Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 6 janvier 2016 A... laquelle le maire de Thorigny-sur-Marne a refusé de leur restituer une parcelle de 74 m² dont ils se disent dépossédés du fait d'une emprise irrégulière sur leur parcelle et d'enjoindre à la commune de remettre en état la parcelle.
A... un jugement n° 1601718 du 5 octobre 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
A... une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 22 novembre 2018 et 24 juillet 2019, M. et Mme C..., représentés A... Me Bidault, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1601718 du 5 octobre 2018 ;
2°) au cas où elle jugerait que le courrier du 25 juillet 2005 serait un acte de cession, de surseoir à statuer et de saisir le juge judiciaire d'une question préjudicielle sur la validité de cet acte ;
3°) d'annuler la décision du 6 janvier 2016 A... laquelle la commune de Thorigny-sur-Marne a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit procédé à la démolition et au déplacement de l'ensemble des ouvrages construits sur leur propriété, à la reconstruction à l'identique de la clôture implantée en limite de parcelle à son emplacement initial et à la restitution, après remise en son état initial, de la parcelle ;
4°) d'enjoindre à la commune de Thorigny-sur-Marne, sous astreinte de 800 euros A... jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, de procéder à la démolition ou, le cas échéant, au déplacement du mobilier urbain implanté sur la parcelle et à la reconstruction à l'identique de la clôture en limite de la parcelle ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Thorigny-sur-Marne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- il n'y a eu aucun transfert de propriété de la parcelle en litige dès lors que :
. la mise en alignement de la rue du Maréchal Joffre A... la délibération du 23 juin 2004 ne peut justifier l'emprise de 75 mètres carrés réalisée ;
. le courrier du 25 juillet 2005 ne peut être interprété comme un consentement de leur part du fait de son contenu et des conditions dans lesquelles il a été signé ;
. en l'absence de délibération du conseil municipal l'y habilitant, le maire ne pouvait pas signer un accord avec eux ;
- à supposer que la Cour juge que le courrier du 25 juillet 2005 constitue un acte de cession ayant réalisé un transfert de propriété, elle devra saisir le juge judiciaire d'une question préjudicielle afin qu'il se prononce sur la validité de cet acte ;
- la commune ne peut justifier du caractère régulier de l'occupation de leur propriété dès lors que :
. la clause de cession gratuite prévue dans le permis de construire du 2 juillet 1999 n'a pas été mise en œuvre en l'absence d'acte authentique et est fondée sur des dispositions déclarées contraires à la Constitution A... une décision du Conseil constitutionnel ;
. le transfert d'office des rues du Haut-Soleil et du chemin des Coulons dans le domaine public n'a pas pu avoir lieu A... l'arrêté du 3 juin 2011 dès lors que la parcelle située dans la rue du Haut-Soleil n'était pas ouverte à la circulation publique, que les formalités de publicité foncière n'ont pas été réalisées et que cet arrêté ne leur a pas été notifié ;
- aucune régularisation n'est possible ;
- la démolition ou le déplacement des ouvrages publics en cause ne causera pas une atteinte excessive à l'intérêt général.
A... un mémoire en défense enregistré le 17 juin 2019, la commune de Thorigny-sur-Marne, représentée A... Me Ghaye, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme C... la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- les conclusions de M. Dore, rapporteur public,
- les observations de Me Bidault, représentant M. et Mme C...,
- et les observations de Me Guillou substituant Me Ghaye, représentant la commune de Thorigny-sur-Marne.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... ont acquis le 17 septembre 1999 un terrain à bâtir à Thorigny-sur-Marne (Seine-et-Marne) où ils ont fait construire une maison d'habitation. Après avoir approuvé A... une délibération du 23 juin 2004, le plan d'alignement de la rue du Maréchal Joffre, la commune a entrepris en 2004 les travaux d'élargissement, ce qui l'a conduite notamment à détruire la clôture installée en limite de propriété des requérants et plusieurs arbres plantés dans leur jardin et à occuper une portion de la parcelle leur appartenant. Dans un courrier adressé aux requérants le 25 juillet 2005, le maire de la commune a proposé d'acquérir l'ensemble des surfaces des alignements en contrepartie de divers travaux. A... un arrêté du 3 juin 2011, le préfet de la Seine-et-Marne a prononcé le transfert de la rue du Haut-Soleil et du chemin des Coulons dans le domaine public communal. Estimant que la commune de Thorigny-sur-Marne occupait sans titre une partie de leur propriété, M. et Mme C... lui ont, A... un courrier en date du 9 novembre 2015, demandé de procéder à la démolition et au déplacement de l'ensemble des ouvrages construits sur leur propriété, à la reconstruction à l'identique de la clôture implantée en limite de parcelle à son emplacement initial et à la restitution, après remise en son état initial, de la parcelle. A... un courrier du 6 janvier 2016, la commune a refusé de faire droit à cette demande. M. et Mme C... ont demandé au tribunal de constater que la dépossession A... la commune de Thorigny-sur-Marne d'une surface de 74 m² de la parcelle leur appartenant constitue une emprise irrégulière, de prononcer sa restitution et d'ordonner à la commune de remettre la parcelle en l'état, en démolissant notamment les panneaux de signalisation, le lampadaire et les canalisations qui y ont été implantés. A... un jugement du 5 octobre 2018 dont ils relèvent appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugement sont motivés ".
3. Le moyen tiré du défaut de motivation du jugement n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée, et doit, ainsi, être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté A... un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.
En ce qui concerne l'irrégularité de l'emprise :
5. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction qu'après des échanges avec M. et Mme C... au sujet des travaux effectués sur leur propriété, la commune leur a adressé le 25 juillet 2005, une lettre précisant l'ensemble des travaux qu'elle s'engageait à prendre en charge au niveau de la nouvelle limite de leur propriété, lesquels comprenaient en particulier la fourniture et la pose d'une nouvelle clôture grillagée souple sur les limites séparatives prévues au plan d'alignement, la réalisation de deux murets, l'un surmonté d'un grillage et l'autre planté de végétaux tapissant et la plantation d'une haie dans la continuité de la haie existante, et leur indiquant, qu'en contrepartie, ils lui cédaient gratuitement l'ensemble des surfaces des alignements de la rue Joffre et de la rue du Haut Soleil, soit environ 75 m². Les requérants ont renvoyé ce courrier à la commune le 26 juillet 2005 avec la mention " bon pour accord " et les parties ont ainsi marqué, sans restriction, leur accord sur l'objet de la cession, sur la superficie de la parcelle cédée et sur le prix auquel elle devait s'effectuer. La signature A... les deux parties de ce courrier a A... conséquent eu pour effet, en application des principes dont s'inspirent les articles 1134, 1582 et 1583 du code civil, de parfaire la cession et de transférer à la commune de Thorigny-sur-Marne la propriété de la portion de terrain en cause.
6. La circonstance que la commune n'ait pas réalisé, ainsi qu'il était prévu dans le courrier du 25 juillet 2005, le document d'arpentage, ni fait constater la cession A... la rédaction d'un acte authentique, ne saurait remettre en cause le caractère parfait du transfert de propriété qui est intervenu dès l'échange des consentements, la réitération A... acte authentique n'étant pas une condition de la vente et les requérants ayant au demeurant consenti à la réalisation d'un document d'arpentage ultérieur auquel ils ont finalement fait obstacle. S'ils soutiennent qu'ils ont signé ce courrier dans la précipitation, sous la pression de la commune, et que leur consentement a ainsi été vicié, ils ne l'établissent pas. Enfin, la circonstance que des documents antérieurs mentionnent des surfaces différentes, notamment la clause de cession gratuite prévue A... le permis de construire délivré le 17 septembre 1999 et le plan d'alignement transmis aux consorts C... le 2 juillet 2004, lequel est au demeurant affecté d'une simple erreur de plume en ce qu'il mentionne une superficie de 47 m2 au lieu de 74 m2, n'est pas de nature à faire obstacle au caractère parfait de la cession résultant du courrier du 25 juillet 2005.
7. Aux termes de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal délibère sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées A... la commune, sous réserve, s'il s'agit de biens appartenant à une section de commune, des dispositions des articles L. 2411-1 à L. 2411-19 (...) ". Il résulte de ces dispositions que toute acquisition d'un bien A... une commune doit faire l'objet d'une délibération préalable du conseil municipal décidant cette acquisition et autorisant le maire à y procéder.
8. Si M. et Mme C... soutiennent que le maire ne pouvait procéder, A... le courrier du 25 juillet 2005, à l'acquisition du terrain en l'absence de délibération du conseil municipal l'y habilitant, il ressort toutefois des pièces du dossier que le principe et le contenu de la cession réalisée A... ce courrier trouvent leur fondement dans le plan d'alignement adopté A... délibération du conseil municipal du 23 juin 2004 dont l'article 3 prévoit le transfert de propriété, laquelle a d'ailleurs été communiquée aux requérants le 2 juillet 2004, qui habilite ainsi le maire à réaliser l'acquisition de la parcelle.
9. Ladite acquisition ayant été régulièrement réalisée ainsi qu'il a été dit A... le seul courrier du 25 juillet 2005 sur le fondement de la délibération du 23 juin 2004, sont dès lors inopérants les moyens tirés de l'inconstitutionnalité et de l'irrégularité de la clause de cession gratuite figurant au permis de construire délivré le 17 septembre 1999 et de l'illégalité de l'arrêté du 3 juin 2011 du préfet de la Seine-et-Marne prononçant le transfert d'office des rues du Haut-Soleil et du chemin des Coulons dans le domaine public.
10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, A... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à ce que soit constatée l'existence de l'emprise irrégulière alléguée. A... suite, et sans qu'il soit besoin de saisir le juge judiciaire sur la validité de l'acte du 25 juillet 2005, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Thorigny-sur-Marne, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme C... demandent au titre des frais exposés A... eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. et Mme C... une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Thorigny-sur-Marne.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme C... verseront une somme de 2 000 euros à la commune de Thorigny-sur-Marne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C..., à Mme B... C... et à la commune de Thorigny-sur-Marne.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. D..., president-assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public A... mise à disposition au greffe, le 29 septembre 2022.
Le rapporteur,
J-F. E...Le président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande au préfet de la Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03649