Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Transport tertiaire industrie a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner le centre hospitalier intercommunal de Créteil à lui verser les sommes de 32 596,02 euros TTC au titre du solde de son marché et de 39 488,86 euros TTC au titre de la prolongation des travaux. Le centre hospitalier intercommunal de Créteil a présenté, en défense, des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la société à lui verser une somme de 222 815 euros au titre des préjudices induits par la faute commise au cours de l'exécution des travaux.
Par un jugement n° 1704160 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Melun a fixé le solde du marché à la somme négative de 334 441,43 euros TTC et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 septembre 2020 et 28 avril et 22 mai 2022, la société Transport tertiaire industrie, représentée par la SCP Billebeau-Marinacce, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun ;
2°) de condamner le centre hospitalier intercommunal de Créteil à lui verser les sommes de 32 596,02 euros TTC au titre du solde de son marché et de 39 488,86 euros TTC au titre de la prolongation des travaux, assorties des intérêts moratoires à compter du 14 avril 2017 et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Créteil une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a été rendu en méconnaissance des droits de la défense, du droit à un procès équitable et du principe du contradictoire ;
- il est également irrégulier en ce qu'il a statué ultra petita en intégrant dans le décompte général les pénalités de retard alors qu'elles n'étaient pas demandées par le centre hospitalier intercommunal de Créteil ;
- le projet de décompte général du 14 avril 2017 est devenu définitif en application de l'article 13.4.4 du CCAG-Travaux, ce qui implique que le centre hospitalier intercommunal de Créteil soit condamné à lui verser les sommes figurant dans ce décompte ;
- les travaux n'ont pas subi de retard ;
- le solde du marché s'établit au montant de 72 084,88 euros TTC ;
- les conclusions d'appel incident du centre hospitalier intercommunal de Créteil sont irrecevables du fait du caractère définitif du décompte général du 14 avril 2017 et de son intangibilité ;
- elles sont également irrecevables du fait de la réception sans réserve des travaux ;
- elles ne sont pas fondées.
Par des mémoires enregistrés les 30 septembre 2021 et 23 mai 2022, le centre hospitalier intercommunal de Créteil, représenté par Me Entremont, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- d'annuler l'article 2 du jugement n° 1704160 du 15 juillet 2020 en tant qu'il rejette ses conclusions reconventionnelles aux fins de condamnation ;
- de condamner la société Transport tertiaire industrie à lui verser la somme de 222 815 euros au titre du préjudice qu'il a subi du fait de la faute commise par l'intéressée dans l'exécution des travaux ;
3°) de mettre à la charge de la société Transport tertiaire industrie une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le jugement attaqué n'a pas porté atteinte au droit à un procès équitable et aux droits de la défense de la requérante ;
- le moyen tiré de la naissance d'un décompte général définitif tacite est irrecevable en ce qu'il repose sur une cause juridique distincte des moyens soulevés en première instance ;
- il est en tout état de cause infondé ;
- le montant de 291 000 euros retenu par le jugement au titre des pénalités de retard est justifié ;
- sa demande reconventionnelle est fondée compte tenu de la faute commise par la société Transport tertiaire industrie dans l'exécution des travaux et aux préjudices matériel et immatériel qu'il a subis à hauteur respectivement de 56 776 euros et 166 039 euros, correspondant au remplacement d'équipements et à la perte de patients.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des marchés publics ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Billebeau, représentant la société Transport tertiaire industrie, et de Me Entremont, représentant le centre hospitalier intercommunal de Créteil.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 16 mars 2015, le centre hospitalier intercommunal de Créteil a confié à la société Transport tertiaire industrie un marché de travaux pour la réhabilitation d'un poste de livraison. Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 24 août 2016. La société a adressé son projet de décompte final au centre hospitalier le 18 juillet 2016. Le maître d'œuvre lui a transmis le décompte général le 27 octobre 2016, faisant apparaître un solde négatif de 347 039,92 euros TTC. La société a formé une réclamation contre ce décompte le 25 novembre 2016 qui a été implicitement rejetée. Elle a adressé, le 14 avril 2017, un projet de décompte général signé au centre hospitalier intercommunal de Créteil et a saisi le tribunal administratif de Melun afin qu'il condamne celui-ci à lui verser la somme totale de 72 084,88 euros TTC au titre des travaux non payés et du coût de la prolongation des travaux. Le centre hospitalier intercommunal de Créteil a présenté, en défense, des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la société à lui verser une somme de 222 815 euros au titre des préjudices liés à la faute commise par la société au cours de l'exécution des travaux. Par un jugement du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Melun a fixé le solde du marché à la somme négative de 334 441,43 euros TTC et a rejeté le surplus des conclusions des parties. La société Transport tertiaire industrie relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif : " II. ' Les mesures de clôture d'instruction dont le terme vient à échéance au cours de la période définie à l'article 2 sont prorogées de plein droit jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la fin de cette période, à moins que ce terme ne soit reporté par le juge. / Toutefois, le juge peut, lorsque l'urgence ou l'état de l'affaire le justifie, fixer une date de clôture d'instruction antérieure à la date résultant du report prévu à l'alinéa précédent. Son ordonnance mentionne alors que celui-ci ne s'applique pas à la date ainsi fixée ". La période définie à l'article 2 de l'ordonnance était, à la date à laquelle a été décidée la clôture d'instruction en cause, du 12 mars 2020 au 24 mai 2020. Le tribunal administratif de Melun a fixé, le 5 mai 2020, la clôture d'instruction au 5 juin 2020. Cette clôture, qui intervenait postérieurement au 24 mai 2020, n'était pas prorogée de plein droit. Dès lors, la société Transport tertiaire industrie n'est pas fondée à soutenir qu'elle est intervenue en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020.
3. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que le délai d'un mois dont a disposé la société Transport tertiaire industrie pour répondre au premier mémoire en défense du centre hospitalier était insuffisant compte tenu, d'une part, du contenu de ce mémoire, d'autre part, de ce que la société n'apporte aucun élément de nature à révéler qu'elle était, du fait, en particulier, de la situation sanitaire, dans l'incapacité de répliquer avant la clôture de l'instruction. Elle n'a d'ailleurs sollicité aucun délai supplémentaire au tribunal.
4. Enfin, lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'un mémoire émanant d'une partie, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte - après l'avoir visé et, cette fois, analysé - il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. En l'espèce, le mémoire produit par la société Transport tertiaire industrie le 22 juin 2020, postérieurement à la clôture de l'instruction, ne comporte aucune circonstance de droit ou de fait dont la société n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du contradictoire et des droits de la défense doit être écarté, de même que celui tiré de la violation du droit à un procès équitable, à le supposer opérant.
6. En second lieu, il est constant que la société Transport tertiaire industrie a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier intercommunal de Créteil à lui verser le solde du marché, ce qui impliquait qu'il se prononçât sur le montant des pénalités de retard dues par la société. La société lui a d'ailleurs expressément demandé de juger que les pénalités appliquées dans le décompte n'étaient pas justifiées. Dès lors, le tribunal, en se bornant à intégrer les pénalités dans le solde du marché, sans condamner la société Transport tertiaire industrie à les verser au centre hospitalier intercommunal de Créteil, qui n'avait pas formé de demande en ce sens, n'a pas statué au-delà des prétentions des parties. Ce moyen doit, par suite, être écarté.
Sur le décompte général :
En ce qui concerne le caractère définitif du décompte général signé par la société Transport tertiaire industrie :
7. Aux termes de l'article 13.4. du cahier des clauses administratives générales (CCAG) - Travaux issu de l'arrêté du 3 mars 2014, applicable au marché : " 13.4.2. (...) Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après : / - trente jours à compter de la réception par le maître d'œuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ; / - trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire (...) / 13.4.3. Dans un délai de trente jours compté à partir de la date à laquelle ce décompte général lui a été notifié, le titulaire envoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, ce décompte revêtu de sa signature, avec ou sans réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer (...). Ce désaccord est réglé dans les conditions mentionnées à l'article 50 du présent CCAG (...). 13.4.4. Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2, le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, un projet de décompte général signé (...) / Si, dans ce délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif. Le délai de paiement du solde, hors révisions de prix définitives, court à compter du lendemain de l'expiration de ce délai. / Le décompte général et définitif lie définitivement les parties (...) ". Aux termes de l'article 50.1. du même CCAG : " 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation (...) / Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général (...) / 50.1.2. Après avis du maître d'œuvre, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire sa décision motivée dans un délai de trente jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation. / 50.1.3. L'absence de notification d'une décision dans ce délai équivaut à un rejet de la demande du titulaire ".
8. Il n'est pas contesté par le centre hospitalier intercommunal de Créteil que le signataire, pour le maître d'ouvrage, du décompte général adressé le 27 octobre 2016 à la société Transport tertiaire industrie ne disposait pas de délégation de signature pour ce faire. Ce décompte général a, en outre, été adressé à la société Transport tertiaire industrie par le maître d'œuvre. Dans ces conditions, le document adressé au titulaire du marché n'avait pas le caractère d'un décompte général validé par le pouvoir adjudicateur. Toutefois, la société Transport tertiaire industrie a décidé, le 25 novembre 2016, de former une réclamation auprès du centre hospitalier contre le décompte qui lui a été adressé le 27 octobre 2016. Elle s'est, au vu des termes de sa réclamation, estimée saisie d'un décompte général par le maître de l'ouvrage. Faute de réponse dans le délai de trente jours prévu par les stipulations de l'article 50.1.2 du CCAG et en l'absence de remise en cause du décompte général notifié à la société Transport tertiaire industrie par le maître d'œuvre, le centre hospitalier intercommunal de Créteil a implicitement rejeté la réclamation de la société Transport tertiaire industrie et s'est ainsi approprié ce décompte général. Dès lors que les deux parties ont ainsi choisi d'emprunter la procédure de la réclamation préalable, la procédure prévue par l'article 13.4.4 du CCAG ne pouvait plus être mise en œuvre par la société Transport tertiaire industrie. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier intercommunal en défense, que le décompte général que la société appelante a adressé au centre hospitalier intercommunal de Créteil le 14 avril 2017 n'est pas devenu définitif, faute de réponse du pouvoir adjudicateur dans le délai de dix jours prévu par les stipulations de l'article 13.4.4. du CCAG
En ce qui concerne le solde du marché :
S'agissant du montant du décompte général :
9. En premier lieu, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.
10. Il résulte de l'instruction que les travaux ont été interrompus à la demande du centre hospitalier intercommunal de Créteil du fait de problèmes de mise en service par ERDF du nouveau tableau " Poste de livraison ". Si la société Transport tertiaire industrie demande à être indemnisée au titre de cette interruption, elle ne fait état d'aucune faute de la part du maître de l'ouvrage ni ne précise en quoi cette interruption aurait eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat. Au demeurant, le montant de la somme qu'elle demande à ce titre, soit 39 488,86 euros HT, rapporté au montant initial du marché de 1 080 000 euros HT, et de 1 099 759,77 euros après avenant, ne peut être regardé comme révélant un tel bouleversement. Dans ces conditions, la société appelante n'a pas droit au paiement de cette somme.
11. En second lieu, le centre hospitalier intercommunal de Créteil ne peut se prévaloir des stipulations de l'article 50.3.1 du CCAG - Travaux dès lors qu'il ne conteste pas que le signataire du décompte général en son nom n'avait pas compétence pour ce faire. La société Transport tertiaire industrie n'apporte toutefois aucun élément de nature à justifier le montant de 32 596,02 euros TTC qu'elle réclame au titre de travaux non payés au-delà du montant de 30 658,47 euros retenu par le centre hospitalier intercommunal de Créteil.
S'agissant des pénalités de retard :
12. Le cahier des clauses administratives particulières du marché en litige prévoit un délai d'exécution de 36 semaines à partir de l'émission de l'ordre de service de préparation des travaux et fixe à 3 000 euros par jour de retard le montant des pénalités. Il résulte de l'instruction que les travaux, dont le commencement a été prescrit au 16 mars 2015, devaient être achevés le 22 novembre 2015 à minuit. Si la société requérante soutient qu'ils ont été achevés le 30 juin 2016, il résulte tant du courrier qu'elle a adressé le 29 juin 2016 au centre hospitalier intercommunal de Créteil que du planning prévisionnel mis en annexe de sa réclamation que les travaux ont été achevés le 18 juillet 2016, comme l'a retenu le maître d'ouvrage, soit avec 238 jours de retard. Il convient toutefois de déduire de ce nombre les deux périodes d'interruption des travaux à la demande du centre hospitalier intercommunal de Créteil. A cet égard, la première période d'interruption de 81 jours, du 9 juillet au 28 septembre 2015, n'est contestée par aucune des parties. S'agissant de la seconde période, si la société requérante soutient que les travaux ont été interrompus à compter 23 février 2016, il résulte de l'instruction qu'à compter de cette date, seuls les travaux indissociables de la phase d'installation de la centrale groupes électrogènes ont été suspendus, la société n'apportant aucune précision quant à l'éventuelle incidence de cette suspension sur son planning. Il résulte par ailleurs du courriel adressé le 13 mai 2016 par le centre hospitalier intercommunal de Créteil à la société que les travaux ont pu reprendre le 18 mai 2016. Dès lors, la seconde période court du 18 mars au 18 mai 2016 et justifie un retard de 61 jours. Dans ces conditions, le centre hospitalier intercommunal de Créteil est fondé à infliger à la société Transport tertiaire industrie des pénalités à hauteur de 288 000 euros correspondant à 96 jours de retard.
S'agissant de l'indemnisation de la faute imputable à la société Transport tertiaire industrie dans l'exécution du contrat :
13. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. La réception ne met toutefois fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure et demeure ainsi, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l'établissement du solde du décompte définitif. Seule l'intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d'interdire au maître de l'ouvrage toute réclamation à cet égard. Dans ces conditions, la société Transport tertiaire industrie n'est pas fondée à soutenir que la réception sans réserve des travaux, le 24 août 2016, fait obstacle à ce que le centre hospitalier intercommunal de Créteil demande à être indemnisé au titre du préjudice qu'il dit avoir subi du fait de la faute qu'elle a commise dans l'exécution du marché en endommageant une canalisation électrique haute tension, le 9 juillet 2015.
14. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction que l'assureur du centre hospitalier intercommunal de Créteil a accepté de prendre en charge une somme de 32 044 euros au titre du remplacement d'équipements induit par l'endommagement de la canalisation. Le centre hospitalier, qui soutient avoir subi à ce titre un préjudice d'un montant total de 88 820,52 euros dont la société Transport tertiaire industrie lui est redevable à hauteur de 56 776 euros, n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité et le montant de ce préjudice supplémentaire. D'autre part, si l'expert qui a été désigné au titre de ce litige a évalué la perte de chiffre d'affaires, liée à la réorientation vers d'autres centres hospitaliers de plusieurs patients s'étant présentés au service des urgences, à 37 hospitalisations et 169 consultations, son calcul, dont les dates sont d'ailleurs inversées, est insuffisamment documenté, se fondant uniquement sur une comparaison entre " juillet 2014 " et " juillet 2015 " et ne précisant pas même la période exacte retenue alors que l'incident s'est produit le 9 juillet 2015. Le centre hospitalier intercommunal de Créteil indique, quant à lui, en contradiction avec le rapport d'expertise, avoir été contraint de refuser de nombreux patients dans son service des urgences pendant près de trois mois, sans apporter le moindre élément au soutien de ses allégations. Dans ces conditions, le préjudice immatériel dont il se prévaut n'est pas établi. Par suite, il n'est pas fondé à demander à être indemnisé à ce titre.
15. Il résulte de ce qui précède que, déduction faite de la somme de 288 000 euros au titre des pénalités de retard et de la somme de 11 698,39 euros de retenues qui ne sont pas débattues, le montant du décompte général s'établit à 1 014 934,24 euros TTC (1 314 632,63 - 299 698,39). Compte tenu des paiements déjà effectués à hauteur de 1 283 974,16 euros TTC par le centre hospitalier intercommunal de Créteil, le solde du marché s'établit au montant négatif de 269 039,92 euros TTC. Dès lors, la société Transport tertiaire industrie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les frais du litige :
16. Dans les circonstances de l'espèce, les conclusions de la société Transport tertiaire industrie et du centre hospitalier intercommunal de Créteil présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Transport tertiaire industrie est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier intercommunal de Créteil sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Transport tertiaire industrie et au centre hospitalier intercommunal de Créteil.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Heers, présidente,
Mme Briançon, présidente-assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2022.
La rapporteure,
M. B...
La présidente,
M. A...
La greffière,
V. BREME
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02709