Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement n°1909082/5-2 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de Mme C... B..., tendant à l'annulation des décisions implicites rejetant ses demandes des 18 décembre 2018 et 2 janvier 2019, et d'enjoindre à l'Etat de procéder à la régularisation de son compte épargne-temps et de l'informer du solde et des mouvements dudit compte au 31 décembre 2018.
Par un arrêt n°20PA02607 du 4 juin 2021, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 18 juin 2020, a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite en tant qu'elle refuse la communication à Mme B... du solde de son compte épargne-temps pour les années 2009 à 2018, a annulé la décision implicite rejetant la demande de monétisation des jours épargnés sur le compte épargne-temps, a enjoint à l'Etat de procéder à l'indemnisation des jours inscrits sur son compte épargne-temps excédant le seuil de 15 jours au 31 décembre 2018, sous déduction de ceux déjà indemnisés au titre de l'année 2017, dans un délai de trois mois à compter de la notification de cet arrêt, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par lettres enregistrées les 29 décembre 2021 et 25 février 2022, Mme C... B... a demandé à la Cour, en application des dispositions des articles L. 911-4 et R. 921-1 du code de justice administrative, d'assurer l'exécution de l'arrêt du 21 mai 2021.
Par une ordonnance en date du 20 avril 2022, la présidente de la Cour administrative d'appel de Paris a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.
Par des mémoires enregistrés le 18 mai 2022 et 25 septembre 2022, Mme C... B... demande à la Cour :
1°) d'enjoindre à l'Etat de procéder à l'indemnisation immédiate des jours inscrits sur le compte épargne-temps excédant le seuil de 15 jours au 31 décembre 2018, sous déduction de ceux déjà indemnisés au titre de l'année 2017, et sous astreinte immédiate et définitive de 100 euros par jour de retard de l'exécution ;
2°) d'enjoindre à l'Etat de lui verser les intérêts moratoires annualisés, dus au titre de l'article 1231-6 du code civil à compter de la demande de monétisation, soit le 2 janvier 2019, le taux d'intérêt étant défini à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de lui verser les intérêts à taux légal en application de l'article 1231-7 du code civil, qui s'appliquent de plein droit à compter de la lecture de l'arrêt, soit le 4 juin 2021, taux qui sera majoré de 5 points dès que l'arrêt est devenu exécutoire, soit deux mois après sa notification ;
4°) de prononcer une astreinte définitive de 100 euros par jour de retard à compter de la date du prononcé de la décision du juge de l'exécution ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le ministre, malgré une mise en demeure, n'a pas exécuté l'arrêt du 4 juin 2021, à l'exception du paiement, en novembre 2021, de la somme de 1 028 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un courrier du 17 août 2022, les parties ont été informées que la Cour était susceptible de relever d'office les moyens d'ordre public tirés de ce que, en premier lieu, le ministre de l'économie, des finances et de la relance ayant exécuté l'article 5 de l'arrêt 20PA02606 du 4 juin 2021 avant l'ouverture de la procédure juridictionnelle, les conclusions présentées par Mme B... tendant au versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 sont irrecevables ; en deuxième lieu, l'arrêt n°20PA02606 du 4 juin 2021 n'ayant prononcé aucune astreinte à l'encontre du ministre de l'économie, des finances et de la relance, les conclusions tendant au prononcé d'une astreinte au titre de l'exécution de l'arrêt sont irrecevables ; en troisième lieu, les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires annualisés dus au titre de l'article 1231-6 du code civil, à compter de la demande de monétisation le 2 janvier 2019, qui constituent un litige distinct dès lors que l'arrêt du 4 juin 2021 ne prévoit pas le versement d'intérêts, sont irrecevables.
Un mémoire en réponse aux moyens relevés d'office, présenté par Mme B..., a été enregistré le 7 septembre 2022.
Par un mémoire enregistré le 12 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, conclut au non-lieu à statuer sur la demande d'exécution et à l'irrecevabilité des conclusions présentées au titre L.761-1 du code de justice administrative, des conclusions tendant au prononcé d'une astreinte ainsi que les conclusions de Mme B... tendant au versement d'intérêts moratoires annualisés sur le fondement de l'article 1231-6 du code civil.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,
- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.
Mme B... a présenté une note en délibéré enregistrée le 30 septembre 2022.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ".
Sur le cadre du litige et les conclusions tendant au prononcé d'une astreinte :
2. Par son arrêt n°20PA02607 du 4 juin 2021, la Cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 18 juin 2020, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite en tant qu'elle refuse la communication à Mme B... du solde de son compte épargne-temps pour les années 2009 à 2018, annulé la décision implicite rejetant la demande de monétisation des jours épargnés sur le compte épargne-temps, et a enjoint à l'Etat de procéder à l'indemnisation des jours inscrits sur son compte épargne-temps excédant le seuil de 15 jours au 31 décembre 2018 sous déduction de ceux déjà indemnisés au titre de l'année 2017 dans un délai de trois mois à compter de la notification de cet arrêt, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
3. D'une part, l'Etat a procédé au paiement, en novembre 2021, de la somme de 1028 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en application de l'article 5 de l'arrêt n°20PA02606 du 4 juin 2021. D'autre part, par une attestation établie 9 septembre 2022, la secrétaire générale du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, informe la Cour que la somme correspondant à l'indemnisation des jours inscrits sur le compte épargne-temps de Mme B... excédant le seuil de 15 jours au 31 décembre 2018, soit 5 jours à 135 euros bruts la journée, ont été mises en paiement sur la paye du mois de septembre 2022, pour un montant total de 7 550 euros bruts au titre des années 2017 et 2018, avant déduction de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), et hors prélèvement à la source.
4. Il résulte de l'instruction, compte tenu des documents produits par l'administration le 12 septembre 2022, à savoir un état liquidatif intitulé " Indemnités Jours ARTT non pris " signé par le chef de service des ressources humaines, que l'arrêt n°20PA02607 du 4 juin 2021 doit être regardé comme entièrement exécuté. Par ailleurs, sauf erreur manifeste, le juge de l'exécution n'a pas à vérifier les calculs de la somme versée. Par suite, la demande tendant à ce que la Cour prescrive les mesures qu'implique l'exécution de son arrêt sous astreinte est devenue sans objet.
Sur les intérêts :
5. Aux termes de l'article 1231-6 du code civil : " Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. / Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. / Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire. ". Aux termes de l'article 1231-7 du même code : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. / En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa. ". Enfin, aux termes de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier : " En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. (...) Toutefois, le juge de l'exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant. ".
6. Il résulte de ces dispositions que, même en l'absence de demande en ce sens et même lorsque le juge ne l'a pas explicitement prévu, tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts, du jour de son prononcé jusqu'à son exécution, au taux légal puis au taux majoré, s'il n'est pas exécuté dans les deux mois de sa notification.
7. Ainsi, la somme allouée à Mme B... par l'arrêt n°20PA02607 du 4 juin 2021 au titre de l'indemnisation des jours inscrits sur son compte épargne-temps excédant le seuil de 15 jours au 31 décembre 2018, est productive d'intérêts au taux légal, dans les conditions fixées par les dispositions précitées de l'article 1231-7 du code civil, à compter de l'arrêt n°20PA02607 du 4 juin 2021, puis au taux majoré à l'expiration d'un délai de deux mois suivant sa notification au ministre de l'économie, des finances et de la relance, intervenue le 4 juin 2021.
8. En revanche, la demande présentée sur le fondement de l'article 1231-6 du code civil ne relève pas de l'exécution de l'arrêt n°20PA02607 du 4 juin 2021 et constitue dès lors un litige distinct. Par suite, les conclusions présentées sur le fondement de l'article 1231-6 du code civil sont irrecevables et doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, au titre de la présente instance, une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'exécution de l'arrêt n°20PA02606 du 4 juin 2021.
Article 2 : La somme due par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique à Mme B... en exécution de l'arrêt n°20PA02607 du 4 juin 2021, est assortie des intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 4 août 2021 et jusqu'à la liquidation de la somme due.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Briançon, présidente assesseure,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2022.
La rapporteure,
C. BRIANÇON
La présidente,
M. A...
La greffière,
V.BREMELa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA01884 2