est reproché ni, dès lors qu'elle ne soutient pas avoir respecté les obligations de vérification de l'existence du titre de travail des étrangers employés découlant de l'article L. 5221-8 du code du travail, de sa prétendue bonne foi.

Sur les conclusions subsidiaires tendant à la minoration du montant des contributions spéciale et forfaitaire :

10. En premier lieu, la société AMX demande à titre subsidiaire que la Cour ramène le montant de la contribution spéciale à la somme de 90 500 euros en faisant valoir ses difficultés, liées notamment à la sanction antérieure du 17 septembre 2018 d'un montant de 100 795 euros, aux deux fermetures administratives d'une durée cumulée d'une centaine de jours et au redressement prononcé I... l'URSSAF d'un montant de 28 076 euros. Toutefois, les difficultés financières dont elle fait état résultent de précédentes infractions et ne sauraient, au regard de la gravité et de la réitération des agissements sanctionnés, justifier la minoration du montant de la contribution spéciale mise à sa charge.

11. En second lieu, la société AMX soutient qu'il y a lieu d'exclure quatre salariés, M. D..., M. E..., Mme F... et Mme B..., du calcul de la contribution forfaitaire dès lors qu'ils ont déjà fait l'objet de la même sanction, en ramenant en conséquence le montant de cette contribution à la somme de 2 309 euros. Toutefois, ni les dispositions précitées de l'article

L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni aucune autre, ne subordonnent la mise à la charge de l'employeur de la contribution forfaitaire à la condition que l'étranger en cause ait été effectivement réacheminé dans son pays d'origine. En outre, à supposer même que la société AMX ait entendu invoquer la méconnaissance de la règle non bis in idem, applicable aux sanctions administratives et qui fait obstacle à ce qu'une autorité administrative qui a pris une première décision définitive à l'égard d'une personne faisant l'objet de poursuites à raison de certains faits n'engage de nouvelles poursuites à raison de ces mêmes faits, tel n'est pas le cas en l'espèce dès lors que la société AMX a fait l'objet de deux contrôles qui ont donné lieu à des manquements distincts. Ce moyen doit ainsi être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions principales et subsidiaires de la société AMX ne peuvent qu'être rejetées.

13. En conséquence, la société AMX n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, I... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que l'OFII, qui n'est pas la partie perdante, verse à la société AMX la somme qu'elle demande au titre des frais de l'instance. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette dernière le versement à l'OFII de la somme de 1 500 euros au titre de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société AMX est rejetée.

Article 2 : La société AMX versera à l'OFII la somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société AMX et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère ;

- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.

Rendu public I... mise à disposition au greffe le 15 novembre 2022.

La présidente-rapporteure,

M. H...L'assesseure la plus ancienne,

G. MORNET

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA01882 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01882
Date de la décision : 15/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CABINET SCHEGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-11-15;21pa01882 ?
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