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28/10/2022 | FRANCE | N°21PA04677

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 octobre 2022, 21PA04677


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la décision du 28 septembre 2018 par laquelle le directeur général des services de la commune de Villepinte (Seine-Saint-Denis) l'a nommé au poste de " directeur de prévention-tranquillité " ainsi que la décision portant refus de retrait de cette décision et, d'autre part, de condamner la commune de Villepinte à lui verser une somme de 44 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par un jugement n° 1901736 du 2 juil

let 2021, le tribunal administratif de Montreuil a partiellement fait droit à sa ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la décision du 28 septembre 2018 par laquelle le directeur général des services de la commune de Villepinte (Seine-Saint-Denis) l'a nommé au poste de " directeur de prévention-tranquillité " ainsi que la décision portant refus de retrait de cette décision et, d'autre part, de condamner la commune de Villepinte à lui verser une somme de 44 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par un jugement n° 1901736 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Montreuil a partiellement fait droit à sa demande en condamnant la commune de Villepinte à lui verser la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral subi en l'absence d'affectation sur un poste correspondant à son grade au cours de la période comprise entre le 25 mars 2017 et le 18 avril 2018 et en rejetant le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 août 2021 et le 6 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Trennec, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901736 du 2 juillet 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler la décision du 28 septembre 2018 du directeur général des services de la commune de Villepinte le nommant au poste de " directeur de prévention-tranquillité " et la décision portant refus de retrait de cette décision ;

3°) d'enjoindre à la commune de Villepinte de l'affecter sur un poste correspondant à son grade dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner la commune de Villepinte à lui verser la somme de 44 000 euros, augmentée des intérêts et de leur capitalisation ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Villepinte la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que son affectation sur le poste de " directeur de prévention-tranquillité " constituait une mesure d'ordre intérieur ;

- ce poste, limité à une unique mission, dépourvu de toute fonction d'encadrement et s'est ainsi traduit par une perte de responsabilités, démontre la persistance de la commune à lui refuser un emploi réel ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu l'absence d'illégalité fautive de cette décision, laquelle est de nature à engager la responsabilité de la commune de Villepinte ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que cette affectation ne correspondant pas à son grade, n'était pas constitutive d'une forme de harcèlement moral engageant la responsabilité de la commune ;

- le tribunal n'a pas apprécié à sa juste valeur le préjudice résultant de l'absence d'affectation fautive au cours de la période comprise entre le 24 mars 2017 et le 18 avril 2018, en le limitant à la somme de 2 000 euros ;

- le préjudice moral et les troubles subis dans ses conditions d'existence correspondant à ce préjudice devront être indemnisés à hauteur de 35 000 euros ;

- c'est à tort que le tribunal n'a retenu aucun préjudice de carrière, les obstacles opposés par la commune à sa candidature au poste de délégué du préfet à la sous-préfecture de Meaux et l'absence d'évaluation depuis 2014, devant être indemnisés à hauteur de 9 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2021, la commune de Villepinte, représentée par Me Vital-Durand et par Me Le Neel, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir :

- à titre principal, c'est à bon droit que le tribunal a qualifié la décision d'affectation en litige de mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours ;

- à titre subsidiaire, cette décision n'est entachée d'aucune illégalité ;

- les conclusions indemnitaires présentées par M. A... ne sont pas fondées, en l'absence de situation de harcèlement moral caractérisée et de préjudice de carrière.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-1099 du 30 décembre 1987 ;

- le décret n° 87-1100 du 30 décembre 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de Me Couturier, représentant la commune de Villepinte.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., attaché territorial titulaire de la commune de Villepinte depuis 2009, a exercé les fonctions de directeur des services " prévention-tranquillité et démarches quartiers " à compter du mois de février 2012. Par une décision du 25 avril 2014, il a été déchargé des attributions afférentes à cet emploi dans le cadre d'un projet de réorganisation du service. Par un jugement du 24 mars 2017, devenu définitif, le tribunal administratif de Montreuil a confirmé la légalité de cette décision mais a condamné la commune de Villepinte à verser à M. A... la somme de 6 000 euros au titre du préjudice moral subi par le requérant qui avait été privé illégalement de fonctions et placé dans un environnement de nature à altérer sa santé mentale et à compromettre son avenir professionnel. Au cours du printemps 2018, le poste de directeur du pôle règlement général de protection des données lui a été proposé. En l'absence d'accord intervenu sur les conditions d'occupation de cet emploi, la commune de Villepinte l'a nommé au poste de " directeur de prévention-tranquillité " par une décision du 28 septembre 2018. M. A... a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision et de la décision implicite refusant son retrait et, d'autre part, à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 44 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. M. A... relève appel de ce jugement par lequel le tribunal a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions en litige et a fait droit partiellement à ses conclusions indemnitaires.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. D'une part, un fonctionnaire, qui n'est pas titulaire de son emploi, n'a aucun droit au maintien dans l'emploi qu'il occupe. D'autre part, les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent une perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.

3. Aux termes de l'article 2 du décret n° 87-1099 du 30 décembre 1987 : " Les membres du cadre d'emplois participent à la conception, à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques décidées dans les domaines administratif, financier, économique, sanitaire, social, culturel, de l'animation et de l'urbanisme. Ils peuvent ainsi se voir confier des missions, des études ou des fonctions comportant des responsabilités particulières, notamment en matière de gestion des ressources humaines, de gestion des achats et des marchés publics, de gestion financière et de contrôle de gestion, de gestion immobilière et foncière et de conseil juridique. Ils peuvent également être chargés des actions de communication interne et externe et de celles liées au développement, à l'aménagement et à l'animation économique, sociale et culturelle de la collectivité. Ils exercent des fonctions d'encadrement et assurent la direction de bureau ou de service. (...) ".

4. M. A... soutient que le poste de " directeur de prévention-tranquillité ", qui n'a fait l'objet d'aucune fiche de poste, est limité à une mission unique de gestion des bâtiments communaux dépourvue de véritable consistance, ne comporte pas de fonction d'encadrement et se traduit par une perte de responsabilités. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la gestion du parc immobilier de la commune de Villepinte, qui comporte quatre-vingt-quatorze sites dédiés aux activités administratives, culturelles, sportives et éducatives, ne se limite pas à une unique mission dès lors que ce poste inclut des activités de contrôle des accès et de sécurité de bâtiments en lien avec la mise en place de nouvelles technologies, la gestion des incidents et implique la passation de marchés publics. M. A... ne conteste pas que ses missions relèvent de ses attributions et n'établit pas qu'elles seraient dénuées de tout contenu susceptible de révéler une intention de le priver de l'exercice effectif de toute fonction. Si la direction qui lui a été confiée n'implique pas que des agents de la collectivité soient placés sous son autorité directe, il ressort des pièces produites à l'instance que la coordination notamment entre les différents services communaux relève de sa responsabilité, M. A... assurant par ailleurs l'interface avec les intervenants extérieurs. Ainsi, la circonstance que ce poste ne comporte pas de fonction d'encadrement direct n'a pas porté atteinte aux droits et prérogatives que M. A... tient de son statut, dès lors que la fonction de " directeur de prévention-tranquillité " sur laquelle il a été affecté correspond, aux termes du décret n° 87-1099 du 30 décembre 1987 portant statut particulier du cadre d'emplois des attachés territoriaux, à celles qu'ont vocation à occuper un titulaire de ce grade. Au demeurant, cette nomination n'a pu avoir pour effet, en tant que telle, de lui ôter des fonctions d'encadrement que l'intéressé n'exerçait plus depuis la décision de la collectivité du 25 avril 2014 le déchargeant de ses attributions de directeur des services " prévention-tranquillité et démarches quartiers " dont la légalité a été confirmée par un jugement du 24 mars 2017, devenu définitif, du tribunal administratif de Montreuil. M. A... reste lui-même placé sous l'autorité hiérarchique directe du directeur général des services et il est, par ailleurs, constant que cette nomination n'emporte pas de perte de rémunération, aucune des pièces du dossier ne permettant de retenir qu'elle s'accompagnerait d'un amoindrissement de ses perspectives de carrière. Enfin, la circonstance, à la supposer établie, selon laquelle les fonctions exercées n'auraient pas été définies dans une fiche de poste est sans incidence sur la qualification juridique du changement d'affectation litigieux. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir opposée par la commune de Villepinte et ont rejeté les conclusions aux fins d'annulation de la décision attaquée comme irrecevables à raison de leur caractère de mesure d'ordre intérieur.

5. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'injonction de M. A... doivent également être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

Sur la responsabilité de la commune :

6. En premier lieu, faute d'établir l'illégalité de la décision du 28 septembre 2018 le nommant au poste de " directeur de prévention-tranquillité ", M. A... n'est pas fondé à demander la condamnation de la commune de Villepinte à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de cette décision.

7. En deuxième lieu, M. A... ne démontre pas, pour les motifs exposés au point 4, que le poste de " directeur de prévention-tranquillité " ne serait pas au nombre de ceux pouvant être confiés aux titulaires du grade d'attaché territorial ou correspondrait à un emploi factice et que cette nomination serait ainsi révélatrice d'un harcèlement moral de nature à engager la responsabilité de la commune et susceptible d'ouvrir droit à une indemnisation.

8. En troisième lieu, par un jugement du 24 mars 2017 devenu définitif, le tribunal administratif de Montreuil, a retenu que l'absence d'affectation de M. A... sur un poste correspondant à son grade, entre le 25 avril 2014 et la date de ce jugement, constituait une faute qui devait être indemnisée à hauteur de la somme de 6 000 euros au titre du préjudice moral subi. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, cette situation s'est prolongée jusqu'au 18 avril 2018, date non contredite à laquelle M. A... a reçu une proposition d'affectation sur le poste de responsable du règlement général de protection des données, dont il n'est pas allégué qu'il ne correspondait pas à son grade. Il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas contesté que la faute ainsi commise par la commune de Villepinte aurait perduré au-delà de cette date. En revanche, les pièces produites à l'instance permettent de retenir que M. A... a conditionné son acceptation à la proposition de poste qui lui était faite à des exigences conséquentes, notamment en termes de rémunération alors même qu'il bénéficiait du régime indemnitaire le plus favorable, a fait peser dans les discussions une menace de grève de la faim et a saisi, concomitamment à cette proposition, le tribunal administratif de Montreuil d'une requête en référé-liberté en vue d'obtenir dans un délai de 48 heures un poste et des missions correspondant à son grade, requête qui a été rejetée par une ordonnance devenue définitive du 11 juin 2018, compte tenu du poste venant de lui être proposé. Par suite, le jugement de première instance qui a circonscrit l'engagement de la responsabilité de la commune à la période comprise entre le 25 mars 2017 et le 18 avril 2018 doit être confirmé.

Sur les préjudices :

9. D'une part, s'il résulte de l'instruction que M. A..., qui a été placé dans une situation irrégulière au cours de la période courant du 25 mars 2017 au 18 avril 2018 en l'absence d'affectation correspondant à son grade, a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence dont il est fondé à demander la réparation, il n'établit pas que ce préjudice serait supérieur à la somme de 2 000 euros allouée par les premiers juges, en complément à la somme de 6 000 euros allouée par le jugement précédent du 24 mars 2017 à raison de l'absence d'affectation subie depuis le 25 avril 2014, en se bornant à soutenir qu'il n'a pas été apprécié à sa juste valeur.

10. D'autre part, M. A... soutient qu'il a subi un préjudice de carrière compte tenu des obstacles opposés par la commune à sa candidature au poste de délégué du préfet à la sous-préfecture de Meaux et l'absence d'évaluation depuis 2014. Toutefois, il n'apporte au soutien de ses allégations en appel aucun élément permettant d'établir que la commune aurait contrarié un projet professionnel sur lequel il aurait postulé. Par ailleurs et ainsi que l'ont retenu les juges de première instance, il résulte de l'instruction et en particulier des arrêtés portant avancement d'échelon produits en défense que l'appelant a bénéficié d'une progression de carrière conforme aux dispositions du décret n° 87-1100 du 30 décembre 1987. Par suite, en l'absence de préjudice de carrière, aucune indemnisation ne peut être allouée à ce titre comme l'ont considéré à bon droit les premiers juges.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement n° 1901736 du 2 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision du 28 septembre 2018 par laquelle le directeur général des services de la commune de Villepinte l'a nommé au poste de " directeur de prévention-tranquillité " ainsi que de la décision portant refus de retrait de cette décision, et a limité l'indemnisation de ses préjudices à son seul préjudice moral et en lui allouant à ce titre la somme de 2 000 euros.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Villepinte, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. A... la somme demandée de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Villepinte et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la commune de Villepinte une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la commune de Villepinte.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- Mme Boizot, première conseillère,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 28 octobre 2022.

La rapporteure,

C. B...

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04677


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04677
Date de la décision : 28/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SCP ARENTS-TRENNEC

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-28;21pa04677 ?
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