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10/11/2022 | FRANCE | N°22PA02320

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 10 novembre 2022, 22PA02320


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 2122237 du 4 février 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ

te enregistrée le 20 mai 2022, Mme D... épouse E..., représentée par Me Rochiccioli, demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 2122237 du 4 février 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 mai 2022, Mme D... épouse E..., représentée par Me Rochiccioli, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2122237 du 4 février 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2021 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de séjour est intervenu au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que l'avis des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été adopté de manière collégiale ;

- cette décision a été adoptée en méconnaissance des dispositions de l'article

L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il est établi que sa fille ne peut bénéficier d'une prise en charge médicale effective en Algérie ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est à tout le moins entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête en ce que les moyens y soulevés sont infondés.

Par un courrier du 23 septembre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur la substitution d'office, comme fondement légal de l'arrêté attaqué, du pouvoir discrétionnaire de régularisation dont dispose l'autorité préfectorale aux dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne sont pas applicables aux ressortissants algériens sollicitant un certificat de résidence en se prévalant de leur qualité d'accompagnant d'enfant malade.

Par une décision du 11 avril 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a accordé à la requérante le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant,

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les observations de Me Rochiccioli, avocate de Mme D... épouse E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D... épouse E..., ressortissante algérienne née le 18 mai 1975 à Alger, a sollicité le 22 avril 2021 la délivrance d'un certificat de résidence en qualité d'accompagnant de sa fille malade, A... E... née le 22 avril 2010. Par un arrêté du 10 septembre 2021, le préfet de police a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite. Elle relève appel du jugement du 4 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le cadre légal du litige :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article (...) fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ". Aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ".

3. Les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par l'article L. 425-9 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence pour l'accompagnement d'un enfant malade.

4. Si dans le cadre de ce pouvoir discrétionnaire, il est simplement loisible au préfet de police de consulter pour avis le collège médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le respect de la procédure relative à l'édiction de cet avis s'impose alors à lui lorsqu'il a décidé de procéder à cette consultation. Doivent ainsi être notamment respectées dans une telle hypothèse les dispositions des articles R. 425-11, R. 425-12 et R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes desquelles la décision préfectorale doit être précédée d'un avis rendu collégialement par trois médecins de l'OFII sur la base d'un rapport médical rédigé par un autre médecin.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne le refus de séjour :

5. En premier lieu, Mme D... épouse E... reprend dans sa requête d'appel le moyen tiré de ce que la décision refusant de renouveler son titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière du fait de l'absence de collégialité de la délibération du collège de médecins de l'OFII. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège de médecins de l'OFII du 5 juin 2020 concernant l'état de santé de l'enfant A... porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) émet l'avis suivant " et a en outre été signé par les trois médecins composant le collège. Contrairement à ce que soutient la requérante, cette mention du caractère collégial fait foi jusqu'à preuve du contraire, laquelle n'est pas rapportée. Dans ces conditions, l'appelante, qui ne fait état d'aucun élément permettant de douter sérieusement de la collégialité de l'avis, n'est pas fondée à soutenir que l'avis médical précité a été émis en méconnaissance de la garantie tirée du débat collégial du collège de médecins de l'OFII. Dès lors, le moyen tiré de l'absence de collégialité de la délibération du collège des médecins de l'OFII doit être écarté.

6. En deuxième lieu, pour refuser à Mme D... épouse E... la délivrance du titre sollicité, le préfet de police lui a opposé, en s'appropriant les termes de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 30 juillet 2021, que si l'état de santé de son enfant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut toutefois effectivement bénéficier d'un traitement approprié eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de soins en Algérie. Il ressort des pièces du dossier que l'enfant A... souffre de crises d'épilepsie depuis ses neuf mois, en raison d'atteintes neurologiques définitives, lesquelles ont notamment entraîné des complications orthopédiques et qu'elle suit un traitement composé de Dépakine et de Lamictal en vue de modérer l'intensité des crises et bénéficie par ailleurs d'un traitement orthopédique consistant en l'adaptation d'une attelle. Aux fins d'établir que, contrairement à ce qu'a estimé le préfet, sa fille ne pourra bénéficier de ce traitement en Algérie, l'appelante verse aux débats de nombreux articles de presse qui décrivent des pénuries de médicaments sans toutefois mentionner ceux qui sont administrés à sa fille, une attestation d'un médecin généraliste évoquant un risque chronique d'interruption de délivrance en Algérie, des attestations d'un neurologue et d'un pédiatre libéraux exerçant en Algérie qui mentionnent de tels risques sans viser spécifiquement les spécialités en litige ainsi qu'une attestation non datée d'un pharmacien algérien mentionnant une indisponibilité en officine mais pas en structure hospitalière. Ces justificatifs ne suffisent pas, au regard notamment de leur caractère peu circonstancié et de la qualité non-hospitalière de leur auteur, à contredire les pièces produites en première instance par le préfet de police consistant, d'une part, dans le recensement des médecins spécialistes en neurologie et en pédiatrie, révélant l'existence d'un maillage médical satisfaisant et, d'autre part, la nomenclature nationale pour les années 2017 et 2018 des médicaments disponibles en Algérie, laquelle fait état de la distribution de nombreux antiépileptiques, dont ceux administrés à l'enfant A.... Par ailleurs, si Mme D... épouse E... allègue que sa fille a besoin d'une prise en charge pluridisciplinaire qui n'existe pas en Algérie, une telle prise en charge n'est pas établie en France, la maison départementale des personnes handicapées ayant au contraire décidé, le 30 juin 2021, de l'orienter dans l'enseignement ordinaire en la faisant simplement bénéficier d'une aide humaine aux élèves handicapés. Dans ces conditions,

Mme D... épouse E... n'établit pas que sa fille ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet dans l'usage de son pouvoir discrétionnaire ne peut donc, alors en tout état de cause que les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont en l'espèce pas applicables ainsi que dit au point 3 de l'arrêt, qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. Si l'appelante soutient que la décision attaquée méconnaît l'intérêt supérieur de sa fille A..., il ressort des pièces du dossier que le père de cet enfant demeure en Algérie cependant que Mme D... et ses autres enfants n'ont pas vocation à demeurer en France en une autre qualité que celle d'accompagnants d'enfant malade. Dès lors, et au vu de ce qui a déjà été dit au point 6, la décision attaquée ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant A... E... et le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

9. En quatrième lieu, il ne ressort pas des circonstances qui ont été exposées au point 6, alors que l'appelante n'est entrée en France qu'au cours de l'année 2020, que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant le séjour.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, Mme D... épouse E..., qui ne démontre pas l'illégalité alléguée du refus de délivrance d'un titre de séjour, n'est dès lors pas fondée à exciper d'une telle illégalité à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

11. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article

3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés au point 8 de l'arrêt.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... épouse E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... épouse E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... épouse E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme F..., présidence assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2022.

Le rapporteur,

G. B...

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA02320 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02320
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Gilles PERROY
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : ROCHICCIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-11-10;22pa02320 ?
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