Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 19 juillet 2019 par laquelle le recteur de l'académie de Créteil a décidé de changer son affectation dans l'intérêt du service et de lui enjoindre de la réintégrer dans son poste au sein du collège République de Bobigny.
Par un jugement n° 1910310 du 5 novembre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 janvier et 20 juin 2022, Mme A..., représentée par Me Taulet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 novembre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil et la décision du 19 juillet 2019 par laquelle le recteur de l'académie de Créteil a décidé de changer son affectation dans l'intérêt du service ;
2°) d'enjoindre au recteur de la réintégrer dans son poste au sein du collège République de Bobigny ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure de consultation de la commission administrative paritaire académique a été entachée d'irrégularité ;
- le recteur a commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant à son égard une décision de mutation dans l'intérêt du service ;
- la décision de mutation dans l'intérêt du service est entachée de détournement de pouvoir et constitue une sanction disciplinaire déguisée ;
- elle a été prise en raison de son appartenance syndicale et revêt un caractère discriminatoire.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er février 2022, le recteur de l'académie de Créteil conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires ;
- le décret n° 84-914 du 10 octobre 1984 relatif aux commissions administratives paritaires de certains personnels enseignants relevant du ministre de l'éducation nationale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ho Si Fat, président assesseur,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Taulet, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., professeure certifiée d'histoire et géographie de classe exceptionnelle, a été affectée au collège République de Bobigny du 1er septembre 1997 au 31 août 2019. Le
26 mars 2019, elle a été informée qu'une procédure de mutation dans l'intérêt du service était ouverte à son encontre. Mme A... a consulté son dossier administratif le 9 avril 2019, puis le
7 juin 2019. Elle a adressé ses observations le 14 juin 2019. La commission administrative paritaire académique (CAPA), compétente à l'égard des professeurs certifiés, s'est réunie le
3 juillet 2019 en vue d'émettre un avis sur la mutation envisagée. Par un arrêté du 19 juillet 2019 du recteur de l'académie de Créteil, Mme A... a été affectée, dans l'intérêt du service, au collège Rosa Luxembourg d'Aubervilliers à compter du 1er septembre 2019. Par requête enregistrée le 23 septembre 2019, Mme A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2019 du recteur de l'académie de Créteil et de lui enjoindre de la réintégrer dans son poste au sein du collège République de Bobigny. Par jugement du
5 novembre 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté ". Aux termes de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984, dans sa version applicable au litige : " L'autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires. / Dans les administrations ou services où sont dressés des tableaux périodiques de mutations, l'avis des commissions est donné au moment de l'établissement de ces tableaux. / Toutefois, lorsqu'il n'existe pas de tableaux de mutation, seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation de l'intéressé sont soumises à l'avis des commissions ". Par ailleurs, aux termes de l'article 39 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires : " Toutes facilités doivent être données aux membres siégeant au sein des commissions administratives paritaires par les administrations pour leur permettre de remplir leurs attributions. En outre, communication doit leur être donnée de toutes pièces et documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission huit jours au moins avant la date de la séance ".
3. En premier lieu, Mme A... soutient que la procédure de consultation de la CAPA a été entachée d'irrégularité en ce que le dossier soumis à l'examen de la CAPA ne contenait pas les observations qu'elle a formulées dans son courrier du 14 juin 2019 ainsi que les 162 lettres de soutien envoyées le 26 juin 2019 avec demande d'avis de réception. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ces témoignages ont été remis à l'administration le 3 juillet 2019 par l'expert juridique mandaté par le syndicat Sud Education et par conséquent que l'administration a eu connaissance des observations formulées par l'intéressée ainsi que des lettres de soutien rédigées en sa faveur. En outre, il ressort des mentions du procès-verbal de la CAPA qui s'est réunie le 3 juillet 2019 que ses membres ont été avertis du contexte de tensions dans lequel la décision de mutation dans l'intérêt du service a été prise et ont disposé de toutes les informations utiles afin de délibérer. Enfin, si Mme A... relève l'absence au dossier soumis à la CAPA d'une enquête " Climat scolaire " réalisée au sein du collège République de Bobigny rendue publique au mois de mars 2018 ainsi que d'un rapport de l'inspection générale sur la situation au sein de cet établissement établi au mois d'octobre 2018, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que l'administration était tenue de faire figurer dans le dossier de la requérante d'autres éléments que ceux concernant sa situation administrative individuelle, et notamment des éléments intéressant le fonctionnement global de l'établissement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de consultation de la CAPA doit être écarté.
4. En deuxième lieu, Mme A... soutient que le recteur a commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant à son encontre une décision de mutation dans l'intérêt du service. Il résulte toutefois de l'instruction que le collège République de Bobigny au sein duquel elle était affectée, a connu un climat de travail délétère en raison notamment de conflits relationnels, intersyndicaux et pédagogiques opposant, d'une part, Mme A... et Mme D... et, d'autre part, Mme C..., professeure certifiée de classe normale ayant constitué en octobre 2016 une liste syndicale alternative et concurrente à la liste intersyndicale sur laquelle Mmes A... et D... étaient inscrites. Il résulte également de l'instruction, et notamment des différents témoignages et échanges versés au dossier, que ces conflits relationnels persistants ont généré de graves tensions entre enseignants et assistants pédagogiques du collège, créant un mal-être des personnels de nature à porter atteinte à la sérénité de travail, à la mise en œuvre des projets pédagogiques et au suivi des élèves. Dans ces conditions, le recteur pouvait, dans l'intérêt du service, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, prendre à l'égard de la requérante dont les mérites professionnels ne sont pas remis en cause, la décision en litige de mutation dans un autre collège. Il suit de là que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
5. En troisième lieu, Mme A... soutient que la décision de mutation dans l'intérêt du service prise à son encontre serait entachée de détournement de pouvoir, constituerait une sanction disciplinaire déguisée et porterait atteinte à sa situation tant professionnelle que financière.
6. Une mutation dans l'intérêt du service revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque la décision prise par l'administration révèle une volonté de sanctionner l'agent concerné et entraîne une dégradation de la situation professionnelle de ce dernier. En l'espèce, la décision de mutation prise par le recteur à l'égard de Mme A... était justifiée, ainsi qu'il a été exposé au point 4, par l'intérêt du service et dès lors ne saurait être regardée comme une sanction disciplinaire déguisée qui porterait atteinte aux intérêts professionnels et financiers de la requérante. Dès lors, ce moyen doit être écarté.
7. En quatrième lieu, Mme A... allègue que la décision de mutation dans l'intérêt du service a été prise en raison de son appartenance syndicale et revêt un caractère discriminatoire. Il résulte de ce qui précède que la décision de mutation de Mme A... ainsi que d'autres enseignants a été prononcée dans l'intérêt du service afin de restaurer un climat de travail serein dans un contexte de conflits relationnels, intersyndicaux et pédagogiques préjudiciable au bon fonctionnement de l'établissement. Ainsi, en prononçant une telle mesure, l'administration n'a pas entendu prendre, ainsi que l'ont à juste titre relevé les premiers juges, une mesure discriminatoire à l'égard de l'intéressée en raison de son appartenance syndicale. Par suite, ce dernier moyen doit être écarté.
8. Il résulte de tout de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes. Par suite, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Créteil.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2022.
Le rapporteur,
F. HO SI FAT
Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA00068