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27/09/2022 | FRANCE | N°21PA04642

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 27 septembre 2022, 21PA04642


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société City Flight a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 25 février 2019 de rejet de sa réclamation préalable, d'autre part, de condamner SNCF Réseau à lui verser la somme de 261 849,20 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi au cours de la période de septembre 2017 à décembre 2018 en raison des travaux de construction d'une nouvelle gare souterraine de la ligne E du RER située place de la porte Maillot

à Paris et d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société City Flight a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 25 février 2019 de rejet de sa réclamation préalable, d'autre part, de condamner SNCF Réseau à lui verser la somme de 261 849,20 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi au cours de la période de septembre 2017 à décembre 2018 en raison des travaux de construction d'une nouvelle gare souterraine de la ligne E du RER située place de la porte Maillot à Paris et d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 2018, avec capitalisation annuelle.

Par un jugement n°1917574 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2021 et un mémoire en réplique enregistré le

8 avril 2022, la société City Flight, représentée par Me Salon, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 25 février 2019 de rejet de sa réclamation préalable ;

3°) de condamner SNCF Réseau à lui verser la somme de 261 849,20 euros TTC en réparation de son préjudice et d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du

2 novembre 2018, avec capitalisation de ces intérêts ;

4°) de condamner SNCF Réseau à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car insuffisamment motivé en ce qu'il a omis de répondre au moyen tiré de la gravité de son préjudice constitué de la baisse de " son chiffre d'affaires France " et à son argumentation relative à la reprise d'activité depuis 2017 ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que la circonstance que le commerce qu'elle exploite soit resté ouvert pendant la période de travaux ne démontre pas un accès excessivement difficile pour la clientèle alors que ces travaux ont entraîné une perte d'attractivité d'ensemble du site du palais des Congrès et de son environnement urbain, des difficultés d'accès et de circulation tant routière que piétonne, une réduction drastique de la clientèle de proximité et une baisse de chiffre d'affaires France de 7,25% de janvier à août 2017 et de 37,51% sur les quatre derniers mois de l'année 2017 et de 30,6% en 2018, par rapport à 2016 ;

- c'est à tort que le tribunal a qualifié son préjudice comme dépourvu du caractère spécial et d'une suffisante gravité en se référant à son chiffre d'affaires global alors qu'il aurait dû se référer au chiffre d'affaires France, à l'exclusion des ventes détaxées à la clientèle étrangère ; en tout état de cause, la baisse de 16,30% retenue par le tribunal correspond à l'ensemble de l'année 2017 alors que la période de responsabilité s'étend de septembre à décembre 2017 ; pour cette période la baisse du chiffre d'affaires global est de 33,1% ; pour 2018, elle est de 11,9% par rapport à 2016 ;

- la durée de trois ans des travaux est en elle-même un critère de gravité du préjudice ; en l'espèce, elle s'est prolongée jusqu'à la fermeture du magasin le 29 octobre 2020 ;

- ce préjudice s'élève à 261 849,20 euros pour la période de septembre 2017 à décembre 2018.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 mars 2022, SNCF Reseau, représentée par Me Hansen, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société City Flight à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

SNCF Reseau a produit un mémoire enregistré le 1er septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- et les observations de M. A..., gérant de la société City Flight et de Me le Coutour, avocat de SNCF Réseau.

Considérant ce qui suit :

1. La société City Flight exploite un magasin de prêt-à-porter féminin situé au niveau -1 de la galerie commerciale du Palais des congrès, place Maillot dans le 17e arrondissement de Paris. Dans le cadre de la prolongation vers l'Ouest de la ligne E du RER, des travaux réalisés par SNCF Réseau en vue de la création d'une nouvelle gare place Maillot ont commencé au mois de février 2017. Estimant avoir subi des préjudices en raison de ces travaux, la société City Flight a déposé une demande indemnitaire auprès de la commission d'indemnisation amiable, mise en place par SNCF Réseau, qui a été rejetée par décision du

25 février 2019. La société City Flight a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le rejet de sa demande préalable et de condamner SNCF Réseau à lui verser la somme de

261 849,20 euros en réparation du préjudice commercial qu'elle estime avoir subi au cours de la période de septembre 2017 à décembre 2018. Elle relève appel du jugement du 17 juin 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La société City Flight soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il a omis de répondre au moyen tiré de la gravité de la baisse de " son chiffre d'affaires France " et à son argumentation relative à la reprise d'activité depuis 2017. Toutefois, en estimant au point 4 du jugement attaqué que " s'il résulte de l'instruction que le chiffre d'affaires global du magasin a diminué respectivement de 16,30% et de 11,90% en 2017 et 2018 par rapport à 2016, cette diminution n'est pas suffisamment significative et s'inscrit de surcroît dans une tendance à la baisse depuis 2015 ", les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de la requête, ont suffisamment répondu au moyen tiré de la gravité alléguée du préjudice. Par suite, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. La responsabilité du maître de l'ouvrage est engagée, même sans faute, à raison des dommages que l'ouvrage public dont il a la garde peut causer aux tiers. Il appartient toutefois au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués, et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général.

4. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges et non contestés en appel, d'écarter les moyens tirés de l'illégalité de la décision du 25 février 2019 rejetant la réclamation indemnitaire préalable de la société City Flight.

5. La société City Flight soutient, en deuxième lieu, que c'est à tort que le tribunal a considéré que la circonstance que le commerce qu'elle exploite soit resté ouvert pendant la période de travaux ne démontrait pas un accès excessivement difficile pour la clientèle, alors que ces travaux ont entraîné une perte d'attractivité d'ensemble du site du Palais des congrès et de son environnement urbain, des difficultés d'accès et de circulation tant routière que piétonne, une réduction drastique de la clientèle de proximité et une baisse de son chiffre d'affaires. Toutefois, si le tribunal a relevé que le magasin exploité par la société City Flight était resté ouvert pendant toute la période en cause, cette circonstance n'est qu'un des éléments pris en compte par les premiers juges pour apprécier l'existence d'un préjudice et de son lien de causalité avec les travaux litigieux. Il résulte en effet de l'instruction que si ces travaux ont pu occasionner une gêne pour l'activité commerciale au sein du Palais des congrès, en raison notamment des conditions rendues plus difficiles de la circulation automobile et piétonne, de la fermeture temporaire d'une des entrées du parking souterrain réduisant le nombre de places de stationnement disponibles et des nuisances de toutes sortes, seul l'accès au couloir de correspondance du métro de la ligne 1 a été fermé à compter du

2 juillet 2018, un aménagement pour les piétons a été réalisé à l'extérieur du Palais des congrès pour garantir l'accès au centre commercial, le parking souterrain s'est vu enlever 20% seulement de ses places et d'autres éléments, tels que les travaux de l'hôtel Hyatt situé juste derrière le Palais des congrès de 2016 à fin 2018, les répercussions des attentats du

13 novembre 2015 et des manifestations des " Gilets jaunes " à partir d'octobre 2018, dans un contexte de forte concurrence des enseignes de prêt-à-porter au sein de la galerie commerciale et alentour, ont pu, comme le fait valoir à juste titre SNCF Réseau, contribuer à la baisse de l'activité du magasin exploité par la société City Flight. En outre, il résulte également de l'instruction que la baisse du chiffre d'affaires du magasin, en 2015 et 2016, est antérieure au commencement des travaux. Par suite, le lien de causalité direct et certain entre le préjudice allégué et les travaux ne peut être considéré comme établi.

6. En troisième lieu, la société City Flight soutient que c'est à tort que le jugement attaqué a dénié à son préjudice le caractère anormal et spécial évoqué au point 3 du présent arrêt. Il résulte de l'instruction que selon les chiffres fournis par la société appelante, le chiffre d'affaires figurant au bilan de la société a accusé une baisse de - 17% entre 2016 et 2017 et une hausse de + 6,75 % entre 2017 et 2018. Si elle soutient qu'en se référant au chiffre d'affaires global du magasin, les premiers juges ont commis une erreur de droit, il appartient au juge administratif, comme l'a rappelé à bon droit le tribunal, de porter une appréciation globale, sur l'ensemble des chefs de dommages allégués. Si elle fait valoir qu'elle a limité les conséquences financières des travaux grâce au développement des ventes via internet et par une politique de remises commerciales importantes et quasi permanentes, en tout état de cause, la baisse du chiffre d'affaires de la boutique hors ventes internet a été de - 16,25 % entre 2016 et 2017 et sa hausse a été de + 5,28 % entre 2017 et 2018. Si elle fait également valoir que le chiffre d'affaires pertinent pour évaluer les variations de chiffre d'affaires de l'entreprise est le chiffre d'affaires France hors export, en ne prenant que les ventes sans détaxe, à supposer une telle segmentation de sa clientèle pertinente et recevable, elle ne démontre pas que le chiffre d'affaires réalisé auprès de la clientèle étrangère des congrès et des grands hôtels à immédiate proximité du palais serait " captive " comme elle le prétend, alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, une partie de l'hôtel Hayat était en travaux de 2016 à 2018, diminuant pendant la période considérée le nombre de touristes hébergés dans cet hôtel. Enfin, si elle fait valoir qu'en tout état de cause, la baisse de 16,30% retenue par le tribunal correspond à l'ensemble de l'année 2017 alors que la période de responsabilité s'étend de septembre à décembre 2017 et que pour cette période la baisse du chiffre d'affaires global est de 33,1%, il y a lieu, pour apprécier l'anormalité du préjudice, d'apprécier ce dernier annuellement eu égard notamment à la saisonnalité de l'activité de vente de prêt-à-porter, en prenant en compte une éventuelle compensation des résultats mensuels. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la diminution du chiffre d'affaires de la société City Flight, qui s'inscrivait dans une tendance à la baisse depuis 2015 et n'était pas suffisamment significative, ne revêtait pas un caractère anormal et spécial.

7. En dernier lieu, si la société appelante soutient que la durée de trois ans des travaux est, en elle-même, un critère de gravité de son préjudice et qu'en l'espèce, ces travaux se sont prolongés jusqu'à la fermeture du magasin le 29 octobre 2020, en l'absence de démonstration du lien de causalité directe et certaine entre la baisse de l'activité de son magasin en 2017 et 2018 et les travaux de la ligne Eole, cette circonstance n'est pas de nature à établir la responsabilité de SNCF Réseau.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société City Flight n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de SNCF Réseau, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la société City Flight au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société City Flight à verser à SNCF Réseau la somme que cette dernière demande au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société City Flight est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de SNCF Réseau sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société City Flight et à SNCF Réseau.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2022.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULINLa République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA04642 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04642
Date de la décision : 27/09/2022
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SALON

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2022-09-27;21pa04642 ?
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