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18/10/2022 | FRANCE | N°21PA04987

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 18 octobre 2022, 21PA04987


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société des transports du bassin chellois (STBC) a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions des 26 août et 9 novembre 2016 par lesquelles l'inspectrice du travail a refusé l'autorisation de licencier M. C... B..., ainsi que les décisions implicites par lesquelles le ministre du travail a rejeté ses recours hiérarchiques formés les 26 octobre et 15 novembre 2016 à l'encontre de ces décisions.

Par un jugement n° 1703133 du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de M

elun a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société des transports du bassin chellois (STBC) a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions des 26 août et 9 novembre 2016 par lesquelles l'inspectrice du travail a refusé l'autorisation de licencier M. C... B..., ainsi que les décisions implicites par lesquelles le ministre du travail a rejeté ses recours hiérarchiques formés les 26 octobre et 15 novembre 2016 à l'encontre de ces décisions.

Par un jugement n° 1703133 du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Melun a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Baudin-Vervaecke, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 juillet 2021 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par la Société des transports du bassin Chellois (STBC) devant le tribunal administratif ;

3°) de condamner la STBC à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Il soutient que :

- la STBC n'avait pas d'intérêt à agir contre les décisions litigieuses dès lors qu'il avait été licencié le 16 mars 2017 ; en conséquence, la requête présentée par la STBC devant le tribunal était irrecevable ;

- la décision implicite de rejet du ministre n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas motivée ;

- la décision du 9 novembre 2016 de l'inspectrice du travail est suffisamment motivée ;

- c'est à bon droit que l'inspectrice du travail a estimé que, dès lors qu'il était en arrêt maladie à la date des faits litigieux, ces derniers ne relevaient pas du champ disciplinaire ;

- la matérialité de ces faits, qu'il conteste, n'est pas établie ; il n'a jamais insulté Mme A... mais a été insulté par elle ;

- la décision du 26 août 2016 de l'inspectrice du travail est suffisamment motivée ;

- cette décision est fondée, dès lors que les faits litigieux se rattachaient à l'exercice de son mandat de représentant du personnel et qu'ils ne pouvaient donner lieu à une sanction disciplinaire ;

- il produit de nombreux témoignages du caractère agressif de Mme A... ; cette dernière est le bras armé de syndicats non représentatifs pour évincer la CGC et la CFTC ;

- il produit des témoignages sur sa personnalité qui attestent qu'il est calme et respectueux ;

- la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec ses mandats dans le cadre desquels il a largement œuvré à l'amélioration des conditions de travail de ses collègues et à leur défense, ce qui explique la volonté de son employeur de se séparer de lui.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mars 2022, la Société des transports du bassin Chellois, représentée par Me Arnaud Blanc de la Naulte, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B... à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La requête a été communiqué au ministre du travail qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me Curtius, représentant la Société des trasports du bassin chellois.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., recruté par la Société des transports du bassin chellois (STBC) par contrat à durée indéterminée du 16 août 2008 en qualité de conducteur-receveur, a été désigné membre suppléant de la délégation unique du personnel le 7 février 2014 et représentant du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) le 14 avril 2015. Par courrier du 5 août 2016, son employeur a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement à raison d'agissements fautifs commis selon lui par l'intéressé le 3 juin 2016, consistant en des insultes proférées à l'encontre d'une autre salariée. Par décision du 26 août 2016, l'inspectrice du travail a refusé l'autorisation de licenciement sollicitée, aux motifs que les faits litigieux étaient survenus en dehors de l'exécution du contrat de travail et que la société ne précisait pas le terrain juridique sur lequel elle entendait placer sa demande. A la suite d'un recours gracieux formé le 26 septembre 2016 par la société STBC, l'inspectrice du travail a, par une nouvelle décision du 9 novembre 2016, annulé sa décision initiale du 26 août 2016 et à nouveau rejeté la demande d'autorisation de licenciement au motif que l'intéressé ne se trouvait pas, au moment des faits, sous la subordination juridique de l'employeur du fait de son arrêt maladie. La société STBC a formé un recours hiérarchique le 16 octobre 2016 à l'encontre de la décision du 26 août 2016 et le 15 novembre 2016 à l'encontre de la décision du 9 novembre 2016, qui ont été implicitement rejetés par le ministre du travail. La société STBC a demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation des décisions de l'inspectrice du travail et des décisions implicites du ministre du travail. Par un jugement n° 1703133 du 5 juillet 2021, dont M. B... relève appel, le tribunal a fait droit à sa demande.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. M. B... soutient que la STBC n'avait pas d'intérêt à agir, à la date de l'introduction de sa requête le 14 avril 2017, contre les décisions litigieuses rejetant sa demande de licenciement dès lors qu'il avait été licencié le 16 mars 2017 dans le cadre d'une autre procédure de licenciement engagée par son employeur. Toutefois, la décision de l'inspectrice du travail du 15 mars 2017 autorisant son licenciement à l'encontre de laquelle M. B... avait lui-même introduit des recours hiérarchique et contentieux, n'était pas définitive à la date de la requête de la STBC qui n'était donc ni dépourvue d'objet, ni en tout état de cause, irrecevable.

Sur le moyen d'annulation de la décision du 9 novembre 2016 de l'inspectrice du travail retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article L. 1226-1-1 du code du travail dans sa version en vigueur à la date de la décision litigieuse : " Le contrat de travail d'un salarié atteint d'une maladie ou victime d'un accident non professionnel demeure suspendu pendant les périodes au cours desquelles il suit les actions mentionnées à l'article L. 323-3-1 du code de la sécurité sociale dans les conditions prévues à ce même article. ".

4. Pour annuler la décision du 9 novembre 2016 par laquelle l'inspectrice du travail a rejeté la demande de la société STBC d'autorisation de licenciement de M. B..., le tribunal a estimé qu'elle était entachée d'une erreur de droit. Il ressort, en effet, de cette décision que l'inspectrice du travail s'est fondée sur la circonstance que le jour des faits litigieux,

M. B... se trouvait en arrêt maladie et en a déduit qu'il n'était pas placé sous la subordination juridique de son employeur, les faits n'étant dès lors pas susceptibles de relever du champ disciplinaire. Toutefois, s'il résulte des dispositions précitées que le congé maladie de M. B... suspendait l'exécution de son contrat de travail, l'inspectrice du travail ne pouvait rejeter la demande d'autorisation de licenciement présentée par son employeur sans rechercher si les agissements reprochés à l'intéressé au cours de cette période étaient susceptibles de traduire un manquement de sa part à son obligation de loyauté. Elle a, par suite, entaché sa décision du 9 novembre 2016 d'une erreur de droit. L'annulation de cette décision qui en découle entraîne, par voie de conséquence, celle de la décision implicite du ministre du travail rejetant le recours hiérarchique de M. B... du 15 novembre 2016 et a pour effet de faire revivre la décision initiale du 26 août 2016 de l'inspectrice du travail.

Sur le moyen d'annulation de la décision du 26 août 2016 de l'inspectrice du travail retenu par le tribunal :

5. Il ressort des pièces du dossier que pour rejeter la demande de licenciement sollicitée, l'inspectrice du travail a considéré que les faits litigieux étaient survenus en dehors de l'exécution du contrat de travail dans le cadre de l'exercice des fonctions représentatives de M. B... au CHSCT et que la société STBC ne précisait pas le terrain juridique sur lequel elle entendait placer sa demande par la seule indication de ses griefs. Il ressort toutefois également des pièces du dossier qu'aux termes de sa demande du 5 août 2016, la société STBC reprochait à M. B... d'avoir, le 3 juin 2016, adopté un " comportement tout à fait inacceptable " en tenant des propos agressifs et injurieux à l'encontre d'une collègue, après avoir rappelé que ce comportement était sans lien avec les mandats exercés par l'intéressé mais résultait " exclusivement de ses agissements ". Elle indiquait également que M. B... avait déjà fait l'objet, le 25 mars 2016, d'un avertissement " pour des faits fautifs similaires " alors qu'il s'était vu rappelé le 10 décembre 2014 la nécessité d'un respect mutuel lors de tout échange, et annexait à sa demande divers documents relatifs à la procédure préalable de licenciement. Ainsi que l'a jugé le tribunal, au regard tant de la nature des faits invoqués par la société STBC que de la référence explicite à des faits fautifs, le motif disciplinaire de la demande ne présentait aucune ambigüité. En outre, la circonstance que les faits reprochés à l'intéressé étaient survenus au cours d'une période de suspension de son contrat de travail ne permettait pas, à elle seule, de rejeter la demande de licenciement sans vérifier, ainsi qu'il a été rappelé au point 5 du présent arrêt, si les agissements du salarié étaient susceptibles de traduire un manquement de sa part à son obligation de loyauté. Il y a lieu en conséquence de confirmer l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 26 août 2016 et, par voie de conséquence, la décision implicite du ministre du travail rejetant le recours hiérarchique du 16 octobre 2016, prononcée par le tribunal.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de la société STBC.

Sur les frais de l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la Société des transports du bassin chellois, qui n'est pas la partie perdante, verse à M. B... la somme qu'il demande au titre des frais de l'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce dernier le versement à la Société des transports du bassin chellois d'une somme de 1 500 au titre de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la Société des transports du bassin chellois une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à la Société des transports du bassin chellois.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président

I. LUBENLa greffière,

N. DAHMANILa République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04987
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : NMCG AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-18;21pa04987 ?
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