Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement n°1908636/5-2 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme B... la somme correspondant à l'absence de rémunérations auxquelles elle avait droit au titre de la période du 1er mai 2015 au 5 septembre 2016, a renvoyé Mme B... devant le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette indemnité, a enjoint à l'Etat de régulariser sa situation au regard du régime de retraite et de procéder au versement des cotisations de retraite pour les périodes concernées et a rejeté le surplus de sa demande.
Par un arrêt n°20PA01769, 20PA02631 du 4 juin 2021, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance n°20PA01769 ainsi que ses conclusions présentées par la voie de l'appel incident sous le n°20PA02631, a condamné l'Etat à verser à Mme B... la somme correspondant pour l'année 2015 à la rémunération qu'elle aurait dû percevoir sur la base de 222 jours à plein traitement, y compris le supplément familial de traitement, l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et l'indemnité de technicité, et de 18 jours de services non faits, et pour l'année 2016, sur la base de 241 jours de plein traitement, y compris le supplément familial de traitement, l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et l'indemnité de technicité et 4 jours de service non fait, a renvoyé Mme B... devant le ministre de l'économie, des finances et de la relance pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité, a enjoint à l'Etat de régulariser la situation de Mme B... au regard du régime de retraite et de verser les cotisations de retraite patronales et salariales aux organismes concernés pour les périodes où une rémunération lui est due, dans un délai de trois mois à compter de la notification dudit arrêt, a rejeté le surplus des conclusions de la requête n°20PA02631 et les conclusions présentées par la voie de l'appel incident sous le n° 20PA01769 par Mme B..., et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par lettres enregistrées les 16 octobre 2020, 29 décembre 2021 et 25 février 2022, Mme B... a demandé à la Cour, en application des dispositions des articles L. 911-4 et R. 921-1 du code de justice administrative, d'assurer l'exécution de l'arrêt du 4 juin 2021.
Par une ordonnance en date du 20 avril 2022, la présidente de la Cour administrative d'appel de Paris a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.
Par des mémoires enregistrés le 19 mai 2022 et 25 septembre 2022, Mme C... B... demande à la Cour :
1°) d'enjoindre à l'Etat de procéder à l'indemnisation immédiate des traitements dus, sous astreinte immédiate et définitive de 150 euros par jour de retard dans l'exécution ;
2°) d'enjoindre à l'Etat de lui verser les intérêts moratoires annualisés dus au titre de l'article 1231-6 du code civil, à compter de la demande de monétisation, soit le 31 décembre 2018 ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de lui verser les intérêts à taux légal en application de l'article 1231-7 du code civil, qui s'appliquent de plein droit à compter de la lecture du jugement du tribunal, soit le 18 juin 2020 ;
4°) d'enjoindre à l'Etat de lui verser les intérêts à taux légal en application de l'article 1231-7 du code civil, qui s'appliquent de plein droit à compter de la lecture de l'arrêt de la Cour, soit le 4 juin 2021, majorée de 5 points à compter du deuxième mois et jusqu'à l'exécution définitive ;
5°) d'enjoindre à l'Etat de procéder à la régularisation immédiate de sa situation au regard des organismes de retraite, par le versement des cotisations salariales et patronales de base et complémentaires ;
6°) de prononcer une astreinte définitive de 100 euros par jour de retard à compter de la date du prononcé de la décision du juge de l'exécution ;
7°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral résultant de la résistance injustifiée de l'administration ;
8°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de la présente instance, une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le ministre, malgré une mise en demeure, n'a pas exécuté l'arrêt du 4 juin 2021, à l'exception du paiement, en novembre 2021, de la somme de 1 542 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un courrier du 2 septembre 2022 les parties ont été informées que la Cour était susceptible de relever d'office les moyens d'ordre public tirés de ce que, en premier lieu, le ministre de l'économie, des finances et de la relance ayant exécuté l'article 5 de l'arrêt n°20PA01769, 20PA02631 du 4 juin 2021 avant l'ouverture de la procédure juridictionnelle, les conclusions présentées par Mme B... tendant au versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 sont irrecevables ; en deuxième lieu, l'arrêt n°20PA01769, 20PA02631 du 4 juin 2021 n'ayant prononcé aucune astreinte à l'encontre du ministre de l'économie, des finances et de la relance, les conclusions tendant au prononcé d'une astreinte au titre de l'exécution de l'arrêt sont irrecevables ; en troisième lieu, les conclusions tendant au versement d'une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral résultant de la résistance injustifiée de l'administration qui constituent un litige distinct sont irrecevables.
Par un mémoire enregistré le 12 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, conclut au non-lieu à statuer sur la demande d'exécution et à l'irrecevabilité des conclusions présentées au titre de L.761-1 du code de justice administrative, des conclusions tendant au prononcé d'une astreinte, des conclusions de Mme B... tendant au versement d'intérêts moratoires annualisés sur le fondement de l'article 1231-6 du code civil ainsi que des conclusions indemnitaires de Mme B... tendant au versement d'une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral qu'elle estime avoir subi en raison de la "résistance injustifiée de l'administration" à exécuter les présentes décisions juridictionnelles, lesquelles relèvent d'un litige distinct.
Un mémoire en réponse aux moyens relevés d'office, présenté par Mme B..., a été enregistré le 14 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,
- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.
Mme B... a présenté deux notes en délibéré enregistrées le 30 septembre et le 3 octobre 2022.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ".
Sur le cadre du litige et les conclusions tendant au prononcé d'une astreinte :
2. Par son arrêt n°20PA01769, 20PA02631 du 4 juin 2021, dont Mme B... demande l'exécution en application de l'article L. 911-4 précité du code de justice administrative, la Cour a condamné l'Etat à verser à Mme B... la somme correspondant pour l'année 2015 à la rémunération qu'elle aurait dû percevoir sur la base de 222 jours à plein traitement, y compris le supplément familial de traitement, l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et l'indemnité de technicité, et de 18 jours de services non faits, et pour l'année 2016, sur la base de 241 jours de plein traitement, y compris le supplément familial de traitement, l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et l'indemnité de technicité et 4 jours de service non fait. La Cour a jugé que ces sommes porteront intérêt à taux légal à compter du 31 décembre 2018 et que les intérêts échus à la date du 31 décembre 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes des intérêts Elle a renvoyé Mme B... devant le ministre de l'économie, des finances et de la relance pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité, a enjoint à l'Etat de régulariser la situation de Mme B... au regard du régime de retraite et de verser les cotisations de retraite patronales et salariales aux organismes concernés pour les périodes où une rémunération lui est due, dans un délai de trois mois à compter de la notification de sa décision et, enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
3. D'une part, il résulte de l'instruction que l'Etat a procédé au paiement, en novembre 2021, de la somme de 1 542 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en application de l'article 5 de l'arrêt n°20PA01769, 20PA02631 du 4 juin 2021. D'autre part, par une attestation établie le 9 septembre 2022, la secrétaire générale du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, informe la Cour que la somme correspondant à la rémunération que Mme B... aurait dû percevoir pour l'année 2015 sur la base de 222 jours à plein traitement, y compris le supplément familial de traitement (SFT), l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) et l'indemnité mensuelle de technicité (IMT), et de 18 jours de services non faits, et pour l'année 2016, sur la base de 241 jours à plein traitement, y compris le SFT, l'IFSE et l'IMT, et de 4 jours de service non fait, soit un montant total de 71 765,77 euros bruts, sera mise en paiement avant la fin de l'année 2022, ainsi que les intérêts au taux légal et que la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) aux taux en vigueur à la date du versement de l'indemnité, ainsi que la cotisation de retraite additionnelle seront déduites de cette somme. Par ailleurs, afin de régulariser la situation de Mme B... au regard de ses droits à retraite, seront également déduites les cotisations de pension civile dues par l'intéressée pour les mêmes périodes, soit 2 559,47 euros au titre de 2015 (taux 9,54%) et 2 899,57 euros au titre de 2016 (taux 9,94%), ainsi que la cotisation de pension civile sur l'IMT, soit 184,95 euros pour l'ensemble de la période. Il est également précisé que la somme allouée portera intérêt au taux légal à compter du 31 décembre 2018 et que ces intérêts seront capitalisés.
4. Sauf erreur manifeste, le juge de l'exécution n'a pas à vérifier les calculs de la somme versée. En l'espèce, il en résulte que sous réserve que le calcul effectué par l'administration corresponde pour l'année 2016 au paiement de 4 jours de service non faits et non 3 comme indiqué dans la fiche de calcul produite par l'administration et que les taux appliqués pour la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) correspondent aux taux en vigueur en 2015 et 2016 et non le taux en vigueur à la date de versement comme indiqué dans l'attestation établie le 9 septembre 2022, l'arrêt n°20PA01769, 20PA02631 du 4 juin 2021 doit être regardé comme entièrement exécuté. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que le calcul de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) ne correspondrait pas à sa situation. Enfin, il ne résulte pas davantage de l'instruction que le versement des cotisations salariales et patronales au régime de retraite ne serait pas régularisé.
5. Il résulte de ce qui précède que la demande tendant à ce que la Cour prescrive les mesures qu'implique l'exécution de son arrêt sous astreinte est devenue sans objet.
Sur les intérêts :
6. Aux termes de l'article 1231-7 du code civil : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. / En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa. ". Et aux termes de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier : " En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. (...) Toutefois, le juge de l'exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant. ".
7. Il résulte de ces dispositions que, même en l'absence de demande en ce sens et même lorsque le juge ne l'a pas explicitement prévu, toute décision prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts, du jour de son prononcé jusqu'à son exécution, au taux légal puis au taux majoré, s'il n'est pas exécuté dans les deux mois de sa notification.
8. Si comme il a été rappelé au point 4, la somme allouée à Mme B... porte intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2018 capitalisés à chaque échéance annuelle, ce taux doit être majoré, en vertu de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, à compter de l'expiration d'un délai de deux mois suivant la notification au ministre de l'économie, des finances et de la relance, du jugement n°1908636/5-2 du 18 juin 2020.
Sur les conclusions relatives au préjudice moral :
9. Si Mme B... demande une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral, elle n'apporte aucun élément pour justifier sa demande. Dès lors, sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, les conclusions indemnitaires de Mme B... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, au titre de la présente instance, une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'exécution de l'arrêt n°20PA01769, 20PA02631 du 4 juin 2021.
Article 2 : La somme due par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique à Mme B... portera intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2018 capitalisés à chaque échéance annuelle, ce taux doit être majoré de cinq points, en vertu de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, à compter de l'expiration d'un délai de deux mois suivant la notification au ministre de l'économie, des finances et de la relance, du jugement n°1908636/5-2 du 18 juin 2020 et jusqu'à la liquidation de la somme due.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Briançon, présidente assesseure,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2022.
La rapporteure,
C. BRIANÇON
La présidente,
M. A...
La greffière,
V. BREMELa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA01882 2