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30/09/2022 | FRANCE | N°22PA01101

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 septembre 2022, 22PA01101


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... K... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 29 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2104070 du 7 février 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le

8 mars 2022, M. K..., représenté par Me Odin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... K... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 29 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2104070 du 7 février 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2022, M. K..., représenté par Me Odin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié ", ou, à défaut, mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours suivant la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de sept jours suivant la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler durant cet examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus de délai de départ volontaire n'est pas justifiée ;

- la décision fixant le pays de destination a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai sur laquelle est fondée ;

- l'interdiction de retour a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,

- et les observations de Me Zanjantchi, représentant M. K....

Considérant ce qui suit :

1. M. K..., ressortissant ivoirien, né le 3 mars 1978, est entré en France en 2017, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée le 19 mars 2018 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 23 mai 2019. Par un jugement du 7 février 2022, dont le requérant demande l'annulation, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé à l'expiration de ce délai.

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

2. Le requérant reprend en appel le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées. L'arrêté attaqué vise l'arrêté habilitant Mme H... F..., attachée d'administration de l'Etat, à signer les décisions litigieuses en cas d'absence de

Mme I... G..., directrice des étrangers et des naturalisations et de M. D... J..., attaché d'administration de l'Etat. Contrairement à ce que soutient le requérant, il n'appartient pas au préfet de prouver que les délégataires de sa signature étaient absents ou empêchés alors que cet élément ne ressort d'aucune des pièces du dossier, s'agissant d'un acte pris dans le domaine de la police des étrangers et compte tenu de la nécessaire répartition de l'examen des dossiers relevant de cette matière entre les différents bureaux de la sous-direction de l'administration des étrangers. Par d'ailleurs, l'arrêté de délégation de signature n'a pas à être communiqué dès lors qu'il s'agit d'un acte règlementaire, publié dans un recueil librement accessible et disponible en ligne. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions litigieuses seraient entachées d'un vice d'incompétence ne peut qu'être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indique que l'intéressé, dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et par la CNDA, se maintient irrégulièrement sur le territoire français. Dans ces conditions, l'acte attaqué énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est suffisamment motivé. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit, par suite, être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

5. D'une part, si M. K... soutient qu'il vit avec une compatriote, Mme A... B... et leur fille, née le 10 juillet 2019, et scolarisée en France, toutefois, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine. D'autre part, si l'intéressé se prévaut de deux contrats de travail à durée indéterminée en qualité de mécanicien depuis le 25 novembre 2019, et de sa volonté de rester sur le territoire français, cette circonstance, alors même qu'il déclare ne pas avoir été en mesure de déposer une demande de régularisation, ne suffit pas à établir que le centre de ses intérêts personnels et familiaux se situe en France. Enfin, l'intéressé n'établit pas être dépourvu de toute attache privée et familiale dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-neuf ans. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur le refus de délai de départ volontaire :

6. Aux termes de l'article L. 511-1 devenu L. 612-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. ' L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2. ".

7. Pour refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire à M. K..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est notamment fondé sur la circonstance que l'intéressé, qui ne justifiait pas être entré régulièrement sur le territoire français et n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes. S'il ressort des pièces du dossier que le requérant a sollicité l'asile après être entré en France et qu'il dispose d'un lieu de résidence stable, le passeport qu'il produit dans le cadre de la présente instance fait état d'une date de délivrance le 6 septembre 2021, soit postérieurement à la date de l'arrêté contesté. Ainsi, M. K... entre dans les cas visés par les dispositions du 3° f) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision fixant le pays de destination :

8. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai ne peut être accueilli.

Sur l'interdiction de retour :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre l'interdiction de retour doit, en conséquence, être écarté.

10. En second lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans ses dispositions alors applicables : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...)/ La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

11. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour fixer la durée de l'interdiction de retour d'une durée maximale de trois ans qu'elle prononce, sauf circonstances humanitaires, à l'encontre de l'étranger obligé de quitter le territoire français sans délai, tenir compte des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour.

12. M. K..., qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Dans ces conditions, compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 et 7, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. K... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. K... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... K... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera délivrée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 septembre 2022.

La rapporteure,

C.BRIANÇONLa présidente,

M. C...

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA01101 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01101
Date de la décision : 30/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : FILIOR

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-09-30;22pa01101 ?
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