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18/10/2022 | FRANCE | N°21PA01108

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 18 octobre 2022, 21PA01108


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Agence française pour la transition énergétique (AFTE) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 mars 2019 par laquelle le directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations de la Mayenne a prononcé à son encontre une amende administrative d'un montant de 2 400 euros en application de l'article L. 522-1 du code de la consommation.

Par un jugement n° 1907923/2-1 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a reje

té la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 mars...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Agence française pour la transition énergétique (AFTE) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 mars 2019 par laquelle le directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations de la Mayenne a prononcé à son encontre une amende administrative d'un montant de 2 400 euros en application de l'article L. 522-1 du code de la consommation.

Par un jugement n° 1907923/2-1 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 mars 2021, la société AFTE, représentée par Me Aouizerate, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 11 mars 2019 en tant qu'elle sanctionne un défaut d'information quant au délai de rétractation et une clause présumée abusive ;

3°) de " faire preuve de clémence " en ce qui concerne les manquements liés au défaut de communication au consommateur des coordonnées du médiateur et au non-respect d'une injonction administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 11 mars 2019 est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 221-1 II et L. 221-18 du code de la consommation relatives au point de départ du délai de rétractation ; ce délai court à compter de la signature du contrat pour les prestations de service, et non à compter de la livraison ;

- la clause litigieuse de l'article 2 de son contrat ne peut être regardée comme abusive ;

- elle était dans l'impossibilité de mentionner dans ses contrats les coordonnées du médiateur dont chaque consommateur relevait ; la rédaction de l'article 14 desdits contrats ne prive pas les consommateurs de moyens de recours ; elle a rectifié la clause relative aux coordonnées du médiateur dans ses nouveaux contrats, ce qui doit susciter la clémence de la cour ;

- l'administration a inexactement qualifié les faits en retenant à son égard le non-respect d'une injonction administrative, dès lors qu'elle a activement collaboré avec celle-ci pour faire évoluer ses contrats.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction est intervenue le 18 avril 2022.

Vu :

- le code de la consommation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société AFTE exerce une activité de vente et d'installation de pompes à chaleur, chauffe-eaux, matériel d'isolation de l'habitat, panneaux photovoltaïques et systèmes aérovoltaïques. Elle a fait l'objet le 28 juillet 2018 d'un contrôle effectué par les services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la Mayenne. Un procès-verbal du 9 août 2018 lui a ensuite été communiqué, constatant des manquements au 6° de l'article L. 111-1, au 2° de l'article L. 221-5 et aux articles L. 212-1 et L. 521-1 du code de la consommation. Par courrier du 18 janvier 2019, la direction départementale de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations de la Mayenne a informé la société AFTE de son intention de lui infliger une sanction administrative d'un montant de 2 400 euros. La société AFTE a fait valoir ses observations par courriel du 15 février 2019. Par une décision du 11 mars 2019, le directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations de la Mayenne a infligé une amende de 2 400 euros à la société requérante pour défaut de communication au consommateur des coordonnées du médiateur, défaut d'information sur le délai de rétractation, présence dans son contrat d'une clause présumée abusive de manière irréfragable et non-respect d'une injonction administrative. La société AFTE relève appel du jugement du 30 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 mars 2020.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 221-5 du code de la consommation : " Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : / 1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ; / 2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ; (...) ". Aux termes de l'article L. 221-1 du même code : " (...) II - Les dispositions du présent titre s'appliquent aux contrats portant sur la vente d'un ou plusieurs biens, au sens de l'article 528 du code civil, et au contrat en vertu duquel le professionnel fournit ou s'engage à fournir un service au consommateur en contrepartie duquel le consommateur en paie ou s'engage à en payer le prix. Le contrat ayant pour objet à la fois la fourniture de prestation de services et la livraison de biens est assimilé à un contrat de vente. ". Enfin, aux termes de l'article L. 221-18 dudit code : " Le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25. Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour : / 1° De la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l'article L. 221-4 ; / 2° De la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat (...). ".

3. La société AFTE soutient qu'elle propose des contrats de prestation de service relevant du 1° de l'article L. 221-18 précité, et non des contrats de vente de biens relevant du 2° du même article, dès lors qu'elle ne se borne pas à livrer des biens mais fournit aussi diverses prestations. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ses contrats, ayant pour objet la vente de matériel et l'exécution de prestations de service, présentent un caractère mixte ; leur objet principal est la vente de biens dans la mesure notamment où le consommateur, s'il peut renoncer à une prestation d'installation accompagnant l'acquisition d'un matériel, ne peut en revanche solliciter de la société requérante une prestation de service portant sur un matériel acquis auprès d'une autre société. Ces contrats doivent donc être qualifiés, conformément au II de l'article L. 221-1 du code de la consommation, de contrats de vente par assimilation. Ainsi, en application des dispositions combinées des articles L. 221-1 et L. 221-18 2°, le point de départ du délai de rétractation dont bénéficient les consommateurs court à compter de la date de réception du bien, et non de la date de conclusion du contrat. Par suite, l'autorité administrative n'a pas commis d'erreur de droit en reprochant à la société AFTE d'avoir manqué à ses obligations en matière d'information du consommateur quant au délai de rétractation applicable.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code de la consommation : " Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. (...) le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. (...) ". Aux termes de l'article R. 212-1 de ce code : " Dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article L. 212-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : (...) 6° Supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations ; (...) ". Et aux termes de l'article L. 312-52 dudit code : " Le contrat de vente ou de prestation de services est résolu de plein droit, sans indemnité : / 1° Si le prêteur n'a pas, dans un délai de sept jours à compter de l'acceptation du contrat de crédit par l'emprunteur, informé le vendeur de l'attribution du crédit ; / 2° Ou si l'emprunteur a exercé son droit de rétractation dans le délai prévu à l'article L. 312-19. / Toutefois, lorsque l'emprunteur, par une demande expresse, sollicite la livraison ou la fourniture immédiate du bien ou de la prestation de services, l'exercice du droit de rétractation du contrat de crédit n'emporte résolution de plein droit du contrat de vente ou de prestation de services que s'il intervient dans un délai de trois jours à compter de l'acceptation du contrat de crédit par l'emprunteur. / Le contrat n'est pas résolu si, avant l'expiration des délais mentionnés au présent article, l'acquéreur paie comptant. ".

5. L'article 2 du contrat proposé par la société AFTE stipule : " La livraison des produits et matériels, dans la mise des stocks disponibles, est déterminée avec le distributeur qui fixe avec le client une date de distribution/installation respectant obligatoirement les dispositions du code de la consommation en matière de vente à domicile et dans la limita de quatre mois maximum à compter de la date de signature du présent contrat pour l'étude et l'acceptation du dossier de financement choisi par le client, le cas échéant. Le rejet du dossier de financement des produits et matériels entraînera la résolution du présent contrat. À expiration du délai maximum de 4 mois à compter de la signature du bon de commande, l'absence de livraison/installation vaudra notification implicite au client du rejet du dossier de financement des matériels vendus par le distributeur. La présente commande sera de pleins droits nuls d'effets et ne pourra servir de fondement à une quelconque obligation ou responsabilité à la charge de l'une ou l'autre des parties. (...) ". Contrairement à ce que soutient la société requérante, ces stipulations, lui réservant la possibilité d'annuler le contrat sans indemnité ni engagement de responsabilité dans le délai de quatre mois, qui excède le délai de refus de crédit mentionné par les dispositions précitées de l'article L. 312-52 du code de la consommation, créent un déséquilibre significatif à son profit et présentent ainsi un caractère abusif au sens de l'article L. 212-1 du même code. Dans ces conditions, le directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations de la Mayenne n'a pas commis d'erreur d'appréciation en lui infligeant une amende administrative sur ce fondement.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 111-1 6° du code de la consommation : " Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : / (...) 6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI. La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'État. (...) ". Aux termes de l'article R. 111-1 du même code : " Pour l'application des 4°, 5° et 6° de l'article L. 111-1, le professionnel communique au consommateur les informations suivantes : (...) 6° Les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétente dont il relève en application de l'article L. 616-1. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 616-1 dudit code : " Tout professionnel communique au consommateur, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État, les coordonnées du ou des médiateurs compétents dont il relève. (...). ". Enfin, aux termes de l'article R. 616-1 de ce code : " En application de l'article L. 616-1, le professionnel communique au consommateur les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation dont il relève, en inscrivant ces informations de manière visible et lisible sur son site internet, sur ses conditions générales de vente ou de service, sur ses bons de commande ou, en l'absence de tels supports, par tout autre moyen approprié. Il y mentionne également l'adresse du site internet du ou de ces médiateurs. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le contrat proposé par la société AFTE renvoie, en son article 14, au site internet du ministère de l'économie, invitant le consommateur à rechercher lui-même, le cas échéant, le médiateur de la consommation territorialement compétent " par secteur professionnel ". Ces stipulations, qui ne contiennent pas les coordonnées du ou des médiateurs dont relève la société requérante, méconnaissent les dispositions de l'article L. 616-1 du code de la consommation. L'autorité administrative était en conséquence bien fondée à infliger une amende à cette dernière pour manquement auxdites dispositions, la circonstance que ses nouveaux contrats ont été rectifiés après édiction de la sanction étant à cet égard sans incidence.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de la consommation : " Lorsque les agents habilités constatent un manquement ou une infraction avec les pouvoirs prévus au présent livre, ils peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à un professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable qu'ils fixent, de se conformer à ses obligations. ". Et aux termes de l'article L. 532-1 dudit code : " Le fait de ne pas déférer dans le délai imparti à une injonction relative aux infractions ou aux manquements constatés avec les pouvoirs mentionnés aux articles L. 511-5, L. 511-6 et L. 511-7, est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder : / 1° Pour une personne physique : 1 500 euros et pour une personne morale : 7 500 euros, lorsque l'infraction ou le manquement ayant justifié la mesure d'injonction est sanctionné par une amende au plus égale à celle prévue pour une contravention de la cinquième classe ou par une amende administrative dont le montant est au plus égal à 3 000 euros pour une personne physique et à 15 000 euros pour une personne morale ; / 2° Pour une personne physique : 3 000 euros et pour une personne morale : 15 000 euros, lorsque l'infraction ou le manquement ayant justifié la mesure d'injonction est sanctionné par une peine délictuelle ou une amende administrative dont le montant excède pour une personne physique 3 000 euros et 15 000 euros pour une personne morale. (...) ".

9. La société AFTE, se bornant à soutenir qu'elle a " activement collaboré " avec l'administration pour faire évoluer son contrat, et que " la qualification de non-respect d'une injonction administrative apparait disproportionnée sous prétexte d'un débat juridique complexe ", n'établit pas avoir déféré à l'injonction qui lui a été adressée par l'autorité administrative par courrier du 12 juin 2008, laquelle lui donnait un délai d'un mois pour se conformer aux prescriptions de l'article L. 616-1 précité du code de la consommation. La société requérante n'est donc pas fondée à demander l'annulation de la décision du 11 mars 2019 lui infligeant une amende administrative à ce titre.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société AFTE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société AFTE est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Agence française pour la transition énergétique (AFTE) et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

La rapporteure,

G. A...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

É. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01108


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01108
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : AOUIZERATE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-18;21pa01108 ?
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