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18/10/2022 | FRANCE | N°21PA04986

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 18 octobre 2022, 21PA04986


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 15 mars 2017 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement, ainsi que la décision du ministre du travail rejetant son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1710220 du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Baudin-Vervaecke, demande à la Cour :r>
1°) d'annuler le jugement du 5 juillet 2021 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 15 mars 2017 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement, ainsi que la décision du ministre du travail rejetant son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1710220 du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Baudin-Vervaecke, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 juillet 2021 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 15 mars 2017 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement ;

3°) de condamner la SAS Société des transports du bassin Chellois à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Il soutient que :

- la décision de l'inspectrice du travail a été prise par une autorité incompétente territorialement au regard des dispositions de l'article R. 2421-10 du code du travail dès lors qu'elle était chargée de la section 1-5 alors que l'inspecteur compétent était celui de la section 1-8 T ou1-1, 1-2 Chelles et qu'aucune décision relative à son intérim n'est visée ;

- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la matérialité des faits ; aucune preuve n'est rapportée de la véracité des propos du sapeur-pompier lui imputant des propos injurieux le 16 mars 2017 ; il produit des témoignages sur sa personnalité que le tribunal n'a pas pris en compte et qui attestent qu'il est calme et respectueux ; le témoignage du sapeur-pompier, qui constitue l'unique fondement des accusations de son employeur, est entaché d'incohérences et n'est corroboré par aucune audition de personnes présentes sur les lieux ;

- la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec ses mandats ; son employeur a déjà tenté de le licencier à plusieurs reprises et le soumet à des pressions qui ont entraîné un état dépressif constaté par le médecin du travail ; dans le cadre de ses mandats, il a largement œuvré à l'amélioration des conditions de travail de ses collègues et à leur défense, ce qui explique la volonté de son employeur de se séparer de lui ;

Par un mémoire en défense enregistré le 25 mars 2022, la Société des transports du bassin chellois, représentée par Me Arnaud Blanc de la Naulte, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B... à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2022, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et renvoie à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me Curtius, représentant la Société des transports du bassin chellois.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., recruté par la Société des transports du bassin chellois (STBC) par contrat à durée indéterminée du 16 août 2008 en qualité de conducteur-receveur, a été désigné membre suppléant de la délégation unique du personnel le 7 février 2014 et représentant du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) le 14 avril 2015. Reprochant à M. B... d'avoir, à la suite d'une agression dont il avait été victime dans le cadre de son activité professionnelle le 2 janvier 2017, dans l'autobus qu'il conduisait, agressé verbalement et menacé le sapeur-pompier venu lui porter secours, la STBC a saisi l'inspection du travail par courrier du 13 janvier 2017 d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire. Par décision du 15 mars 2017, l'inspectrice du travail a autorisé la société à licencier M. B.... Ce dernier a formé un recours hiérarchique à l'encontre de cette décision le 10 mai 2017, qui a été rejeté par la ministre du travail d'abord implicitement puis explicitement le 27 octobre 2017. M. B... a demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation de ces décisions. Par un jugement n° 1710220 du 5 juillet 2021 dont M. B... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle et ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, éventuellement, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail que, lorsqu'un doute subsiste au terme de l'instruction diligentée par le juge de l'excès de pouvoir sur l'exactitude matérielle des faits à la base des griefs formulés par l'employeur contre le salarié protégé, ce doute profite au salarié.

3. Pour considérer comme établi le grief tiré des injures et menaces portées à l'encontre du sapeur-pompier lors de l'intervention de ce dernier après son agression puis à la suite de son transport à l'hôpital du 2 janvier 2017, l'inspectrice du travail a relevé qu'il ressortait de l'enquête administrative que M. B..., qui venait de subir une agression par un individu portant un casque intégral, s'est emporté à l'arrivée des secouristes et a proféré à plusieurs reprises des injures à l'encontre du sapeur-pompier venu lui porter les premiers secours en des termes agressifs et vulgaires, et que si ce secouriste est resté en retrait par rapport à l'intéressé durant son transport à l'hôpital, M. B..., une fois sur place, s'est approché très près de lui, alors que ce dernier était sorti du camion pour fumer une cigarette, en lui déclarant " fais pas le malin, arrête de me regarder " puis " je vais te tuer, je vais te violer ", avant que deux autres membres de l'équipage du véhicule des secouristes ne l'emmènent à l'écart.

4. M. B... soutient que les décisions litigieuses autorisant son licenciement sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la matérialité des faits, dès lors qu'aucune preuve n'est rapportée de la véracité des dires du sapeur-pompier lui imputant des propos injurieux, qu'il produit de nombreux témoignages sur sa personnalité que le tribunal n'a pas pris en compte et qui attestent qu'il est calme et respectueux et, qu'enfin, le témoignage du sapeur-pompier, qui constitue l'unique fondement des accusations de son employeur, est entaché d'incohérences et n'est corroboré par aucune audition de personne présente sur les lieux.

5. Il ressort, en effet, de la décision de l'inspecteur du travail qu'elle se borne à indiquer que les faits reprochés à M. B... avaient pu être établis " lors de l'enquête administrative " et de la décision du ministre du travail que, si elle indique : " Il ressort de l'enquête, notamment de la convergence des déclarations et témoignages recueillis ", elle ne mentionne aucune déclaration ni témoignage autre que la plainte déposée le 2 janvier 2017 devant les services de police par le sapeur-pompier se disant victime des agissements de

M. B..., le seul récit des faits litigieux, émanant d'un témoin direct, le supérieur de

M. B..., M. A... venu sur les lieux de l'agression mais absent lors du transport et à l'arrivée à l'hôpital, ne permettant pas de corroborer la version du pompier s'agissant du second incident survenu à l'arrivée à l'hôpital. S'il ressort également des écritures du ministre et n'est pas sérieusement contesté, que les enregistrements de vidéosurveillance qui auraient pu corroborer les dires du sapeur-pompier s'agissant du premier incident survenu dans l'autobus, n'étaient pas exploitables, le ministre auquel incombe la charge de la preuve des agissements fautifs reprochés au salarié, ne donne aucune précision sur les éléments probants qu'il aurait réunis, alors qu'il ressort du rapport du DIRECCTE d'Ile-de-France établi le 19 juillet 2017 à la suite du recours hiérarchique de M. B... que son avis est rédigé en ces termes : " Des éléments requis lors de la contre-enquête, il ressort qu'un faisceau d'indices constitués des antécédents de l'intéressé et de la nature étrangère aux enjeux des relations sociales et professionnels de l'entreprise, de la mission pacifique et salvatrice du pompier, conduit à mettre plutôt en cause Monsieur dans l'altercation ". Toutefois, l'établissement de la matérialité de faits fautifs ne peut résulter ni de leur vraisemblance ou probabilité, nonobstant les antécédents disciplinaire d'un salarié, ni de ce que ce dernier ne rapporterait pas la preuve contraire. En l'espèce, ni l'administration ni l'employeur de M. B... n'ont réuni de témoignages de témoins directs des faits litigieux, passagers du bus, policiers venus sur les lieux ou collègues du sapeur-pompier, permettant de corroborer la version des faits présentée par ce dernier, notamment s'agissant du second incident survenu à l'arrivée à l'hôpital lors duquel les menaces susmentionnées ont été proférées. Si M. B... a reconnu lors de son audition du 4 janvier 2017 par les services de police qu'il avait " dû dire des choses qu'il ne fallait pas dire ", il a toujours contesté avoir insulté ou menacé le pompier, a indiqué ne plus se rappeler les faits à la suite du choc provoqué par l'agression dont il venait d'être victime et a refusé la composition pénale proposée par le procureur de la République de Meaux, sans que puisse lui être opposé, comme l'a fait le tribunal, la circonstance qu'il n'ait pas porté plainte contre le pompier pour dénonciation calomnieuse. Par suite, dès lors que l'exactitude matérielle des faits n'est pas établie, le doute doit, en application des dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail, bénéficier au salarié.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 mars 2017 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire et de la décision de la ministre du travail du 27 octobre 2017 rejetant son recours hiérarchique.

Sur les frais de l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les demandes des parties présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1710220 du 5 juillet 2021 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à la Société des transports du bassin chellois.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANILa République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04986
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : NMCG AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-18;21pa04986 ?
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