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23/09/2022 | FRANCE | N°21PA02234

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 23 septembre 2022, 21PA02234


Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2012 et 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes d'imposition allant du 1er janvier 2012 au 28 février 2015 et d'une amende fiscale, mis à sa charge. Par un jugement n° 1705580 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Melun l'a déchargé de l'amende mise à sa charge au titre de l'article 1737 du code génér

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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2012 et 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes d'imposition allant du 1er janvier 2012 au 28 février 2015 et d'une amende fiscale, mis à sa charge. Par un jugement n° 1705580 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Melun l'a déchargé de l'amende mise à sa charge au titre de l'article 1737 du code général des impôts et a rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 avril et 29 juin 2021, M. D..., représenté par Me Lopez, avocat, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1705580 du 25 février 2021 en tant que le tribunal administratif de Melun, après avoir prononcé la décharge de l'amende fiscale mise à sa charge, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes allant du 1er janvier 2012 au 28 février 2015 qui lui ont été réclamés ; 2°) de prononcer la décharge d'impôt sollicitée ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les premiers juges ont commis plusieurs erreurs de droit ainsi qu'une erreur d'appréciation ; - préalablement à l'emport des documents comptables, il n'a pas rédigé de demande écrite ; - les mandats de représentation qu'il a accordés, le 14 avril 2015, à son expert-comptable et à sa compagne étaient limitatifs et ne leur donnaient aucun droit à signer ou remettre des documents à l'administration sans son accord, de sorte que la vérificatrice a procédé à un emport de documents dans des conditions irrégulières ; - la procédure est irrégulière au motif qu'une partie des documents comptables emportés ne lui ont pas été restitués ; la restitution des éléments comptables au jour de la réunion de synthèse n'a pas permis au contribuable d'engager un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ; - il n'a pas été informé des noms et adresses administratives des agents chargés des traitements informatiques ; - la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 alinéa 3 du livre des procédures fiscales au motif que si elle présente les résultats des traitements informatiques, elle n'expose pas la nature des traitements qui ont été effectués ; - avant de constater que le délai de reprise au titre de l'année 2012 n'était pas prescrit, il appartenait à la vérificatrice de procéder au contrôle des années 2013 à 2015, avant de l'informer qu'elle était autorisée à étendre son contrôle à l'année 2012 ; - la méthode de reconstitution de recettes utilisée par l'administration au titre de l'année 2012 est radicalement viciée, dès lors qu'elle ne prend pas en compte les conditions d'exploitation du restaurant et notamment le nombre maximum théoriques de couverts disponibles ; - la facture émise par la SARL Fillat n'est pas fictive ; - la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas fondée. Par un mémoire en défense enregistré le 10 juin 2021, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., qui exploite un restaurant italien sous l'enseigne " Chez Angelo " à Crécy-la-Chapelle (Seine-et-Marne), a fait l'objet d'un contrôle inopiné le 2 avril 2015 au cours duquel le service lui a notifié un avis de vérification. Une vérification de comptabilité a donc été engagée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 28 février 2015, à l'issue de laquelle des rehaussements de ses bases imposables à l'impôt sur le revenu et à la taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés par une proposition de rectification du 26 novembre 2015 après notamment que sa comptabilité a été rejetée comme dépourvue de valeur probante et ses recettes reconstituées au titre de l'année 2012 selon la méthode dite " de la farine ". Des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2012 et 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 28 février 2015 et une amende au titre de l'article 1737 du code général des impôts ont été mis en recouvrement les 31 octobre et 31 décembre 2016. Par décisions du 4 mai 2017, le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne a rejeté les réclamations d'assiette présentées les 13 décembre 2016 et 18 janvier 2017. Par un jugement n° 1705580 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Melun, après avoir prononcé la décharge de l'amende fiscale mise à sa charge, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2012 et 2013 et de rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2012 au 28 février 2015. M. D... relève régulièrement appel du jugement du 25 février 2021 en tant qu'il rejette le surplus de sa demande. Sur la régularité du jugement : 2. Dans ses écritures, M. D... soutient que les premiers juges auraient commis une erreur d'appréciation des faits ainsi que plusieurs de droit. Toutefois, ces moyens se rattachent au bien-fondé du jugement. Ils sont donc sans incidence sur sa régularité et doivent être écartés. Sur la régularité de la procédure d'imposition : 3. En premier lieu, M. D... reprend en appel le moyen, qu'il avait invoqué en première instance, tiré de ce que la vérification de comptabilité se serait irrégulièrement déroulée au motif que les pouvoirs donnés à Mme C..., sa compagne, et à M. E..., expert-comptable, étaient limitatifs, de sorte que la vérificatrice a procédé à un emport de documents dans des conditions irrégulières. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Melun au point 3 de son jugement. 4. En deuxième lieu, le requérant soutient que la procédure est irrégulière au motif que le contribuable n'a pas rédigé de demande écrite d'emport de pièces comptables alors qu'il est acquis qu'un nombre important de pièces comptables ont été emportées par le vérificateur. Il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal établi par la vérificatrice le 2 avril 2015 que Mme C... et M. E..., ce dernier dûment mandaté, ont remis à l'administration fiscale, à partir d'une clef USB, différentes copies de documents comptables (feuilles recettes 2013 à 2015 et inventaires 2013 et 2014), placées sous enveloppes scellées signées par les intéressés, dont une a été remise aux intéressés le jour même, ainsi que l'édition d'un ticket X daté du 2 avril 2015 qui est un instantané des ventes totales et de l'activité de la caisse au moment où ce rapport est généré, document qu'il est possible d'émettre autant de fois que l'on souhaite sans que cela affecte l'état de la caisse et une copie des menus et vins. Les documents emportés par la vérificatrice étaient, par conséquent, exclusivement constitués de fichiers informatiques, constituant la simple copie de documents comptables originaux dont il n'est pas contesté qu'ils sont demeurés en possession du contribuable. Il en résulte que la vérificatrice a pu sans entacher d'irrégularité la procédure de contrôle procéder à leur emport sans demande préalable de la part du contribuable. 5. En troisième lieu, le contribuable fait valoir que la procédure est irrégulière au motif qu'une partie des documents comptables ne lui ont pas été restitués. 6. Aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er janvier 2014 : " (...) L'administration restitue au contribuable, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis et n'en concerne aucun double. ". A compter du 1er janvier 2014, l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales dispose que : " (...) L'administration détruit, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis (...) ". 7. Il résulte de l'instruction qu'au début de la vérification de comptabilité, M. D... a choisi de mettre à disposition de l'administration les copies des fichiers des écritures comptables dématérialisées qui ont été reproduits au moyen d'une clef USB, une copie ayant été restituée au cours du contrôle sur place dans les conditions décrites au point 4 du présent arrêt. En outre, par un courrier du 14 septembre 2016, la vérificatrice a restitué la copie des fichiers mis à disposition, qu'elle avait conservée à partir d'un CD-ROM. Les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement les 31 octobre et 31 décembre 2016, soit postérieurement à la date de restitution de la copie des fichiers comptables. Si le requérant soutient que le vérificateur a également emporté un ticket Z, il ne résulte pas de l'instruction et plus particulièrement du procès-verbal du 2 avril 2015 qu'un tel document lui aurait été remis lors de l'intervention inopinée, seul ayant été édité un ticket X. Si quatre tickets Z ont été communiqués par le requérant pour les périodes comprises du 14 au 18 mai 2013, du 24 au 28 septembre 2013, du 13 au 17 mai 2014 et du 23 au 27 septembre 2014, ces documents ont été remis, postérieurement à l'achèvement de la procédure de contrôle, à l'occasion de la tenue de la commission départementale des impôts et taxes sur le chiffre d'affaires, puis restitués ultérieurement comme en atteste le procès-verbal de restitution des documents mis à la disposition de l'administration établi le 29 septembre 2015. Enfin, et par ailleurs, si le requérant soutient que les documents remis lors de la réunion de synthèse ne lui ont pas été restitués, ce moyen, qui est sans incidence sur l'existence d'un débat oral et contradictoire en cours de procédure de contrôle, n'est en tout état de cause assorti d'aucune précision de nature à permettre au juge d'en apprécier la portée. 8. En quatrième lieu, le requérant soutient qu'il n'a pas été informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations ont été réalisées en méconnaissances des dispositions du dernier alinéa du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. 9. Aux termes du II l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " (...) Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées (...) ". Les dispositions précitées du livre des procédures fiscales n'imposent aucun formalisme particulier pour la communication du nom et de l'adresse administrative de l'agent chargé des traitements informatiques nécessaires au contrôle d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés. 10. Lors du contrôle inopiné, les représentants de l'administration ont réalisé, en présence des représentants de la société, les copies des fichiers relatifs aux documents comptables de l'entreprise conformément aux dispositions du II précité de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales après avoir présenté leur commission d'emploi et décliné leurs identités et fonctions au sein de la brigade départementale de vérification de Seine-et-Marne. L'identité et les coordonnées des agents ayant procédé aux copies en cause ont été mentionnées dans l'état des constatations matérielles du 2 avril 2015 qui a été contresigné par M. E..., mandataire du requérant, ainsi que dans la proposition de rectification du 26 novembre 2015 qui a tiré les conséquences du contrôle inopiné. Par suite, le moyen soulevé doit donc être écarté. 11. En cinquième lieu, M. D... fait valoir que la proposition ne mentionne pas en application des dispositions de l'article L. 57 alinéa 3 du livre des procédures fiscales les fichiers utilisés, la nature des traitements effectués sur ces fichiers et les modalités de détermination des éléments servant au calcul des rehaussements. 12. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) En cas d'application des dispositions du II de l'article L. 47 A, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant (...) ". Il résulte de ces dispositions, ainsi que de celles, précitées, de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales que, lorsqu'un contribuable vérifié choisit, en vertu du c du II de ce dernier article, de mettre à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle, l'administration est tenue de préciser, dans sa proposition de rectification, les fichiers utilisés, la nature des traitements qu'elle a effectués sur ces fichiers et les modalités de détermination des éléments servant au calcul des rehaussements, mais n'a l'obligation de communiquer ni les algorithmes, logiciels ou matériels qu'elle a utilisés ou envisage de mettre en œuvre pour effectuer ces traitements, ni les résultats de l'ensemble des traitements qu'elle a réalisés, que ce soit préalablement à la proposition de rectification ou dans le cadre de celle-ci.

13. La proposition de rectification du 26 novembre 2015 précise que les traitements informatiques opérés par le service à partir des données natives remises par M. D..., correspondant aux données générées par le logiciel " Orchestra " utilisé pour la gestion administrative et financière de son activité, ont porté sur les fichiers de la caisse enregistreuse afin de s'assurer de la cohérence et de l'exhaustivité des commandes, des ventes et règlements enregistrés dans le système de gestion et d'effectuer leur rapprochement avec les données comptables, de contrôler les taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqués aux articles vendus ainsi que les procédures de correction et d'annulation utilisées sur le système de caisse et le suivi des flux matières. Enfin, il est constant que l'administration a, par une lettre datée du 29 septembre 2015, remis à M. D... les tableaux issus des retraitements informatiques. Ainsi, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la proposition de rectification, qui, en outre, mentionne les impôts concernés, les années d'imposition et les bases d'imposition et énonce les règles de droits applicables et les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales précitées. 14. En dernier lieu, le requérant soutient qu'au regard des dispositions des articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales, il appartenait au vérificateur de procéder en premier lieu au contrôle des années 2013 à 2015 pour constater l'existence de pénalités autres que de retard avant d'informer le contribuable qu'il était autorisé à étendre son contrôle à l'année 2012. En outre, aucune pénalité n'étant applicable à raison des irrégularités ayant affecté les traitements informatiques, les rappels afférents aux années 2013 et 2014 ne pouvaient être notifiés. Par suite, l'administration ne pouvait procéder à des rappels au titre de l'année 2012. 15. Aux termes de l'article L. 168 du livre des procédures fiscales : " Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition peuvent être réparées par l'administration des impôts ou par l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, dans les conditions et dans les délais prévus aux articles L. 169 à L. 189, sauf dispositions contraires du code général des impôts ". Aux termes de l'article L. 169 du même livre, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration, pour les revenus imposables selon un régime réel dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux et des bénéfices agricoles ainsi que pour les revenus imposables à l'impôt sur les sociétés des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée, et des sociétés à responsabilité limitée, des exploitations agricoles à responsabilité limitée et des sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont l'associé unique est une personne physique, s'exerce jusqu'à la fin de la deuxième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable est adhérent d'un centre de gestion agréé ou d'une association agréée, pour les périodes au titre desquelles le service des impôts des entreprises a reçu une copie du compte rendu de mission prévu aux articles 1649 quater E et 1649 quater H du code général des impôts (...) ". Aux termes de l'article L. 176 du même livre : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. (...) ". 16. Le 2 avril 2015, la vérificatrice a remis en mains propres à M. D... un avis de vérification spécifique en raison de son adhésion à un centre de gestion agréé accompagné de l'additif et d'un exemplaire de la charte du contribuable vérifié qui indique que le contrôle porte sur les déclarations des années 2012 et 2013 et, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2012 au 28 février 2015. Cet avis précise également qu'au regard des dispositions précitées le droit de reprise ne s'exercerait pas sur l'exercice 2012, si les conditions prévues aux articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales en vigueur au 31 décembre 2014, étaient remplies. Par ailleurs, il ne résulte pas des dispositions précitées qu'il appartenait à l'administration de procéder préalablement au contrôle des années 2013 à 2015 pour constater l'existence de pénalités autres que des intérêts de retard avant d'informer le contribuable qu'elle était autorisée à étendre son contrôle à l'année 2012. L'administration ayant appliqué à M. D... des majorations pour manquement délibéré et manœuvres frauduleuses, il ne pouvait bénéficier de la réduction du délai de reprise en cause. Le moyen doit être écarté. Sur le bien-fondé des impositions : En ce qui concerne la charge de la preuve : 17. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ". Il résulte de ces dispositions que le contribuable supporte la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration lorsque, d'une part, la comptabilité comporte de graves irrégularités et, d'autre part, l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. 18. Il résulte de l'instruction que la comptabilité présentée par M. D..., exploitant d'un restaurant italien sous l'enseigne " Chez Angelo " était entachée de graves irrégularités et a été écartée car dépourvue de valeur probante, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges aux points 10 et 12 de leur jugement dont il convient d'adopter les motifs. Par ailleurs, les rectifications, notifiées dans le cadre de la procédure contradictoire de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, ont été établies sur des bases conformes à l'avis émis par la commission départementale dans sa séance du 20 juin 2016. Par conséquent, la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition incombe à M. D..., en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales. En ce qui concerne le caractère vicié de la méthode de reconstitution : 19. Dans le cadre de ses écritures, M. D... observe que la méthode de reconstitution ainsi utilisée par l'administration est radicalement viciée dans son principe, en faisant valoir que l'administration a constaté l'existence d'une salle d'une capacité de 70 couverts et d'une terrasse de trente couverts et que le restaurant n'était ouvert que cinq jours par semaine. Il en conclut que " le nombre théorique maximum de couverts disponibles en terrasse et en salle sur l'année 2012 serait de 40 220 ", alors que la méthode de reconstitution de l'administration aboutit à considérer que 40 156 couverts ont été servis. Par ailleurs, il relève que la méthode utilisée conduit à considérer qu'en sus du nombre de couverts servis, le restaurant serait en mesure de fournir 13 395 pizzas supplémentaires par an à emporter soit plus de 1 000 pizzas par mois. Au regard de ces éléments, il considère que la méthode retenue est viciée au motif que l'administration n'a pas pris en compte les conditions réelles d'exploitation, ce qui aboutit, selon lui, à des résultats irréalistes et incohérents. 20. Le contribuable à qui incombe la charge de prouver l'exagération d'une reconstitution de ses recettes peut, s'il n'est pas en mesure d'établir le montant exact de ses résultats en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie, en vue de démontrer que cette méthode aboutit, au moins sur certains points et pour un certain montant, à une exagération des bases d'imposition, soit encore, aux mêmes fins, soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode primitivement utilisée par l'administration. A l'appui de sa démonstration, il peut, en cours d'instance, non seulement apporter tous éléments de preuve comptables ou extracomptables, mais aussi se fonder sur des faits reconnus exacts par l'administration, ou dont le juge serait amené, en cas de contestation, à reconnaître l'exactitude. 21. Après avoir écarté la comptabilité de la société comme non probante, le service a reconstitué ses recettes en se fondant sur les données obtenues à partir des traitements informatiques effectués à partir du recoupement des fichiers issus du logiciel de gestion commerciale utilisé par la société. L'administration fiscale s'est appuyée sur l'état des constatations matérielles mentionné au point 4 du présent arrêt, établi de manière contradictoire le 2 avril 2015, sur les données issues des fichiers de la caisse enregistreuse au titre des années 2013, 2014 et 2015 pour déterminer le pourcentage de pizzas servies par rapport aux autres plats, puis le coût moyen d'un repas avec pizza, d'un repas sans pizza et d'une pizza à emporter. La vérificatrice a alors déterminé le nombre de pizzas fabriquées par la méthode " de la farine ", en prenant en compte la quantité de farine achetée en 2012, à laquelle elle a initialement appliqué un taux de perte de 5 %, augmenté à 8 % à la suite de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en date du 20 juin 2016. Si, pour contester la méthode utilisée par le service, M. D... soutient que l'administration a exagéré le chiffre d'affaires compte tenu notamment de la configuration du restaurant et du taux de remplissage de l'établissement, il ne rapporte la preuve qui lui incombe, alors que l'état des constatations matérielles mentionné fait état de 70 places dans la salle principale et de trente-trois places dans une salle attenante à la terrasse, et que l'administration a retenu un nombre de couverts correspondant, pour une activité exercée midi et soir tout au long de l'année, sauf les fins de semaine, à un repas et demi par jour et par place, incluant les ventes à emporter, que la méthode de reconstitution serait, par suite, radicalement viciée ou excessivement sommaire, ni qu'elle ne prendrait pas suffisamment en compte les conditions réelles d'exploitation de son activité. En ce qui concerne la facture fictive : 22. D'une part, en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance. Si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération. 23. D'autre part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. 24. L'administration a, dans le cadre de la proposition de rectification du 26 novembre 2015, écarté comme correspondant à une prestation fictive une facture émise par la SARL Fillat pour un montant de 63 600 euros pour des travaux de reprise de toitures des garages et des terrasses ainsi que la réfection du tuyau des évacuations. Elle a retenu qu'aucun flux financier n'avait été constaté dans la comptabilité de l'entreprise et que la somme en cause a donné lieu à l'inscription d'un crédit au compte courant de M. D.... Dès lors, aucune créance du prestataire n'ayant été constatée en comptabilité, la dépense en cause ne peut être regardée comme ayant été régulièrement comptabilisée. En outre, le constat d'huissier produit par le requérant ne permet pas d'établir la matérialité des travaux en cause, objet d'un devis en 2013, dès lors qu'il ne présente qu'une série de photographies de la toiture des garages prises en novembre 2016. Enfin, si le requérant a produit, à l'appui de ses observations du 20 janvier 2016, une autre facture du 22 avril 2013 qui proviendrait de la même société, cette deuxième facture mentionne des travaux supplémentaires (réfection d'une fontaine) et un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 20 %, alors que celui-ci n'était applicable qu'à compter du 1er janvier 2014. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause, la déduction, au titre des charges déductibles du résultat imposable, des sommes figurant sur cette facture, ainsi que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante.

Sur les pénalités : 25. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". 26. Pour contester l'application de la majoration de 40 %, prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, pour manquement délibéré dont ont été assorties les impositions supplémentaires en litige, M. D... soutient que l'administration fiscale n'a pas démontré que l'infraction à l'origine du rehaussement a été commise sciemment. Toutefois, il ressort de l'instruction que pour justifier l'application de la pénalité mentionnée au a) de l'article 1729 précité du code général des impôts, l'administration s'est fondée notamment sur une importante minoration de recettes et une insuffisance de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée. Par ailleurs en tenant une comptabilité dont les écritures ne peuvent justifier les résultats et en particulier le chiffre d'affaires déclaré, le requérant a enfreint les prescriptions légales quant à la tenue d'une comptabilité régulière et probante. En retenant ces éléments, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention de M. D... d'éluder l'impôt et, par suite, le caractère délibéré des manquements qui lui sont reprochés. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a infligé à l'intéressé les pénalités en litige. 27. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus de sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).Délibéré après l'audience du 7 septembre 2022, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- Mme Boizot, première conseillère,- Mme Lorin, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 23 septembre 2022. La rapporteure,S. B...Le président,S. CARRERE La greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 21PA02234 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02234
Date de la décision : 23/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELARL AVODIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-09-23;21pa02234 ?
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