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21/10/2022 | FRANCE | N°21PA04978

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 21 octobre 2022, 21PA04978


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 4 juin 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 2007785 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistré

e le 7 septembre 2021, Mme B..., représentée par Me Bertaux, demande à la Cour :

1°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 4 juin 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 2007785 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 septembre 2021, Mme B..., représentée par Me Bertaux, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2007785 du 17 juin 2021 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 juin 2020 du préfet du Val-de-Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dès la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation, sous la même astreinte, dans un délai de quinze jours en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bertaux de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle a méconnu le second alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute pour le préfet d'avoir préalablement saisi pour avis la commission du titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ;

- elle a été adoptée en méconnaissance des articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît également les dispositions du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est à tout le moins entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité du titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet s'est cru, à tort, lié par le refus de délivrance de titre de séjour ;

- elle a été adoptée en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre et de la mesure d'éloignement ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de retour :

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre et de la mesure d'éloignement.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 23 juillet 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a accordé à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les observations de Me Bertaux pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., ressortissante togolaise née le 30 octobre 1995 à Lomé, a sollicité le 26 juillet 2019 la régularisation exceptionnelle de son séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 juin 2020, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de retour. Elle relève appel du jugement du 17 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

En ce qui concerne le refus de titre :

2. En premier lieu, il ressort de l'examen du refus de séjour attaqué qu'il comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, en sorte que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors codifiés au second alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais reprises au second alinéa de l'article L. 435-1 de ce code : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

4. Mme B... se prévaut de ce qu'entrée en France en 2004, elle y justifie d'une installation habituelle de plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Cependant, elle se borne à produire, au titre de l'année 2016, un certificat médical du 1er février et une ordonnance du 16 février et, au titre de l'année 2017, un certificat du 16 juin et une carte individuelle d'admission à l'aide médicale d'Etat valable à compter du 16 octobre, qui sont insuffisants pour établir le caractère habituel de sa présence en France au cours de ces deux années. Si l'appelante soutient par ailleurs que c'est à tort que le préfet a considéré qu'elle est rentrée au Togo au motif que son passeport a été établi à Lomé le 23 décembre 2016 alors que la réglementation togolaise prévoirait l'apposition d'une telle mention quand bien même le titre est délivré dans un consulat situé à l'étranger, l'erreur alléguée, à la supposer même constituée, n'a pas eu d'influence sur le sens de la décision attaquée, faute pour l'intéressée d'établir le caractère habituel de sa présence en France au titre des années 2016 et 2017. Le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour doit donc être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article

L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais reprises au premier alinéa de l'article L. 435-1 de ce code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".

6. S'il est vrai que Mme B... est entrée en France à un jeune âge et y a suivi une scolarité entre 2004 et 2012, elle ne rapporte pas la preuve, ainsi qu'il a été dit, qu'elle résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. De plus, si Mme B... entend justifier les circonstances qu'elle n'a pas validé sa scolarité secondaire en obtenant le baccalauréat qu'elle préparait, et qu'elle ne présente aucune intégration professionnelle en France, en produisant divers documents médicaux dont il ressort qu'elle souffre d'une maladie neurologique, elle n'établit pas l'existence d'un motif humanitaire propre à justifier la régularisation de son séjour à titre exceptionnel, dès lors, notamment, qu'il ressort des pièces du dossier que cette affection ne lui impose ni soins ni rééducation. Enfin, il est constant que Mme B... est célibataire et sans charge de famille en France et que si sa mère y réside régulièrement sous couvert d'une carte de séjour temporaire, elle n'est pas pour autant dépourvue d'attaches privées et familiales au Togo où résident son frère et son père, la circonstance qu'ils ne pourraient la prendre financièrement en charge ne pouvant être regardée en elle-même comme un obstacle à son retour dans son pays d'origine, dès lors notamment qu'elle ne démontre pas une incapacité totale à travailler. Il s'en suit, alors qu'aucune pièce du dossier ne tend à démontrer que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa compétence, que le moyen tiré la méconnaissance des dispositions actuellement codifiées à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais repris à son article L. 423-23 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

8. Il ne résulte pas des circonstances de fait tirées de la vie privée et familiale de Mme B..., exposées au point 6, que le préfet du Val-de-Marne aurait, en lui refusant le séjour, méconnu les droits qu'elle tient des textes précités. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut ainsi qu'être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, aucun des moyens dirigés contre le refus de titre n'étant fondé, le moyen tiré du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français en conséquence de l'illégalité de cette première décision ne peut qu'être écarté.

10. En second lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ". Mme B..., à qui la délivrance d'un titre de séjour a été refusée, se trouvait dans le cas prévu par les dispositions précitées, où le préfet du Val-de-Marne a pu lui faire obligation de quitter le territoire français. De plus, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-de-Marne se soit estimé en situation de compétence liée pour prendre la mesure d'éloignement en litige. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

11. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

12. En premier lieu, aucun des moyens dirigés contre le refus de titre et la mesure d'éloignement n'étant fondé, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le délai de départ volontaire en conséquence de l'illégalité de ces décisions ne peut qu'être écarté.

13. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de retour :

14. Aucun des moyens dirigés contre le refus de titre et la mesure d'éloignement n'étant fondé, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de destination en conséquence de l'illégalité de ces décisions ne peut qu'être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 octobre 2022.

Le rapporteur,

G. A...

La présidente,

H. VINOTLa greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA0497802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04978
Date de la décision : 21/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Gilles PERROY
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : BERTAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-21;21pa04978 ?
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