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23/09/2022 | FRANCE | N°22PA01183

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 23 septembre 2022, 22PA01183


Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2105422 du 14 février 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 14 mars 2022, Mme B...,

représentée par Me Houessou, demande à la Cour : 1°) d'annule...

Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2105422 du 14 février 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 14 mars 2022, Mme B..., représentée par Me Houessou, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2105422 du 14 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 7 avril 2021 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination ; 2°) d'annuler cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois suivant l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) à défaut, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois suivant l'arrêt à intervenir et de lui délivrer un récépissé avec autorisation de travail ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : En ce qui concerne la décision portant refus d'un titre de séjour : - elle est entachée d'incompétence ; - elle n'est pas suffisamment motivée ; - elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la saisine pour avis de la commission du titre de séjour ; - elle est entachée d'erreurs de fait ; - elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Les parties ont été informées le 28 juin 2022, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur le moyen, soulevé d'office, tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi dans le temps, la version de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement duquel l'arrêté en litige a été pris n'étant pas celle qui aurait dû s'appliquer à la demande de titre de séjour de Mme B... dont la préfecture a accusé réception le 6 février 2019. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du tribunal judiciaire de Paris en date du 6 mai 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., ressortissante ivoirienne née le 27 septembre 1982 à Foungbesso (Côte d'Ivoire), a été munie d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", en sa qualité de mère d'un enfant français, valable du 11 février 2018 au 10 février 2019. Elle a sollicité le 6 février 2019 le renouvellement de ce titre. Par un arrêté du 7 avril 2021, dont la requérante demande l'annulation, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté cette demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination. Mme B... relève appel du jugement du 14 février 2022 qui a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté précité. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne la décision portant refus de séjour : 2. En premier lieu, s'agissant des moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué, à l'appui desquels la requérante reprend purement et simplement l'argumentation soumise aux juges de première instance, il y a lieu de les écarter par adoptions de motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2 et 3 de leur jugement. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction antérieure à l'article 55 de la loi du 10 septembre 2018 visée ci-dessus et applicable aux demandes de titre de séjour déposées avant le 1er mars 2019 conformément aux dispositions du IV de l'article 71 de cette même loi : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...). ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code dans sa version issue de la loi du 10 septembre 2018 visée ci-dessus, applicable, conformément au IV de l'article 71 de la même loi, aux demandes présentées depuis le 1er mars 2019 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. ". 4. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 6° précitées au point, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est également fondé sur le motif tiré de ce que la contribution effective de l'auteur de la reconnaissance de paternité à l'entretien et à l'éducation de l'enfant n'était pas rapportée. 5. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a pris sa décision de refus de séjour sur le fondement du deuxième alinéa du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version issue de l'article 55 de la loi du 10 septembre 2018 précitée. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour de l'intéressée, qui a été déposée complète le 6 février 2019, soit avant le 1er mars 2019, était régie par les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 septembre 2018, qui ne soumettaient pas la délivrance du titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français à la démonstration de la participation effective du père français ayant reconnu l'enfant à l'entretien et à l'éducation de ce dernier. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu le champ d'application de la loi dans le temps en fondant sa décision sur les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable depuis le 1er mars 2019 et, en conséquence, commis une illégalité. 6. En troisième lieu, pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées au point 3 le préfet de la Seine-Saint-Denis a également estimé que la reconnaissance de paternité souscrite par M. D... présentait un caractère frauduleux. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable, dans les mêmes conditions, à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en œuvre du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance du titre de séjour sollicité par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise. 7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a donné naissance, le 24 mai 2017, à un enfant, F... D..., qui a été reconnu par un ressortissant français, M. E... D.... Mme B... a été mise en possession d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français valable du 11 février 2018 au 10 février 2019. Pour refuser le renouvellement du titre de séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur la circonstance que la nationalité française de l'enfant avait été acquise par fraude. 8. Lors de son audition par les services de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, M. D... a notamment indiqué avoir reconnu deux autres enfants nés de ressortissantes étrangères en situation irrégulière qui ont ensuite sollicité un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, être le père de trois autres enfants avec sa compagne actuelle et entretenir une relation avec une autre femme. Par ailleurs, il est également apparu qu'il ne connaissait pas la date de naissance de l'enfant, que les intéressés n'avaient jamais vécu ensemble et qu'ils s'étaient séparés avant la naissance de l'enfant. Lors de cet entretien, M. D... a également déclaré qu'il ne savait pas s'il avait reconnu d'autres enfants. En se bornant à produire une première attestation de M. D... du 1er juillet 2019 par laquelle il autorise l'enfant à quitter la France avec sa mère puis une seconde attestation datée du 13 avril 2021, qui est postérieure à l'arrêté attaqué, où il indique verser de l'argent pour l'entretien de son enfant ainsi que quelques formulaires Money Gram illisibles et bordereaux de remises de chèques postérieurs à l'arrêté attaqué, la requérante ne justifie pas du caractère non frauduleux de la reconnaissance, eu égard aux pièces produites par le préfet. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude, doit être regardé comme apportant des éléments précis et suffisamment circonstanciés de nature à établir que cette reconnaissance de paternité en faveur de l'enfant de la requérante a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention d'un titre de séjour. Dès lors, le préfet pouvait se fonder sur ce second motif pour refuser à l'intéressée un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 9. En quatrième lieu, Mme B... soutient que la décision portant refus de séjour est entachée de plusieurs erreurs de fait en ce que le préfet n'a pas pris en compte la participation de M. D... à l'entretien et l'éducation de son fils et qu'il n'a pas tenu compte de la réalité du lien qui existe entre celui-ci et son fils. Au regard de ce qui a été dit au point 8, le moyen tiré des erreurs de fait alléguées doit être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 312-2 alors applicable du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles qu'elles visent et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Mme B... ne remplissant pas les conditions prévues par les dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour préalablement à l'arrêté contesté doit être écarté. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire : 11. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui a été précédemment invoqué dans les mêmes termes devant les juges de première instance, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 10 de son jugement, la requérante ne faisant état devant la Cour d'aucun élément distinct de ceux soumis à leur appréciation et, en particulier, ne justifiant pas plus en appel qu'en première instance des liens effectifs que son fils entretiendrait avec son père de nationalité française. 12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.D E C I D E :Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et outre-mer.Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.Délibéré après l'audience du 7 septembre 2022, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- Mme Boizot, première conseillère,- Mme Lorin, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 23 septembre 2022.La rapporteure,S. C...Le président,S. CARRERE La greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 22PA01183 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01183
Date de la décision : 23/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : HOUESSOU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-09-23;22pa01183 ?
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