Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Rethika a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'annuler, d'une part, la décision par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et le directeur général des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris ont implicitement rejeté son recours contre le titre de perception émis le 4 novembre 2019 par le ministre de l'intérieur en vue du recouvrement de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un montant de 4 248 euros et, d'autre part, la décision par laquelle le directeur général de l'OFII et le directeur général des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris ont implicitement rejeté son recours contre le titre de perception émis le 11 décembre 2019 par le ministre de l'intérieur en vue du recouvrement de la contribution spéciale d'un montant de 35 200 euros, ensemble ce titre de perception.
Par jugement n°s 2015531, 2018335/3-3 du 26 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 décembre 2021 et un mémoire complémentaire enregistré le 8 juin 2022, la SAS Rethika, représentée par Me Crusoé, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 2015531, 2018335/3-3 du Tribunal administratif de Paris du
26 octobre 2021 ;
2°) d'annuler les décisions attaquées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'apparaît pas qu'il aurait été signé par le magistrat rapporteur, le président et le greffier ;
- le titre de perception litigieux a été signé par une autorité incompétente en l'absence de justification d'une délégation de compétence du ministre de l'intérieur et d'une délégation de signature du directeur général de l'OFII au signataire ;
- les décisions de l'OFII sont insuffisamment motivées ;
- elles sont entachées d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de fait ;
- les montants réclamés au titre de la sanction financière infligée sont disproportionnés dès lors que rien ne justifie les montants réclamés.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 avril 2022, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me Froment, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la SAS Rethika la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
- le décret n° 2013-728 du 12 août 2013 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et du ministère des outre-mer ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ho Si Fat, président-assesseur,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 28 juin 2017, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de la société Rethika, qui exploite un restaurant mexicain " Los Gueros " situé 28 rue Saint-Antoine à Paris (11ème arrondissement), la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'un montant respectivement de 35 200 euros et 4 248 euros, en raison de l'emploi de deux ressortissants marocains non autorisés à travailler en France et à séjourner en France et non déclarés. Le ministre de l'intérieur a émis les 5 octobre et 3 novembre 2017 deux titres de perception portant sur les contributions en cause. Par un jugement n° 1814000 du 28 mai 2019 devenu définitif, le Tribunal administratif de Paris a annulé ces deux titres exécutoires pour incompétence du signataire. Les 4 novembre et 11 décembre 2019, le ministre de l'intérieur a émis deux nouveaux titres de perception. La société Rethika a formé les 22 janvier et 24 février 2020 une réclamation contre chacun de ces deux titres de perception, lesquelles ont été implicitement rejetées. La société Rethika a alors demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler ces deux décisions, ensemble les titres de perception émis les 4 novembre et 11 décembre 2019. Par jugement du 26 octobre 2021, le tribunal administratif a rejeté ses demandes. La société Rethika relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions aux fins d'annulation des titres de perception des 4 novembre 2019 et 11 décembre 2019 :
2. Aux termes de l'article R. 5223-24 du code du travail en vigueur à la date d'émission des titres contestés et avant son abrogation par le décret n° 2020-163 du 26 février 2020 : " Le directeur général est ordonnateur secondaire à vocation nationale pour l'émission des titres de perceptions relatifs à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-4 du même code : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant (...) ". Aux termes de l'article 11 du décret susvisé du 7 novembre 2012 : " Les ordonnateurs constatent les droits et les obligations, liquident les recettes et émettent les ordres de recouvrer. (...) Ils transmettent au comptable public compétent les ordres de recouvrer (...) assortis des pièces justificatives requises (...) ".
3. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, si les services de l'Etat assurent pour le compte de l'OFII le recouvrement des créances afférentes aux contributions spéciale et forfaitaire dues par l'employeur d'un travailleur étranger non autorisé à travailler, il n'appartenait qu'au directeur général de l'Office, après avoir constaté et liquidé la contribution, d'émettre le titre de perception correspondant qui est ensuite transmis, conformément à l'article 11 du décret susvisé du 7 novembre 2012, au comptable public chargé du recouvrement.
4. En l'espèce, les titres de perception litigieux ont été émis les 4 novembre et
11 décembre 2019 par M. A..., nommé directeur de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier du ministère de l'intérieur à compter du 19 septembre 2016 par décret du 15 septembre 2016, régulièrement publié au Journal officiel de la République française.
5. Pour soutenir que M. A... était compétent pour signer les titres exécutoires litigieux, l'Office français de l'immigration et de l'intégration se prévaut d'une convention de délégation de gestion, conclue le 9 mai 2019, relative à l'ordonnancement par la direction de l'évaluation de la performance et des affaires financières et immobilières des opérations de dépenses et recettes des programmes 104 et 303 de la direction générale des étrangers en France. Toutefois, il ressort des visas de cette convention que celle-ci ne concerne pas les établissements publics tels que l'Office français de l'immigration et de l'intégration. En outre, ce dernier se prévaut également de la convention du 29 mai 2019 qu'il a conclue avec l'Etat en ce qu'elle prévoit, en son article 4, que le ministre de l'intérieur procède à la liquidation de la contribution spéciale et émet le titre de perception visant à en permettre le recouvrement. Toutefois, cette dernière stipulation est contraire aux dispositions réglementaires alors applicables de l'article R. 8253-4 du code du travail rappelé au point 2. Par suite, les titres de perception en litige sont entachés d'incompétence.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Rethika est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 26 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des titres de perception émis les 4 novembre et 11 décembre 2019. Par suite, il y a lieu d'annuler les titres de perception des 4 novembre 2019 et 11 décembre 2019 ainsi que le jugement du 26 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Rethika, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'OFII demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'OFII la somme que demande la société Rethika au titre de ces mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°s 2015531, 2018335/3-3 du 26 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris et les titres de perception des 4 novembre 2019 et 11 décembre 2019 sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la SAS Rethika est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Rethika et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2022.
Le rapporteur,
F. HO SI FAT Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA06635