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28/09/2022 | FRANCE | N°21PA06696

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 28 septembre 2022, 21PA06696


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Alliance pour la recherche en cancérologie (APREC) a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir le courrier du 22 mai 2017 par lequel le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a refusé de la labelliser en tant que structure tierce pour la conduite de recherches biomédicales.

Par un jugement n° 1712217/6-3 du 4 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19PA02902 du 1er dé

cembre 2020, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de l'APREC et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Alliance pour la recherche en cancérologie (APREC) a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir le courrier du 22 mai 2017 par lequel le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a refusé de la labelliser en tant que structure tierce pour la conduite de recherches biomédicales.

Par un jugement n° 1712217/6-3 du 4 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19PA02902 du 1er décembre 2020, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de l'APREC et les conclusions présentées par l'AP-HP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une décision n° 449254 du 23 décembre 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par l'APREC, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la Cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 septembre 2019, 5 mars et

4 novembre 2020, 24 février et 22 août 2022, l'APREC, représentée par Me Scanvic, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler le courrier du 22 mai 2017 du directeur de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ;

3°) d'enjoindre à l'AP-HP de la labelliser en qualité de structure tierce dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de reprendre l'instruction de sa demande de labellisation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 22 mai 2017 sont recevables, dès lors que cette mesure lui fait grief en ce qu'elle ne lui permet pas de présenter sa candidature à une convention tripartite conclue par l'AP-HP ; le tribunal a estimé à tort qu'il s'agissait d'une mesure préparatoire à la conclusion d'un contrat, lequel ne sera pas un acte administratif relevant du droit de la commande publique ;

- il ressort des termes de la décision du Conseil d'Etat du 23 décembre 2021 que sa demande de première instance est recevable ;

- la décision du 22 mai 2017, qui constitue une décision qui refuse un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, l'AP-HP ayant consulté une commission qui n'a été prévue et organisée par aucun texte ;

- l'AP-HP ne pouvait légalement mettre en œuvre une procédure de labellisation, qui n'est prévue par aucun texte ;

- en admettant que les structures tierces doivent être désignées par l'établissement de santé et que ce dernier peut prévoir des conditions supplémentaires à celles fixées par le décret du 16 novembre 2016, le directeur général de l'AP-HP n'est pas compétent pour édicter ces conditions supplémentaires ;

- la politique de labellisation décidée par l'AP-HP a conduit à une forte diminution des essais cliniques.

- elle a procédé à une inexacte application des dispositions de l'article R. 1121-3-1 du code de la santé publique s'agissant des conditions qui y sont définies pour la désignation des structures tierces ; elle est tenue de désigner comme structure tierce un organisme remplissant les conditions posées par cet article et ne peut prévoir des conditions supplémentaires ;

- la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation quant aux qualités de l'association, alors par ailleurs que les projets de recherche ne sont pas connus ; les structures tierces ne peuvent être choisies qu'in concreto, en fonction de leur spécialité, de leur disponibilité et de leurs compétences, pour répondre concrètement à un projet de recherche particulier ;

- l'AP-HP a commis un détournement de pouvoir, dès lors qu'elle cherche à privilégier la Fondation AP-HP pour la recherche et à éliminer les associations dites de service.

Par des mémoires en défense enregistrés les 14 février 2020, 21 juin et 31 août 2022, l'AP-HP, représentée par Me Memlouk, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'APREC sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de l'APREC est irrecevable, dès lors que l'intéressée disposera, le cas échéant, de la faculté d'exercer un recours en contestation de la validité du contrat administratif que constituera une convention tripartite ;

- à titre principal, le Conseil d'Etat a qualifié la labellisation mise en place par l'AP-HP de " préalable nécessaire à la conclusion d'une convention unique " ; il s'ensuit que le courrier de refus de labellisation est l'équivalent d'un courrier d'information d'un candidat non retenu dans le cadre d'une procédure de passation d'un marché public et dans ces conditions, la décision de rejet ne peut être contestée, hors référés précontractuels, que dans le cadre d'un recours Tarn-et-Garonne dans les conditions précisées par la décision n° 358994 du Conseil d'Etat du 4 avril 2014 ;

- l'APREC est dépourvue d'intérêt à agir contre l'acte contesté, car elle n'est lésée, comme elle le fait d'ailleurs valoir, par la conclusion d'aucune convention tripartite ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

- les conséquences de la décision contestée, et plus généralement de la procédure de labellisation, décrites par la requérante sont erronées et sont, en tout état de cause, sans incidence sur la décision en litige ;

- la Fondation AP-HP pour la recherche ne fait pas l'objet d'un choix quasi exclusif dans le cadre de la recherche médicale de l'AP-HP ;

- son objet principal n'est pas de financer le fonctionnement de l'AP-HP contrairement aux allégations de la requérante.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Scanvic, représentant l'Alliance pour la recherche en cancérologie et les observations de Me Juquin, avocat de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Par une note du 24 janvier 2017 publiée sur son site internet, l'AP-HP a lancé un appel à candidature en vue de la " labellisation des structures tierces à la convention unique dans le cadre des essais industriels " prévue au IV de l'article L. 1121-16-1 du code de la santé publique. Par un courrier du 22 mai 2017, le directeur général de l'AP-HP a informé le président de l'association Alliance pour la recherche en cancérologie (APREC) que sa candidature à la labellisation n'avait pas été retenue. Par un jugement du 4 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'APREC tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ce courrier. Par un arrêt du 1er décembre 2020, la Cour a rejeté l'appel de l'APREC dirigé contre ce jugement. Par une décision du 23 décembre 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par l'APREC, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la Cour.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que le courrier du 22 mai 2017 par lequel le directeur général de l'AP-HP a refusé d'accorder à l'APREC le label de structure tierce à la convention unique prévue au IV de l'article L. 1121-16-1 du code de la santé publique dans le cadre des essais industriels impliquant l'AP-HP ne s'inscrivait dans le cadre de la conclusion d'aucune convention unique en particulier. Dans ces conditions, ce courrier ne peut être regardé comme présentant le caractère d'un acte préparatoire dans le cadre d'une procédure mise en œuvre en vue de la conclusion d'une convention unique. Il s'ensuit que doit être écartée la fin de non-recevoir opposée par l'AP-HP tirée de l'irrecevabilité de la demande de l'APREC au motif que la procédure de labellisation mise en œuvre par l'AP-HP et le courrier du

22 mai 2017 ne peuvent être, le cas échéant, contestés qu'à l'occasion du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers pour contester la validité de la convention unique conclue par l'AP-HP dans les conditions définies par la décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux.

3. Il résulte en outre du point 2 que la fin de non-recevoir opposée par l'AP-HP et tirée de ce que l'APREC ne disposerait pas d'un intérêt à agir contre le courrier du 22 mai 2017 au motif qu'il s'agirait d'un acte préparatoire et qu'elle ne serait pas lésée par la signature d'une convention unique à laquelle elle ne serait pas partie doit être écartée.

4. Si l'AP-HP entend soutenir que l'APREC ne dispose pas d'un intérêt suffisant à l'annulation du courrier du 22 mai 2017, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que le but statutaire unique de l'APREC est de " promouvoir, soutenir et développer la recherche (...) contre le cancer (...) selon des protocoles de coopération établis entre les services du GHU Paris-Est, de Cancer-Est, de l'Assistance publique des hôpitaux de Paris et des groupes de recherche nationaux et internationaux ". En outre, il ressort du bilan comptable pour l'exercice 2015 qu'entre le quart et la moitié des ressources financières de l'APREC provient de sa participation à des recherches impliquant la personne humaine. Il suit de là que l'APREC dispose d'un intérêt suffisant à agir contre le courrier du 22 mai 2017 qui constitue un acte faisant grief à l'APREC, eu égard notamment à la portée attachée par l'AP-HP à la labellisation décrite par la note du 24 janvier 2017 comme un préalable nécessaire à la conclusion d'une convention unique portant sur des recherches impliquant la personne humaine se déroulant à l'AP-HP et à ses termes mêmes, invitant l'APREC à se rapprocher de l'AP-HP " pour déterminer les nouvelles modalités de collaboration, notamment à propos de vos salariés dont le changement d'employeur devrait être envisagé, le cas échéant ".

5. Il résulte des points précédents que la demande présentée par l'APREC devant le Tribunal administratif de Paris est, en tout état de cause, recevable.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. Aux termes de l'article L. 1121-1 de la santé publique, dans sa version applicable à la date de la décision contestée : " Les recherches organisées et pratiquées sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales sont autorisées dans les conditions prévues au présent livre et sont désignées ci-après par les termes " recherche impliquant la personne humaine ". / Il existe trois catégories de recherches impliquant la personne humaine : / 1° Les recherches interventionnelles qui comportent une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle ; / 2° Les recherches interventionnelles qui ne comportent que des risques et des contraintes minimes, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ; / 3° Les recherches non interventionnelles qui ne comportent aucun risque ni contrainte dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle. / La personne physique ou la personne morale qui est responsable d'une recherche impliquant la personne humaine, en assure la gestion et vérifie que son financement est prévu, est dénommée le promoteur. (...) / La ou les personnes physiques qui dirigent et surveillent la réalisation de la recherche sur un lieu sont dénommées investigateurs. (...) / Si, sur un lieu, la recherche est réalisée par une équipe, l'investigateur est le responsable de l'équipe et est dénommé investigateur principal. (...) ". Le IV de l'article L. 1121-16-1 du même code, dans sa version applicable à la date de la décision contestée, dispose que " Lorsqu'une recherche mentionnée au 1° et au 2° de l'article L. 1121-1 à finalité commerciale est réalisée dans des établissements de santé (...), le promoteur prend en charge les frais supplémentaires liés à d'éventuels fournitures ou examens spécifiquement requis par le protocole. / La prise en charge des frais supplémentaires fait l'objet d'une convention conclue entre le promoteur, le représentant légal de chacun des organismes mentionnés au premier alinéa du IV et, le cas échéant, le représentant légal des structures destinataires des contreparties versées par le promoteur. La convention, conforme à une convention type définie par arrêté du ministre chargé de la santé, comprend les conditions de prise en charge de tous les coûts liés à la recherche, qu'ils soient ou non relatifs à la prise en charge du patient. (...) ".

7. Aux termes de l'article R. 1121-3-1 du même code : " I.- Lorsqu'une recherche mentionnée au 1° et au 2° de l'article L. 1121-1 à finalité commerciale est réalisée dans des établissements de santé, ou des maisons ou des centres de santé, elle fait l'objet de la convention prévue au deuxième alinéa du IV de l'article L. 1121-16-1, entre le représentant légal du lieu de la recherche et le représentant légal du promoteur de la recherche. / Cette convention est dénommée convention unique. Elle est exclusive de tout autre contrat à titre onéreux conclu pour la recherche à finalité commerciale dont il s'agit dans l'établissement de santé, la maison ou le centre de santé concerné. (...) / Le promoteur est tenu de : / 1° Fournir gratuitement les produits faisant l'objet de la recherche, ou de les mettre gratuitement à disposition pendant le temps de la recherche, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement ; / 2° Prendre en charge les frais définis ci-dessous qui sont engagés par l'établissement de santé, maison ou un centre de santé : / - d'une part, les frais de mise en œuvre du protocole de la recherche non liés à la prise en charge médicale du patient ou du volontaire sain, dénommés " coûts ", notamment les tâches d'investigation nécessaires à la recherche et les tâches administratives et logistiques liées à la recherche ; / - d'autre part, les frais supplémentaires, dénommés " surcoûts ", qui s'entendent des frais liés à la prise en charge médicale du patient ou du volontaire sain, et requis par la mise en œuvre du protocole. (...) / II.- Des contreparties prévues par la convention unique au titre de la qualité escomptée des données issues de la recherche impliquant la personne humaine peuvent être versées par le promoteur. / La convention peut prévoir que tout ou partie des contreparties mentionnées à l'alinéa précédent soient directement versées à une structure tierce distincte, participant à la recherche mais ne relevant pas de l'autorité du représentant légal de l'établissement ou de la maison ou du centre de santé où se déroule également la recherche. Des contreparties ne peuvent être accordées que si la structure tierce remplit les conditions suivantes : / 1° Elle est désignée par le représentant légal de l'établissement de santé, de la maison ou du centre de santé conformément au droit de la commande publique s'il y a lieu ; / 2° Elle dispose d'une gouvernance qui soit propre à la prémunir, ainsi que ses dirigeants, d'un risque de mise en cause de leur responsabilité, notamment au regard du risque de conflit d'intérêt ou de la violation des principes et règles de protection des personnes participant à la recherche ; / 3° Elle utilise les fonds reçus du promoteur à des fins de recherche. / III.- Le représentant légal de l'établissement de santé, maison ou centre de santé ainsi que le représentant légal du promoteur et, le cas échéant, le représentant légal de la personne morale tierce susmentionnée signent la convention. / L'investigateur responsable de la recherche dans l'établissement de santé, la maison ou le centre de santé, vise la convention, attestant ainsi qu'il en a pris connaissance. (...) ".

En ce qui concerne la compétence du directeur général de l'AP-HP :

8. Il résulte des dispositions du 1° du II de l'article R. 1121-3-1 du code de la santé publique précitées que la structure tierce à la convention unique prévue par le IV de l'article L. 1121-16-1 du code de la santé publique est " désignée par le représentant légal de l'établissement de santé, de la maison ou du centre de santé conformément au droit de la commande publique s'il y a lieu ". L'article L. 6143-7 du même code prévoit que le directeur, président du directoire, conduit la politique générale de l'établissement, représente l'établissement dans tous les actes de la vie civile et agit en justice au nom de cet établissement. Le directeur est également compétent pour régler les affaires de l'établissement autres que celles énumérées aux 1° à 15° de cet article et autres que celles qui relèvent de la compétence du conseil de surveillance énumérées à l'article L. 6143-1 de ce code parmi lesquelles ne figurent pas la mise en œuvre d'une procédure en vue de la labellisation des structures tierces qui seront parties, le cas échéant, à la convention unique conclue dans le cadre de recherches biomédicales pratiquées sur l'être humain.

9. Il résulte du point précédent que le directeur général de l'AP-HP est non seulement compétent pour désigner la structure tierce à la convention unique prévue par le IV de l'article L. 1121-16-1 du code de la santé publique dans le respect des principes généraux du droit de la commande publique, mais qu'il peut aussi légalement décider de mettre en place une procédure de labellisation au terme de laquelle seules les structures tierces qui se seront vu accorder le label seront habilitées à recevoir le cas échéant des contreparties négociées avec les promoteurs des recherches impliquant la personne humaine auxquelles participe l'AP-HP en application des dispositions du II de l'article R. 1121-3-1 du code de la santé publique. Dans le cadre de cette procédure de labellisation, le directeur de l'AP-HP peut fixer des critères de sélection différents de ceux prévus par le II de l'article R. 1121-3-1 du code, lesquels concernent seulement les critères à remplir pour pouvoir bénéficier le cas échéant de contreparties financières versées par le promoteur de la recherche médicale.

En ce qui concerne la procédure de labellisation :

10. Si le directeur général de l'AP-HP décide de mettre en place une procédure de sélection des structures tierces par l'octroi d'un label et, dès lors, que ce label constitue un préalable nécessaire à la désignation de ces structures tierces et à la conclusion par ces dernières d'une convention unique portant sur des recherches impliquant la personne humaine se déroulant à l'AP-HP, la procédure de labellisation doit, comme la désignation d'une structure tierce, être également soumise aux principes généraux du droit de la commande publique, en particulier au principe de transparence des procédures et au principe d'égalité de traitement des candidats.

11. La requérante soutient que la procédure de labellisation des structures tierces n'a pas été régulièrement appliquée par l'AP-HP dès lors qu'à l'issue de la procédure de sélection, l'AP-HP a établi un classement des candidatures au regard de la valeur scientifique des dossiers alors qu'aucun bilan scientifique, ni rapport d'activité n'étaient mentionnés dans la liste des pièces à fournir à l'appui des candidature et que, dans ces conditions, la valeur scientifique de sa candidature n'a nécessairement pas fait l'objet d'un examen. L'APREC doit ainsi être regardée comme soulevant le moyen tiré de la méconnaissance par l'AP-HP du principe de transparence des procédures.

12. Il ressort des termes de la note du 24 janvier 2017 par laquelle l'AP-HP a lancé un appel à candidature en vue de la " labellisation des structures tierces à la convention unique dans le cadre des essais industriels " prévue au IV de l'article L. 1121-16-1 du code de la santé publique que lors de l'examen des demande des structures souhaitant être labellisées " structure tierce ", l'AP-HP tiendrait compte des statuts de la structure, de l'existence de salariés chargés de l'accomplissement des prestations de service dans le cadre de la recherche médicale, de la gouvernance de la structure, du processus décisionnel au sein de la structure apprécié au regard de la tenue effective des conseils et des assemblées générales et la réalisation des relevés de décisions, de la comptabilité de la structure établie par la production des bilans et comptes de résultat des deux derniers exercices comptables, certifiés, le cas échéant, du respect de ses obligations fiscales, de la transparence de ses liens avec les industriels depuis 2015 et de la convention avec l'établissement de santé le cas échéant. A l'appui de sa demande, la structure devait ainsi fournir les exposés des motifs, le périmètre de son intervention, ses statuts, la liste de ses salariés, les déclarations d'intérêts de tous les membres de ses instances, les relevés de décisions des instances statutaires, le détail de l'ensemble des financements industriels dont elle a bénéficié depuis janvier 2015, les bilans et comptes des deux derniers exercices comptables, certifiés, le cas échéant, une attestation de régularité fiscale et les rapports moraux des deux dernières années.

13. Il ressort des termes de la décision du 22 mai 2017 que pour refuser d'accorder à l'APREC le label de structure tierce à la convention unique dans le cadre des essais industriels prévue au IV de l'article L. 1121-16-1 du code de la santé publique, l'AP-HP s'est fondée sur la circonstance qu'" en dépit de la qualité de la candidature de l'APREC ", cette dernière n'a pas été retenue, notamment, " eu égard au niveau élevé des dossiers présentés par les autres structures candidates ". Cependant, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'AP-HP ait informé les structures candidates que leurs demandes de label seraient examinées au regard d'éléments d'appréciation portant sur la qualité de leurs activités. En ne portant pas à la connaissance des candidats les critères de sélection relatifs à la qualité de leurs prestations de service dans le cadre de la recherche médicale qui, s'ils avaient été connus des structures candidates, étaient susceptibles d'avoir une influence sur la présentation de leurs dossiers de candidature, l'AP-HP a commis un manquement au principe de transparence des procédures. L'irrégularité de la procédure de labellisation ayant nécessairement privé la requérante d'une garantie, la décision du 22 mai 2017 doit être annulée.

14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni d'examiner les autres moyens de la requête, que l'APREC est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

15. Eu égard au motif d'annulation retenu par la Cour, l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement que l'AP-HP délivre à l'APREC le label de structure tierce à la convention unique dans le cadre des essais industriels. En revanche, il y a lieu d'enjoindre à l'AP-HP de procéder au réexamen de la candidature de l'APREC en vue d'obtenir ce label dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association Alliance pour la recherche en cancérologie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l'AP-HP au titre des frais liés à l'instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, par application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 2 000 euros à verser à l'association Alliance pour la recherche en cancérologie.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1712217/6-3 du 4 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris et la décision du 22 mai 2017 du directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris de réexaminer la candidature de l'association Alliance pour la recherche en cancérologie en vue d'obtenir le label de structure tierce à la convention unique dans le cadre des essais industriels impliquant l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera à l'association Alliance pour la recherche en cancérologie la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association Alliance pour la recherche en cancérologie est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Alliance pour la recherche en cancérologie et à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2022.

La rapporteure,

V. A... Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA06696 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06696
Date de la décision : 28/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : FOLEY HOAG

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-09-28;21pa06696 ?
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