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18/10/2022 | FRANCE | N°22PA01088

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 18 octobre 2022, 22PA01088


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 23 décembre 1996 et d'annuler cet arrêté d'expulsion.

Par un jugement n° 2010349/4-2 du 18 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de M. B... C... dirigées contre la décision implicite initiale par l

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 23 décembre 1996 et d'annuler cet arrêté d'expulsion.

Par un jugement n° 2010349/4-2 du 18 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de M. B... C... dirigées contre la décision implicite initiale par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 23 décembre 1996, a rejeté comme irrecevables les conclusions de la demande dirigées contre l'arrêté du 23 décembre 1996 du ministre de l'intérieur et a rejeté les conclusions à fins d'annulation de la demande dirigées contre la décision implicite de rejet de demande d'abrogation née du silence gardé par l'administration pendant quatre mois sur la demande de M. B... C... à la suite du courrier du 4 février 2021.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2022, M. B... C..., représenté par Me Hardouin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2010349/4-2 du 18 janvier 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 23 décembre 1996 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 3 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 19 septembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant espagnol né le 29 septembre 1969, est entré en France l'année de sa naissance. Par arrêté du 23 décembre 1996, le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français, en raison de délits commis entre 1988 et 1993, sur le fondement des articles 24 et 26-b de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée alors en vigueur, après avoir considéré qu'au regard de l'ensemble de son comportement, son expulsion constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique. Cet arrêté a été exécuté le 14 novembre 1997 alors que l'intéressé était en détention. Par courrier du 4 novembre 2019, reçu par son destinataire le 7 novembre suivant, M. B... C... a demandé au ministre de l'intérieur d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 23 décembre 1996. Le

18 décembre suivant, le ministre de l'intérieur a accusé réception de sa demande, lui a demandé de lui transmettre des copies de son contrat de travail et de ses fiches de paie depuis janvier 2015 ainsi que de quittances de loyer et attestations d'hébergement dans un délai de deux mois, le délai de quatre mois à l'expiration duquel sa demande pourra être considérée comme implicitement rejetée étant suspendu dans l'attente de la réception de ces documents. Le silence de l'administration gardé sur la demande de M. B... C... a fait naître une décision implicite de rejet. M. B... C... relève appel du jugement du 18 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa numérotation alors en vigueur : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé. Lorsque la demande d'abrogation est présentée à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'exécution effective de l'arrêté d'expulsion, elle ne peut être rejetée qu'après avis de la commission prévue à l'article L. 522-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 524-2 du même code dans sa numérotation alors en vigueur : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 524-1, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté. L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de l'arrêté. (...) / A défaut de notification à l'intéressé d'une décision explicite d'abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite de ne pas abroger. Cette décision est susceptible de recours (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 524-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " le silence gardé pendant plus de quatre mois sur une demande d'abrogation d'un arrêté d'expulsion vaut décision de rejet ".

3. Il résulte des dispositions précitées qu'indépendamment du réexamen auquel elle procède tous les cinq ans, il appartient à l'autorité administrative compétente, saisie d'une demande d'abrogation d'un arrêté d'expulsion, d'apprécier, en vertu des dispositions des articles L. 524-1 et L. 524-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction alors en vigueur, si la présence de l'intéressé sur le territoire français constitue toujours, à la date à laquelle elle se prononce, une menace grave pour l'ordre public de nature à justifier légalement que la mesure d'expulsion ne soit pas abrogée, en tenant compte des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion qu'il présente.

4. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il est constant que M. B... C..., entré en France en 1969 année de sa naissance, y a résidé jusqu'à l'âge de 28 ans, que sa mère et ses frères et sœurs - dont deux sont de nationalité française - résident sur le territoire français, de même que sa dernière compagne et qu'il est père de quatre enfants français dont deux mineurs, nés en 2009 et 2016. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant a fait l'objet de treize condamnations par le juge pénal ayant donné lieu au prononcé de peines d'emprisonnement postérieurement à l'arrêté d'expulsion, notamment pour des faits de vol aggravé, de violence suivie d'incapacité de plus de huit jours, d'extorsion par violence, menace ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeur ou bien, de conduite en état d'ébriété ou sous influence de drogues, de trafic de drogue, de détention illicite d'armes, munitions ou engins explosifs, et de perturbation de l'ordre public, outrage et infraction à la paix publique, faits commis entre décembre 1997 et décembre 2012. Dans ces conditions, alors même que l'intéressé vit à proximité de sa compagne et de leurs enfants, établis de l'autre côté de la frontière espagnole (à Irun pour le requérant et à Hendaye pour sa compagne) et qu'il se prévaut d'une simple promesse d'embauche en France établie postérieurement à la décision attaquée par la société gérée par l'une de ses sœurs, eu égard au nombre et à la gravité des infractions qu'il a commises, le refus d'abrogation de la mesure d'expulsion ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excédant ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Dès lors, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er: La requête de M. B... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience publique du 27 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe 18 octobre 2022.

La rapporteure,

M-D A...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANILa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 22PA01088 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01088
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : HARDOUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-18;22pa01088 ?
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