Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Paris de les décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015 ainsi que des pénalités correspondantes et de réduire leur cotisation primitive d'impôt sur le revenu de l'année 2016.
Par un jugement n° 1908859 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Paris les a déchargés des cotisations supplémentaires des années 2014 et 2015 correspondant à la reprise du crédit d'impôt prévu par les dispositions de l'article 200 quaterdecies du code général des impôts et a rejeté le surplus de leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet 2021 et
27 janvier 2022, M. D... et Mme B... A..., représentés par Me Roé, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1908859 du 10 juin 2021 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions à fin de décharge ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens de l'instance.
Ils soutiennent que :
- l'administration a méconnu le principe du contradictoire en s'abstenant de répondre aux observations qu'ils ont présentées le 22 mai 2018 ;
- l'administration aurait dû donner suite à la demande d'entretien avec le supérieur hiérarchique formulée le 8 mai 2018, entretien auquel ils avaient droit, tant au vu des garanties portées par la charte du contribuable vérifié, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales ;
- les montants remboursés par Mme A... à son employeur en novembre 2014 doivent être exclus de leurs revenus ;
- les revenus déclarés par M. A... au titre des années 2014, 2015 et 2016 l'ont été par erreur, seule une partie des sommes en cause ayant été provisionnée par la Sarl RRD, ces sommes n'ayant du reste pas pu être appréhendées en raison de l'état de la trésorerie de cette société en sorte qu'elles doivent être exclues de la base imposable de leurs revenus.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens qu'y soulèvent les requérants sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,
- le code du commerce ,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un contrôle sur pièces dont M. et Mme A... ont fait l'objet, l'administration fiscale leur a assigné des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2014 et 2015 assorties des intérêts de retard et d'une majoration de 10 %, notifiées selon la procédure contradictoire par une proposition de rectification du 21 décembre 2017. Ils ont demandé, le 2 septembre 2019, au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de ces impositions et de réduire leur cotisation primitive d'impôt sur le revenu de l'année 2016. Par un jugement n° 1908859 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Paris les a déchargés des cotisations supplémentaires des années 2014 et 2015 correspondant à la reprise du crédit d'impôt prévu par les dispositions de l'article 200 quaterdecies du code général des impôts et a rejeté le surplus de leur demande. Par leur requête, les époux A... relèvent appel du jugement du 10 juin 2021 en tant que le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de leur demande.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
S'agissant de la conduite contradictoire de la procédure de rectification :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales : " A moins qu'un délai ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification. " Selon l'article L. 55 du même livre : " (...) lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts (...), les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A. (...) ". Enfin l'article L. 57 du même livre dispose que : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ".
3. Il résulte de l'instruction que M. et Mme A... ont accusé réception, le
29 décembre 2018, de la proposition de rectification du 21 décembre 2017 et qu'ils ont formulé leurs observations par un courrier du 3 janvier 2019, auquel l'administration a répondu par un nouveau courrier n° 3926 daté du 23 avril 2018 qui leur a été notifié le 26 avril 2018. Il résulte par ailleurs de l'examen de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable que ces deux documents satisfaisaient aux exigences de motivation portées par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Si les appelants soutiennent que l'administration a méconnu le principe du contradictoire en ne répondant pas au nouveau courrier qu'ils lui ont adressé le 22 mai 2018, aucune disposition légale ou réglementaire du livre des procédures fiscales ne prévoit une telle obligation dès lors que le délai de trente jours prévu par les dispositions précitées des articles L. 11 et L. 57 du livre des procédures fiscales était écoulé et que la réponse aux observations du contribuable régulièrement formées dans le délai prévu avait entériné le désaccord. A cet égard, la circonstance que le vérificateur ait mentionné dans un courriel du 17 mai 2018 qu'il étudierait les pièces que les époux A... lui fourniraient est sans incidence, ce d'autant qu'il n'a pas entendu ce faisant s'engager à leur répondre expressément. Le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas respecté la procédure de rectification contradictoire ne peut ainsi qu'être écarté.
S'agissant de l'accès à un recours hiérarchique :
4. En premier lieu, aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration ". Selon l'article L. 47 du même code : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. (...) L'avis informe le contribuable que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié peut être consultée sur le site internet de l'administration fiscale ou lui être remise sur simple
demande ". Par ailleurs, aux termes de la charte précitée, dans sa rédaction applicable au présent litige : " En cas de désaccord avec le vérificateur vous pouvez saisir l'inspecteur divisionnaire ou principal. Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal. " Il résulte des dispositions combinées des articles L. 47 et L. 10 du livre des procédures fiscales précitées que seuls les contribuables ayant fait l'objet d'une vérification de comptabilité ou d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle peuvent obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur et, le cas échéant, avec l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend ce dernier.
5. Il est constant que les impositions mises à la charge de M. et Mme A... sont issues d'un contrôle sur pièces de leur dossier par le service. Par suite, les dispositions de l'article L. 10 et les garanties offertes par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ne sont pas applicables au cas d'espèce.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales, issu de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance : " Hormis lorsqu'elle est adressée dans le cadre des procédures mentionnées aux articles L. 12, L. 13 et L. 13 G et aux I et II de la section V du présent chapitre, la proposition de rectification peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours hiérarchique qui suspend le cours de ce délai ". L'article L. 284 du même livre prévoit que : " Sauf disposition contraire, les règles de procédure fiscale ne s'appliquent qu'aux formalités accomplies après leur date d'entrée en vigueur, quelle que soit la date de la mise en recouvrement des impositions. ".
7. M. et Mme A..., qui revendiquent le bénéfice des dispositions précitées, soutiennent avoir vainement sollicité un entretien avec le supérieur hiérarchique de l'agent vérificateur par courriels des 8 mai, 22 mai et 22 octobre 2018. Toutefois, à supposer que les courriels des 8 et 22 mai 2018 puissent être regardés comme tendant à la saisine du supérieur hiérarchique du signataire de la proposition de rectification, l'administration n'avait aucune obligation d'y faire droit, la garantie prévue à l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales n'étant entrée en vigueur que le 12 août 2018. A considérer par ailleurs qu'ils aient formulé une nouvelle demande le 22 octobre 2018, celle-ci est intervenue postérieurement à la mise en recouvrement, le 30 septembre 2018, des impositions litigieuses, de sorte que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales auraient été méconnues.
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 7 que le moyen tiré de ce que M. et
Mme A... auraient été privés du recours auprès du supérieur hiérarchique du vérificateur ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme A... n'a déclaré au titre de ses traitements et salaires de l'année 2014 qu'une somme de 1 066 euros cependant que l'administration a constaté qu'une somme de 4 726 euros lui avait été versée par la société AON, société d'assurance des avocats, au titre de revenus de remplacement. Les appelants contestent le rehaussement de leurs revenus de la différence entre ces deux montants en exposant que Mme A... a eu un arrêt maladie prolongé suite à une hospitalisation et que le cabinet Iteanu, au sein duquel elle est collaboratrice, lui a maintenu intégralement sa rétrocession d'honoraires pendant son absence, ce qui est une pratique habituelle dans la profession et qu'en contrepartie, elle a remboursé au cabinet les indemnités journalières qui lui ont été versées par la société AON. S'ils produisent, au soutien de cette allégation, une attestation du cabinet d'avocats Iteanu rédigée en novembre 2019 et mentionnant que deux chèques ont été reçus en 2014 pour un montant total de 2 559,52 euros avec le libellé " remboursement A... ", la seule mention d'un remboursement sur cette attestation ne permet pas de vérifier l'objet du remboursement en cause, qu'il serait pourtant facile de rapporter en versant dans l'instance des extraits du compte bancaire de Mme A... ou tout document démontrant que des revenus lui ont été versés par son cabinet au titre d'une période au cours de laquelle elle a également perçu des revenus de remplacement de son assureur.
10. En second lieu, aux termes de l'article R*194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement ".
11. Il résulte de l'instruction que M. A... a déclaré, au titre de ses traitements et salaires, des montants de 120 777 euros en 2014, 65 596 euros en 2015 et 90 494 euros en 2016. Si les appelants soutiennent que ces sommes ont été déclarées par erreur, du fait d'une incompréhension avec le cabinet comptable et que si les sommes en cause ont en partie été provisionnées par la société RRD, elles n'ont pas été appréhendées, il leur appartient toutefois, les impositions ayant été liquidées en conformité avec leurs déclarations, d'établir l'existence d'une telle erreur comme en disposent les règles précitées au point 10. A cette fin, ils versent aux débats une attestation du cabinet d'expertise Finantis selon laquelle M. A... a perçu de la Sarl RRD, au titre de rémunérations de gérance, des sommes de 100 000 euros en 2014 et de 36 000 euros en 2016, ainsi qu'un tableau Excel mentionnant ces mêmes montants en faisant apparaître un trop-déclaré. De tels documents ne peuvent toutefois être regardés comme probants dès lors qu'une Sarl est tenue à une comptabilité dans les formes prévues par le code du commerce et que l'attestation rédigée en 2018 n'est corroborée par aucune pièce comptable qui permettrait d'en contrôler l'exactitude. Par ailleurs, si les appelants soutiennent que seule une partie des sommes déclarées aurait été versée sur le compte courant d'associé de M. A..., ils n'en rapportent en tout état de cause pas la preuve. Enfin, si les époux A... soutiennent que la société RRD connaissait une situation de trésorerie qui ne permettait pas à M. A... d'appréhender les sommes inscrites sur son compte courant, ils n'en fournissent pas davantage la preuve. Le moyen ne peut, par suite, qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015 ainsi que des pénalités correspondantes et à la réduction de leur cotisation primitive d'impôt sur le revenu de l'année 2016.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
13. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'octroi d'intérêts moratoires doivent, sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, être rejetées.
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse aux appelants la somme qu'ils lui réclament sur leur fondement. L'instance n'ayant par ailleurs pas donné lieu à l'exposé de dépens, la demande des appelants formée sur le fondement de l'article R. 671-1 du code de justice administrative doit en tout état de cause être rejetée.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Perroy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022.
Le rapporteur,
G. C...
La présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA04295 2