Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 mars 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2106261/2-3 du 25 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 23 décembre 2021 et le 28 janvier 2022, M. D... A..., représenté par Me Calvo Pardo, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure dès lors que la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été saisie ;
- il justifie de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur ;
- l'arrêté viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né le 6 juillet 1990, entré en France en 2008 selon ses déclarations, a bénéficié de titres de séjour en qualité d'étudiant entre 2008 et 2012, puis en qualité de salarié entre le 29 juillet 2013 et le 21 septembre 2017. Il a ensuite été placé sous récépissé de demande de carte de séjour, en dernier lieu jusqu'au 28 avril 2019. Par décision du 27 février 2019, le préfet de police a rejeté la demande de M. A... de délivrance d'une carte de séjour " entrepreneur/profession libérale ". Par jugement du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cette décision. M. A... a ensuite sollicité, le 28 décembre 2020, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 mars 2021, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 25 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur et désormais codifié à l'article L. 435-1 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
3. D'une part, il résulte des dispositions combinées des articles L. 312-1 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, que le préfet de police, saisi d'une demande tendant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, est tenu, lorsque le demandeur justifie d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, de saisir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur cette demande.
4. M. A... soutient qu'il résidait en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige. Il résulte toutefois des pièces produites par lui que, en premier lieu, il ne justifie pas avoir résidé en France de manière habituelle au cours de l'année 2012, l'attestation du ministre de l'intérieur faisant état de la remise d'un titre de séjour le 15 mai 2012 et le récépissé de déclaration de perte ou de vol de pièce d'identité du 22 septembre 2012 étant à eux seuls insuffisants à le démontrer. En second lieu, et alors que le préfet de police conteste la présence habituelle du requérant au titre des années 2019 et 2020, il résulte des pièces produites par lui pour 2019 qu'elles sont constituées essentiellement, excepté le récépissé de demande de titre de séjour du 29 janvier 2019, une lettre de la chambre des métiers et de l'artisanat du 29 mai 2019 qui ne démontre pas sa présence à cette date sur le territoire et une facture d'honoraires médicaux du 12 décembre 2019, de relevés de comptes bancaires qui ne font état, au débit du compte, d'aucun achat ni d'aucun retrait d'argent mais seulement uniquement, hormis trois chèques émis par M. A... pour l'ensemble de l'année, de prélèvements automatiques ou de virements permanents au bénéfice de divers créanciers, dont la mise en œuvre n'implique pas la présence de l'intéressé sur le territoire. L'avis de situation déclarative 2020 de l'intéressé ne fait en outre apparaître aucun revenu au titre de l'année 2019. S'agissant de l'année 2020, excepté un courrier de la préfecture de police du 23 novembre 2020, une facture d'ostéopathe du 19 juin 2020 et un listing d'actes médicaux du 24 mars 2021 faisant état de soins dentaires réalisés les 10 juin et 10 septembre 2020 sans comporter de signature ni de tampon du praticien, M. A... produit également uniquement des relevés de comptes bancaires qui ne font état, au débit du compte, d'aucun achat ni d'aucun retrait d'argent mais seulement uniquement de prélèvements automatiques ou de virements permanents ne démontrant pas davantage sa présence sur le territoire. Dans ces conditions, la présence habituelle de M. A... au titre des années 2019 et 2020 ne peut être regardée comme établie. Par suite, ce dernier ne justifie pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée. Dès lors, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur la demande de M. A.... Le moyen tiré d'un vice de procédure doit, en conséquence, être écarté.
5. D'autre part, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 435-1, permet la délivrance de deux titres de séjour de nature différente que sont, d'une part, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, d'autre part, la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 du même code, désormais codifié à l'article L. 421-1. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
6. M. A... fait valoir qu'il réside en France de manière continue depuis au moins 2008, qu'il a occupé un emploi de commercial de 2014 à 2017 et qu'il dispose en France d'attaches privées et familiales intenses. Toutefois, d'une part et ainsi qu'il a été dit au point 4, M. A... ne justifie pas d'une résidence habituelle sur le territoire depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige, notamment au titre des années 2012, 2019 et 2020. D'autre part, s'agissant de la vie familiale du requérant, s'il est constant que la mère de l'intéressé et deux de ses sœurs résident en France de manière régulière, il n'établit pas l'intensité de sa relation avec ces dernières, alors en outre qu'il ne réside pas avec elles mais est hébergé chez un oncle. Quatre des frères et sœurs de M. A... résident au demeurant hors de France, ainsi qu'il résulte de ses déclarations dans sa feuille de mise en salle en date du 28 décembre 2020. L'intéressé est de plus célibataire sans charges de famille en France et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside notamment un de ses frères et où il a vécu au moins jusque l'âge de 18 ans. Enfin, le requérant ne justifie pas d'une insertion professionnelle à la date de la décision attaquée, n'établissant pas de revenus provenant d'une activité professionnelle depuis 2017. Il résulte de ce qui précède qu'il ne justifie pas de l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de ces dispositions.
7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 et 6, M. A... n'établit pas que l'arrêté attaqué aurait porté à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté ainsi que celui, pour les mêmes motifs, tiré de l'erreur manifestation d'appréciation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Briançon, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2022.
Le rapporteur,
P. C...
La présidente,
M. B...
La greffière,
O. BADOUX-GRARE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA06595 2