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26/09/2022 | FRANCE | N°21PA03765

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 26 septembre 2022, 21PA03765


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 août 2020 par lequel le préfet de police a refusé le renouvellement de son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2016106/2-3 du 25 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire enregistrés les 6 juillet et 29 septembre 2021, M. B..., r

eprésenté par Me Rochiccioli, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2016106/2-3 du 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 août 2020 par lequel le préfet de police a refusé le renouvellement de son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2016106/2-3 du 25 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire enregistrés les 6 juillet et 29 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Rochiccioli, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2016106/2-3 du 25 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 août 2020 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Rochiccioli en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué :

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

S'agissant de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour :

- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est entaché d'irrégularités ;

- le collège de médecins de l'OFII est tenu de communiquer les éléments qui lui ont permis de rendre son avis afin que ces éléments puissent être débattus de manière contradictoire ;

- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article

L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le défaut de prise en charge médicale adaptée à son état de santé entraîne des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne peut pas accéder de manière effective à un traitement ainsi qu'à une prise en charge médicale appropriée dans son pays d'origine, la Guinée ;

- le préfet de police s'est cru à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII ; il est tenu de motiver sa décision conformément aux articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision contestée est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation ;

S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :

- la décision contestée est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 juin 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 25 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen, né le 8 octobre 1987, est entré en France en 2014 selon ses déclarations. Il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 août 2020, le préfet de police a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 25 mars 2021, dont M. B... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'autorisation provisoire de séjour délivrée à M. B... le 5 juin 2015, des récépissés de demande de titre de séjour qui lui ont été délivrés pendant la période du 2 juin 2016 au 20 mai 2018, puis du 1er octobre 2018 au

31 décembre 2018, du titre de séjour délivré sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile valable du 8 février 2019 au

7 février 2020 et des récépissés de demande de renouvellement de ce titre de séjour délivrés à l'intéressé jusqu'à l'édiction de l'arrêté contesté du 18 août 2020, que depuis le

1er décembre 2014, date de son entrée sur le territoire français, M. B... réside habituellement en France. Le requérant verse également au dossier des déclarations de vie commune avec Mme C..., de nationalité française, établies devant la mairie du 13ème arrondissement les 3 mai 2018 et 11 septembre 2020 mentionnant une vie commune depuis le 1er janvier 2016, des attestations de Mme C..., ainsi que des pièces, dont la plus ancienne est datée du

14 décembre 2017, mentionnant l'adresse commune du couple. Dans ces conditions, M. B... justifie vivre avec Mme C... au moins depuis deux ans et demi à la date de la décision de refus contestée. Par ailleurs, le requérant, reconnu travailleur handicapé à 80 % en raison de déformations neuro-orthopédiques très importantes liées à une poliomyélite contractée dans l'enfance, justifie, par la production de bulletins de salaire, travailler à temps partiel depuis le 1er décembre 2018. Si M. B... se prévaut de son mariage avec Mme C... le 22 mai 2021 à Paris, cet événement est postérieur à la décision contestée. Cependant, au vu de la durée et des conditions de séjour de M. B... en France et de la stabilité de sa relation avec Mme C..., ressortissante française, le préfet de police a porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision en litige. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il s'ensuit que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. B... doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination qui sont ainsi dépourvues de base légale.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 18 août 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre dans un délai de trois mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

6. M. B... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Rochiccioli, conseil de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rochiccioli de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2016106/2-3 du 25 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 18 août 2020 du préfet de police sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Rochiccioli, conseil de M. B..., la somme de 1 500 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de police et à Me Rochiccioli.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2022.

La rapporteure,

V. D... Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA03765 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03765
Date de la décision : 26/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : ROCHICCIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-09-26;21pa03765 ?
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