La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2022 | FRANCE | N°21PA01840

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 10 novembre 2022, 21PA01840


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 2006524 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

P

ar une requête, enregistrée le 9 avril 2021, Mme C..., représentée par Me Chartier, demande à la C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 2006524 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 avril 2021, Mme C..., représentée par Me Chartier, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2006524 du 18 décembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai, sous astreinte de

100 euros par jour de retard en lui délivrant dans cette attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de

2 400 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, insuffisamment motivé et il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation ;

- il est également entaché de dénaturation de sa demande, d'un défaut d'examen et d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 313-11-11° et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il est entaché d'une erreur de droit en ce que le préfet s'est estimé à tort lié par l'avis de la DIRECCTE ;

- il est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a été adopté en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant ;

- il est à tout le moins entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du

22 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code du travail,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020,

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 12 janvier 1988 à Kinshasa, a sollicité le 23 février 2018 le renouvellement de sa carte de séjour temporaire pour raison de santé ou un changement de statut en tant que salariée. Par un arrêté du 18 décembre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite. Elle relève appel du jugement du 18 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code, alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, alors en vigueur : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis (...). La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / (...) / Le demandeur dispose d'un délai d'un mois à compter de l'enregistrement de sa demande en préfecture pour transmettre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration le certificat médical mentionné au premier alinéa. (...) / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...). ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".

3. Il résulte des dispositions combinées susmentionnées que, dans le cas où le médecin de l'Office chargé d'établir un rapport médical, sur la base duquel le collège de médecins de l'Office doit rendre un avis destiné au préfet auquel a été adressée une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade ou de parents d'étranger malade, n'est pas à même de se prononcer sur l'état de santé du demandeur, faute d'avoir reçu, de la part du médecin qui suit habituellement l'étranger ou du médecin praticien hospitalier, le certificat médical que celui-ci doit établir, il appartient au médecin de l'Office d'en informer l'autorité préfectorale. Il incombe alors à cette dernière de porter cet élément, qui fait obstacle à la poursuite de l'instruction de la demande de séjour, à la connaissance de l'étranger afin de le mettre à même soit d'obtenir de son médecin ou du praticien hospitalier initialement saisi qu'il accomplisse les diligences nécessaires soit, le cas échéant, de choisir un autre médecin ou praticien.

4. En l'espèce, pour refuser à Mme C..., qui avait sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur la circonstance qu'elle " n'a allégué aucune raison de santé à l'appui de sa demande ". Or le préfet de la Seine-Saint-Denis n'établit pas ni même n'allègue avoir mis

Mme C... en mesure d'accomplir les diligences nécessaires pour qu'elle complète son dossier, et d'ailleurs, n'allègue même pas qu'elle aurait été mise en possession d'un dossier médical à transmettre à l'OFII à l'occasion de sa demande de titre de séjour. Dans ces conditions, Mme C... est fondée à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions alors codifiées au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt n'implique pas que soit délivré à Mme C... un titre de séjour. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de statuer à nouveau sur la demande de Mme C... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Chartier, avocat de Mme C..., de la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2006524 du 18 décembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 18 décembre 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de Mme C... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 4 : L'Etat versera à Me Chartier, avocat de Mme C..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2022.

Le rapporteur,

G. A...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA01840

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01840
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Gilles PERROY
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CHARTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-11-10;21pa01840 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award