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12/08/2022 | FRANCE | N°20PA03708

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 12 août 2022, 20PA03708


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner in solidum le groupe hospitalier Sud Ile-de-France et son assureur la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser, en réparation des préjudices que lui ont causé diverses fautes dans sa prise en charge médicale consécutive à son accident du 20 octobre 2009, une somme totale de 506 612,31 euros.

Par un jugement n° 1708254 du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Melun a condamné solidairement le grou

pe hospitalier Sud Ile-de-France et la SHAM à verser à M. F... la somme de 11 465...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner in solidum le groupe hospitalier Sud Ile-de-France et son assureur la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser, en réparation des préjudices que lui ont causé diverses fautes dans sa prise en charge médicale consécutive à son accident du 20 octobre 2009, une somme totale de 506 612,31 euros.

Par un jugement n° 1708254 du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Melun a condamné solidairement le groupe hospitalier Sud Ile-de-France et la SHAM à verser à M. F... la somme de 11 465,33 euros en réparation de ses préjudices.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2020, et un mémoire en réplique, enregistré le

7 juillet 2021, M. F..., représenté par Me Scharr, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1708254 du 2 octobre 2020 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner in solidum le groupe hospitalier Sud Ile-de-France et son assureur la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser la somme totale de 539 002,33 euros, à titre subsidiaire, celle de 524 556,23 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2017 avec capitalisation ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise judiciaire si la cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée au regard des discordances entre les différentes démonstrations médicales soumises à son appréciation ;

4°) de mettre à la charge in solidum du groupe hospitalier Sud Ile-de-France et de la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) les sommes de 2 000 et 4 000 euros au titre des frais respectivement exposés en première instance et en appel, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens.

Il soutient que :

- le jugement du tribunal administratif est insuffisamment motivé ;

- la responsabilité du centre hospitalier Marc Jacquet, devenu groupe hospitalier Sud Ile-de-France, est engagée à son égard sur le fondement des articles L. 1142-1, R. 4127-32 et R. 4127-33 du code de la santé publique dès lors qu'une faute technique a été commise lors de l'intervention d'ostéosynthèse qu'il a subie le 20 octobre 2009 ;

- elle l'est également en raison de la pose d'un garrot non conforme aux règles de l'art dans les suites opératoires ;

- elle l'est aussi du fait du caractère incomplet de son dossier médical ;

- le diagnostic de complications a par ailleurs été tardif et la prise en charge de sa douleur a été défectueuse ;

- ces fautes ont entraîné des troubles vasculaires, une thrombose de l'artère fémorale et la nécessité d'effectuer un pontage prothétique et non veineux ;

- l'absence de précaution lors de l'intervention et le retard fautif dans le diagnostic sont également à l'origine de douleurs permanentes et invalidantes, de complications, et de l'obligation de prendre des traitements ;

- ses demandes d'indemnisation, actualisées, sont recevables ;

- les préjudices subis s'établissement comme suit :

* 6 570,06 euros au titre de ses gains professionnels actuels,

* 20 320,56 euros au titre de l'assistance par une tierce personne avant consolidation,

* 91 214,10 euros au titre de l'assistance par une tierce personne après consolidation ; à titre subsidiaire, à 76 768 euros si les frais de véhicule adapté sont indemnisés,

* 80 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

* 127 633,10 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs,

* 35 309,76 euros au titre des frais de véhicule adapté,

* 7 454,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 35 000 euros au titre des souffrances endurées,

* 3 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

* 40 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

* 7 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

* 20 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

* 35 000 euros au titre du préjudice sexuel,

* 30 000 euros au titre du préjudice d'établissement,

- si besoin est, une expertise devra être ordonnée sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, et confiée à un chirurgien orthopédiste, assisté le cas échéant d'un sapiteur chirurgien vasculaire.

Par des mémoires, enregistrés le 4 mars 2021 et le 6 mai 2021, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, représentée par Me Archambault, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1708254 du 2 octobre 2020 du tribunal administratif de Melun en ce qu'il a statué sans l'avoir au préalable invitée à chiffrer le montant de ses prétentions ;

2°) à titre principal, de condamner solidairement le groupe hospitalier Sud Ile-de-France et la société d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser la somme provisoire de 6 201,60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2017 ;

3°) de condamner in solidum le groupe hospitalier Sud Ile-de-France et la SHAM à lui payer la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

4°) à titre subsidiaire, de faire droit à la demande d'expertise sollicitée par M. F... aux frais avancés par ce dernier ;

5°) en tout état de cause, de condamner in solidum le groupe hospitalier Sud Ile-de-France et la SHAM à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande est recevable dès lors que le tribunal administratif de Melun s'est abstenu de l'inviter à chiffrer sa demande alors qu'il en avait l'obligation ; en l'absence d'invitation à régulariser celle-ci, le jugement est irrégulier et elle peut déterminer, pour la première fois en appel, le montant de sa créance ; au surplus, sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion est recevable en appel, quand bien même n'aurait-elle pas été soumise aux premiers juges ;

- la responsabilité du groupe hospitalier Sud Ile-de-France est engagée en raison d'un retard de diagnostic et elle est ainsi fondée à lui réclamer, ainsi qu'à son assureur, le remboursement des prestations versées au titre des préjudices et imputables à cette faute, soit la somme provisoire de 6 201,60 euros au titre des indemnités journalières versées au requérant en 2010.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2021, le groupe hospitalier Sud Ile-de-France et la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par Me Le Prado, concluent au rejet de la requête de M. F... et de la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité du groupe hospitalier Sud Ile-de-France ne saurait être engagée qu'au titre du retard de diagnostic entre les mois de janvier et juin 2010 ;

- un tel retard est dépourvu de lien de causalité avec la réalisation d'un pontage prothétique au détriment d'un pontage veineux ;

- les conclusions indemnitaires de M. F... sont irrecevables en tant qu'elles excèdent le montant sollicité devant les premiers juges ;

- les sommes allouées par ces derniers au titre de la perte de gains professionnels actuels, de l'assistance par une tierce personne temporaire, du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées et du préjudice esthétique temporaire devront être confirmées et les autres demandes indemnitaires, rejetées ;

- une expertise judicaire, telle que demandée à titre subsidiaire, n'est ni nécessaire ni utile à la solution du litige ;

- les conclusions présentées pour la première fois en appel par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne sont irrecevables.

Par ordonnance du 30 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 20 octobre 2009, victime d'une chute dans les escaliers à son domicile, M. F... a été transporté au centre hospitalier Marc Jacquet, devenu le groupe hospitalier Sud

Ile-de-France, où une fracture du condyle externe du genou gauche a été diagnostiquée. Le jour même, une ostéosynthèse avec triple vissage du fémur distal a été pratiquée. Les suites immédiates de l'intervention chirurgicale ont été marquées par l'apparition et la persistance de vives douleurs au genou. Des antalgiques ont été prescrits au patient et une radiographie du genou a été réalisée le

20 janvier 2010 ainsi qu'une scintigraphie le 23 février 2010. Le 2 mars 2010, les vis ont été retirées. Du fait de la persistance des douleurs et de l'apparition d'abord d'une fissure puis d'une escarre talonnière, un écho-doppler des membres inférieurs a été pratiqué le 9 juillet 2010 qui a mis en évidence une occlusion étendue de l'artère poplitée gauche, qualifiée de thrombose de l'artère fémorale gauche à la suite d'un angioscanner réalisé le 12 août 2010. Cette thrombose a nécessité un pontage prothétique, effectué le 6 septembre 2010 à la clinique des Fontaines de Melun. Le 7 février 2013, M. F... a subi une thrombectomie du trépied fémoral gauche permettant la désobstruction de l'artère fémoral profonde ainsi qu'une récupération du pontage prothétique fémoro-tibial postérieur. Dans le cadre d'une procédure amiable, des rapports d'expertise ont été établis le 4 août 2011 par un médecin mandaté par l'assureur de M. F..., le 2 juillet 2012 par un médecin mandaté par l'assureur du centre hospitalier et le 19 décembre 2016 par un médecin mandaté par M. F.... Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 4 octobre 2017, ce dernier a demandé au groupe hospitalier Sud Ile-de-France de l'indemniser des préjudices qu'il estimait avoir subis en raison des fautes imputées à l'hôpital à l'occasion de sa prise en charge. Le 24 octobre suivant, il a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande d'indemnisation à hauteur de la somme totale de 506 612,31 euros. M. F... relève appel du jugement du 2 octobre 2020 en tant que le tribunal administratif a limité la condamnation solidaire en réparation de ses préjudices du groupe hospitalier Sud Ile-de-France et de son assureur, la SHAM, à la somme de 11 465,33 euros. La caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne intervient à l'instance et demande à la cour de lui allouer la somme de 6 201,60 euros au titre de ses débours. Le groupe hospitalier Sud Ile-de-France et la SHAM concluent au rejet des demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Si M. F... soutient que le jugement du tribunal administratif de Melun est insuffisamment motivé au regard de l'ensemble des pièces produites et reproche aux premiers juges de s'être fondés sur des rapports médicaux non contradictoires, contestables et lacunaires, émanant des médecins-conseils successifs mandatés par les compagnies d'assurance, il ressort toutefois des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont longuement et précisément répondu aux moyens soulevés devant eux par le requérant, et ont suffisamment répondu à l'argumentation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué, au demeurant relatif en réalité au bien-fondé du jugement, ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, aux termes du huitième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, relatif au recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale contre le responsable d'un accident ayant entraîné un dommage corporel : " L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement (...) ". Il appartient au juge administratif d'assurer, en tout état de la procédure, le respect de ces dispositions. Ainsi, le tribunal administratif, saisi par la victime d'une demande tendant à la réparation du dommage corporel par l'auteur de l'accident doit appeler en cause la caisse à laquelle la victime est affiliée et la cour administrative d'appel, saisie dans le délai légal d'un appel de la victime, doit également appeler en cause cette même caisse, la méconnaissance de ces obligations entachant le jugement ou l'arrêt d'une irrégularité que le juge d'appel ou le juge de cassation doit, au besoin, relever d'office. Toutefois, lorsqu'un jugement ayant statué sur des conclusions indemnitaires de la victime fait l'objet d'un appel de cette dernière, la caisse appelée en cause par la cour administrative d'appel ne peut régulièrement présenter devant le juge d'appel d'autres conclusions que celles de sa demande de première instance, en y ajoutant seulement, le cas échéant, celles tendant au remboursement des prestations servies à la victime postérieurement à l'intervention du jugement. Il n'en va différemment que si le tribunal a, à tort, omis de mettre la caisse en cause devant lui, auquel cas celle-ci peut obtenir, le cas échéant d'office, l'annulation du jugement en tant qu'il statue sur les préjudices au titre desquels elle a exposé des débours et présenter ainsi, pour la première fois devant le juge d'appel, des conclusions tendant au paiement de l'ensemble de ces sommes.

5. Par suite, lorsqu'une caisse, pourtant régulièrement appelée en cause en première instance, n'a pas présenté de conclusions devant le tribunal administratif, cette circonstance est sans incidence sur l'obligation qui incombe à la cour administrative d'appel, saisie d'un appel contre ce jugement, de la mettre en cause. Elle fait en revanche obstacle à ce que la caisse présente devant la cour administrative d'appel des conclusions tendant au remboursement de sommes exposées par elle antérieurement au jugement de première instance.

6. Il ressort des pièces du dossier que la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, bien qu'appelée en cause devant le tribunal administratif de Paris, s'est bornée, par un mémoire enregistré le 16 avril 2018 au greffe du tribunal administratif, à indiquer qu'elle " n'a[vait] pas d'observation particulière à formuler et demand[ait] à bénéficier, au cas où la responsabilité du centre hospitalier de Melun serait reconnue par la juridiction, de la plénitude de ses actions récursoires conformément à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Dans ce cas, [elle] fera[it] connaître le montant des prestations patrimoniales exclusivement imputables aux faits en cause. ". Par suite, ainsi qu'il est dit au point 4 ci-dessus, d'une part elle n'est susceptible de se voir régulièrement octroyer en appel que le remboursement des seules prestations nouvelles servies, le cas échéant, à M. F... postérieurement à l'intervention du jugement du tribunal administratif et, d'autre part, elle n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il omet de statuer sur le remboursement des frais qu'elle a exposés avant le 2 octobre 2020.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur la responsabilité du groupe hospitalier Sud Ile-de-France :

7. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

En ce qui concerne les fautes médicales alléguées dans la réalisation de l'acte chirurgical du 20 octobre 2009 :

8. En premier lieu, M. F... soutient qu'une faute a été commise par le chirurgien qui l'a opéré le 20 octobre 2009 dès lors que celui-ci lui aurait déclaré, lors de la consultation de contrôle du 21 janvier 2010, à la suite de la réalisation d'un bilan radiographique, qu'une des vis était de travers et limait la rotule, tandis que les deux autres vis étaient trop longues, " accrochant la chair ", mais aurait attendu le 2 mars 2010 pour procéder au retrait des trois vis d'ostéosynthèse, alors que le patient lui avait fait part des vives douleurs qu'il ressentait. Si le rapport d'expertise établi le

19 décembre 2016 par le docteur H..., chirurgien mandaté par le requérant, estime " qu'il faut noter d'emblée une malfaçon thérapeutique, avec une vis strictement intra-articulaire avec un conflit au niveau de la rotule qui sera d'ailleurs perceptible lors de la rééducation [et que] cette malfaçon était immédiatement perceptible sur les clichés post­opératoires du lendemain et aurait dû entraîner une reprise chirurgicale dans la foulée ", d'une part il n'indique pas, sur ces clichés, où se situerait ce conflit entre la vis et l'articulation et, d'autre part, les rapports d'expertise établis respectivement les 4 août 2011 et 2 juillet 2012 par le docteur A..., chirurgien et médecin légiste, et le docteur G... qui, contrairement à ce qu'indique le requérant, ont examiné l'ensemble de l'imagerie médicale concernant le patient, ne font pas état d'une telle malfaçon thérapeutique. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que ni ces deux derniers rapports d'expertise, ni aucune autre pièce du dossier ne permettent d'établir l'existence à ce titre d'une faute de nature à engager la responsabilité du groupe hospitalier Sud Ile-de-France.

9. En second lieu, M. F... soutient que le chirurgien qui a procédé à l'intervention du

20 octobre 2009 aurait commis une faute lors de la pose du garrot, à l'origine de ses difficultés vasculaires ultérieures, et se prévaut à cet égard du rapport d'expertise du 19 décembre 2016 et de la note technique du 27 novembre 2020 établis par le docteur H..., lequel, procédant par élimination, impute en effet la thrombose de l'artère fémorale dont le requérant a été victime à une mauvaise utilisation du garrot. Toutefois, d'une part, la méthode déductive utilisée par le docteur H..., par exclusion des autres causes potentielles, ne permet pas d'établir positivement que la pose du garrot lors de l'intervention initiale, soit qu'il ait été gonflé excessivement, soit qu'il ait été mal positionné, serait la cause des troubles trophiques subis ultérieurement par M. F.... D'autre part, il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise établis les 4 août 2011 et

2 juillet 2012 par les docteurs A... et G..., dont les constatations sont sur ce point circonstanciées et concordantes, que l'intervention chirurgicale du 20 octobre 2009 (ostéosynthèse par vis par voie externe) ne peut pas être regardée comme étant à l'origine de ces troubles constatés ultérieurement dès lors que l'axe poplité est postérieur et éloigné de l'abord chirurgical et qu'il n'y a pas de contiguïté entre le plan osseux et l'axe vasculaire à ce niveau, et que l'hypothèse d'une pose défectueuse du garrot n'est corroborée par aucune pièce du dossier, notamment du compte-rendu opératoire. La thrombose de l'artère fémorale superficielle gauche dans sa portion distale jusqu'à l'artère poplitée, qui est probablement contemporaine de l'accident survenu le 20 octobre 2009, trouve vraisemblablement sa cause dans l'accident lui-même, à l'origine d'un traumatisme (flap) de l'intima artérielle sur une rupture sous-adventitielle de l'axe fémoro-poplité dans sa portion inférieure, qui s'est ensuite progressivement thrombosé, provoquant l'apparition d'un œdème et d'une nécrose cutanée talonnière, sans lien avec l'intervention chirurgicale du 20 octobre 2009, cette analyse étant au demeurant corroborée par le certificat médical établi le 12 août 2010 par le docteur D..., chirurgien vasculaire à la clinique Les Fontaines, qui indique que la thrombose artérielle fémoral fait suite au traumatisme du genou subi par M. F.... Par suite, il ne résulte pas de l'instruction qu'un manquement fautif aux règles de l'art aurait été commis lors de l'intervention chirurgicale du 20 octobre 2009, de nature à engager la responsabilité du groupe hospitalier Sud Ile-de-France.

En ce qui concerne le retard de diagnostic fautif :

10. Comme l'ont justement retenu les premiers juges, il résulte de l'instruction, et notamment des trois rapports d'expertise sus-évoqués, qu'en dépit d'une symptomatologie douloureuse persistante et croissante concernant l'avant-pied et le pied gauche du patient, qui ont motivé la consultation, le 20 janvier 2010, du chirurgien qui l'avait opéré et qui le suivait en post-opératoire, puis de l'apparition d'une fissure au talon évoluant vers une escarre talonnière douloureuse qui allait croissant, nécessitant une prise en charge dans un centre anti-douleur, les consultations successives n'ont évoqué qu'une algoneurodystrophie, à la suite d'une scintigraphie osseuse réalisée le 23 février 2010, et des problèmes dermatologiques (présence d'un Pseudomonas aeruginosa), et M. F... a subi des traitements par calcitonine, un traitement antibiotique à compter du 30 avril 2010, renouvelé, des traitements antalgiques au centre anti-douleur de la clinique l'Hermitage de Dammarie-les-Lys à compter du 19 mai 2010 et de la kinésithérapie associée à de la balnéothérapie. Ce n'est que le 9 juillet 2010 qu'un écho-doppler artériel des membres inférieurs a mis en évidence une occlusion étendue de l'artère poplitée gauche avec une ré-entrée d'aval médiocre, des axes de jambe amortis et une artère tibiale antérieure gauche probablement occluse et que, le 12 août 2010, un angioscanner des membres inférieurs a confirmé la thrombose de l'artère fémorale superficielle gauche dans sa portion distale jusqu'à l'artère poplitée avec une reprise en charge des axes jambiers par des artères musculaires. Eu égard aux doléances émises par le patient à partir de janvier 2010, date à laquelle l'expert G... relève que " tous les signes de l'ischémie nécrose sont au complet ", et au vu des troubles tropiques cutanés, des investigations vasculaires auraient dû être effectuées, ce qui n'a pas été le cas avant qu'un écho-doppler ne soit prescrit le 23 juin 2010, qui a été réalisé le 9 juillet 2010 comme il a été dit. Comme l'ont justement estimé les premiers juges, il en résulte qu'une insuffisance d'examens et de recherche diagnostique étiologique est imputable au groupe hospitalier Sud Ile-de-France entre le 20 janvier 2010 et le 23 juin 2010, constitutif d'un retard diagnostique fautif d'une durée de cinq mois, qui n'est pas contesté par le groupe hospitalier Sud Ile-de-France et par son assureur.

En ce qui concerne les fautes alléguées dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier :

11. Aux termes de l'article R. 1112-2 du code de la santé publique : " Un dossier médical est constitué pour chaque patient hospitalisé dans un établissement de santé public ou privé. Ce dossier contient au moins les éléments suivants, ainsi classés : / 1° Les informations formalisées recueillies lors des consultations externes dispensées dans l'établissement, lors de l'accueil au service des urgences ou au moment de l'admission et au cours du séjour hospitalier, et notamment : / a) La lettre du médecin qui est à l'origine de la consultation ou, en cas d'admission, la lettre de liaison prévue à l'article R. 1112-1-1 ; / b) Les motifs d'hospitalisation ; / c) La recherche d'antécédents et de facteurs de risques ; / d) Les conclusions de l'évaluation clinique initiale ; / e) Le type de prise en charge prévu et les prescriptions effectuées à l'entrée ; / f) La nature des soins dispensés et les prescriptions établies lors de la consultation externe ou du passage aux urgences ; / g) Les informations relatives à la prise en charge en cours d'hospitalisation : état clinique, soins reçus, examens para-cliniques, notamment d'imagerie ; / h) Les informations sur la démarche médicale, adoptée dans les conditions prévues à l'article L. 1111-4 ; / i) Le dossier d'anesthésie ; / j) Le compte rendu opératoire ou d'accouchement ; / k) Le consentement écrit du patient pour les situations où ce consentement est requis sous cette forme par voie légale ou réglementaire ; / l) La mention des actes transfusionnels pratiqués sur le patient et, le cas échéant, copie de la fiche d'incident transfusionnel mentionnée au deuxième alinéa de l'article R. 1221-40 ; / m) Les éléments relatifs à la prescription médicale, à son exécution et aux examens complémentaires ; / n) Le dossier de soins infirmiers ou, à défaut, les informations relatives aux soins infirmiers ; / o) Les informations relatives aux soins dispensés par les autres professionnels de santé ; / p) Les correspondances échangées entre professionnels de santé ; / q) Les directives anticipées mentionnées à l'article L. 1111-11 ou, le cas échéant, la mention de leur existence ainsi que les coordonnées de la personne qui en est détentrice. / 2° Les informations formalisées établies à la fin du séjour. Elles comportent notamment : / a) La lettre de liaison remise à la sortie prévue par l'article R. 1112-1-2 ; / b) La prescription de sortie et les doubles d'ordonnance de sortie ; / c) Les modalités de sortie (domicile, autres structures) ; / d) La fiche de liaison infirmière ; / 3° Les informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant de tels tiers. / Sont seules communicables les informations énumérées aux 1° et 2°. ". Aux termes de l'article R. 1112-7 du même code : " Les informations concernant la santé des patients sont soit conservées au sein des établissements de santé qui les ont constituées, soit déposées par ces établissements auprès d'un hébergeur dans le respect des dispositions de l'article L. 1111-8. / Le directeur de l'établissement veille à ce que toutes dispositions soient prises pour assurer la garde et la confidentialité des informations ainsi conservées ou hébergées. / Le dossier médical mentionné à l'article R. 1111-2 est conservé pendant une durée de vingt ans à compter de la date du dernier séjour de son titulaire dans l'établissement ou de la dernière consultation externe en son sein. Lorsqu'en application des dispositions qui précèdent, la durée de conservation d'un dossier s'achève avant le vingt-huitième anniversaire de son titulaire, la conservation du dossier est prorogée jusqu'à cette date. Dans tous les cas, si la personne titulaire du dossier décède moins de dix ans après son dernier passage dans l'établissement, le dossier est conservé pendant une durée de dix ans à compter de la date du décès. Ces délais sont suspendus par l'introduction de tout recours gracieux ou contentieux tendant à mettre en cause la responsabilité médicale de l'établissement de santé ou de professionnels de santé à raison de leurs interventions au sein de l'établissement. / A l'issue du délai de conservation mentionné à l'alinéa précédent et après, le cas échéant, restitution à l'établissement de santé des données ayant fait l'objet d'un hébergement en application de l'article L. 1111-8, le dossier médical peut être éliminé. La décision d'élimination est prise par le directeur de l'établissement après avis du médecin responsable de l'information médicale. Dans les établissements publics de santé et les établissements de santé privés habilités à assurer le service public hospitalier, cette élimination est en outre subordonnée au visa de l'administration des archives, qui détermine ceux de ces dossiers dont elle entend assurer la conservation indéfinie pour des raisons d'intérêt scientifique, statistique ou historique. ".

12. M. F... soutient que son dossier médical est incomplet en ce qu'il ne comprend ni la traçabilité relative à la pose du garrot lors de l'intervention chirurgicale du 20 octobre 2009 et ni les compte-rendus de consultations de contrôle du docteur C..., qui l'a suivi en post-opératoire, l'absence de ces éléments lui portant préjudice.

13. D'une part, il ressort toutefois du compte-rendu opératoire de l'intervention chirurgicale du 20 octobre 2009 qu'il y est indiqué " Sous rachianesthésie, en décubitus dorsal, garrot à la racine du membre qu'on gardera 1/2 h environ ", alors que le requérant ne précise pas ce qu'il entend par l'exigence d'une " traçabilité relative à la pose du garrot lors de l'intervention chirurgicale " ni par quelle autre mention, ou quel autre document, le compte-rendu opératoire aurait dû être complété. D'autre part, le rapport d'expertise établi le 2 juillet 2012 par le docteur G... indique que le patient a été revu le 2 décembre 2009 par le chirurgien opérateur, qui a noté une consolidation en cours sans déplacement, une mobilité aux alentours de 0-45° et qui prévoyait de continuer la rééducation sans appui (les rapports d'expertise A... et H... indiquant la date du

3 décembre 2009 pour cette consultation), puis le 20 janvier 2010, un nouveau bilan radiographique étant alors réalisé et le chirurgien opérateur décidant alors du retrait du matériel d'ostéosynthèse du fait d'une gêne au niveau du genou. La circonstance que les compte-rendus de consultations de contrôle, en post-opératoire, n'aient pas été versés au dossier n'est toutefois pas, en tant que telle, de nature à établir l'existence d'un manquement fautif de l'établissement de santé dans la prise en charge du patient et n'a pas, dans les circonstances de l'espèce et dès lors que les trois rapports d'expertise médicale, ainsi que la note complémentaire à l'un d'entre eux, ont pris en considération l'évolution post-opératoire de l'état du patient, préjudicié à l'instruction, la faute de l'établissement public hospitalier ayant été établie nonobstant cette absence, comme il a été dit ci-dessus.

Sur les conséquences dommageables du retard fautif de diagnostic :

14. En premier lieu, M. F... soutient que le retard fautif de diagnostic a eu pour conséquence qu'un pontage prothétique a dû être réalisé lors de l'intervention chirurgicale du

6 septembre 2010, au lieu d'une simple homogreffe veineuse (en utilisant, par un prélèvement, les propres veines du patient), et qu'un tel choix thérapeutique aurait pour conséquence que l'artère artificielle devra être régulièrement remplacée en moyenne tous les six ans par une intervention chirurgicale, et induit des risques particuliers, comme cela s'est produit en février 2013 lorsque le pontage s'est obstrué, nécessitant une nouvelle intervention. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du compte-rendu de l'opération réalisée le 6 septembre 2010 à la clinique Les Fontaines à Melun, d'un courrier adressé le 13 septembre 2010 par le chirurgien opérateur au médecin traitant de M. F... et des rapports d'expertise médicaux des docteurs A... et G..., que lors de l'intervention un pontage veineux, par l'utilisation la veine saphène interne inversée postérieure, a d'abord été tenté, mais que lors de la dissection de cette veine il s'est avéré que si celle-ci, sur les premiers vingt centimètres, avait un calibre tout à fait satisfaisant, elle présentait ensuite une première bifurcation avec un calibre diminué, puis bifurquait à nouveau au niveau du genou, présentant ainsi un calibre qui n'était pas acceptable pour un pontage, ce qui a conduit à l'abandon de cette tentative de pontage veineux pour poursuivre l'intervention en ayant recours à un pontage prothétique. Par suite, le choix effectué de procéder, en cours d'intervention, à un pontage prothétique inerte plutôt qu'à un pontage autologue veineux, qui tient uniquement à la configuration de la veine saphène interne du patient, est sans lien avec le retard fautif de diagnostic. Comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges, en l'absence de lien de causalité entre le retard fautif de diagnostic et le recours à un pontage prothétique lors de l'intervention chirurgicale du 6 septembre 2010, les conséquences dommageables à moyen et long terme de cette intervention, à les supposer établies, ne peuvent donc être regardées comme imputables au groupe hospitalier Sud Ile-de-France.

15. En second lieu, il résulte de ce qui précède que M. F... n'est fondé à demander la réparation des seuls préjudices occasionnés directement par le retard fautif de diagnostic d'une durée de cinq mois entre les mois de janvier 2010 (le 20 janvier 2010, M. F... a consulté pour une symptomatologie douloureuse) et de juin 2010 (le 23 juin 2010, lors d'une nouvelle consultation, un examen par écho-doppler a été prescrit), qui doivent être réparés dans leur intégralité, soit, pendant cette période, la perte de gains professionnels, le coût d'une assistance par une tierce personne, les souffrances endurées, le déficit fonctionnel temporaire et le préjudice esthétique temporaire, à l'exclusion des préjudices permanents dont M. F... demande l'indemnisation (l'assistance par une tierce personne après consolidation, l'incidence professionnelle, la perte de gains professionnels futurs, les frais d'adaptation d'un véhicule, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice esthétique permanent, le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel et le préjudice d'établissement), qui n'ont pas été causés par le retard fautif de diagnostic.

Sur les conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à ce qu'une expertise médicale complémentaire soit diligentée :

16. Il résulte de l'instruction que trois expertises médicales ont été réalisées, le 4 août 2011 par un médecin mandaté par l'assureur de M. F..., le 2 juillet 2012 par un médecin mandaté par l'assureur du centre hospitalier et le 19 décembre 2016 par un médecin mandaté par M. F..., qu'un certificat médical a été établi le 12 août 2010 par le chirurgien vasculaire qui a opéré le patient à la clinique Les Fontaines le 6 septembre 2010, que l'un des rapports d'expertise médicale a été complété par une note et que de très nombreux documents médicaux ont été versés au dossier, dont les compte-rendus opératoires des interventions chirurgicales du 20 octobre 2009 et du

6 septembre 2010. Dans ces conditions, et bien que les trois expertises médicales qui ont été réalisées ne l'ont pas été dans les conditions prescrites par les articles R. 621-1 à R. 621-14 du code de justice administrative, il n'apparaît pas qu'une nouvelle expertise médicale pourrait apporter des éléments nouveaux utiles à la solution du litige ; elle serait dès lors frustratoire. Par suite, les conclusions susvisées tendant à ce qu'une expertise médicale complémentaire soit diligentée doivent être rejetées.

Sur les préjudices :

S'agissant de la perte de gains professionnels :

17. Il résulte de l'instruction, et notamment des trois rapports d'expertise médicale susmentionnés, que le retard fautif de diagnostic de cinq mois, entre le 20 janvier 2010 et le 23 juin 2010, dont a été victime M. F... a entraîné pour lui un arrêt de son activité professionnelle plus long que celui qui aurait pu être initialement envisagé compte tenu de la lésion fracturaire survenue le 20 octobre 2009. Alors qu'il ressort des bulletins de paie produits que M. F... a perçu un salaire net mensuel moyen de 1 993,32 euros d'octobre 2008 à septembre 2009, pendant l'année précédant son accident, il a perçu, comme revenu de remplacement pendant la période considérée (du 20 janvier 2010 au 23 juin 2010, soit pendant 155 jours), d'une part des indemnités journalières de 40,80 euros soit, pour 155 jours, 6 324 euros, dont il convient de déduire la contribution sociale généralisée et le remboursement de la dette sociale, soit au total, à ce titre, 5 900,81 euros et, d'autre part, comme il ressort des bulletins de paie qu'il a produits, 2 242,14 euros de son employeur, soit un revenu total de remplacement de 8 028,74 euros. Par suite, la perte de revenus de M. F..., pendant la période en cause, a été de 2 015 euros. Il s'ensuit qu'il y a lieu de porter à cette somme de 2 015 euros la somme de 826,33 euros qui avait été allouée par les premiers juges à ce titre.

S'agissant de l'assistance par une tierce personne :

18. Lorsque, au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée.

19. Il résulte de l'instruction que, sur la période considérée allant du 20 janvier au 23 juin 2010, M. F... a nécessité une aide partielle de sa compagne pour la toilette, l'habillage et l'administration, une aide importante pour la préparation des repas et les déplacements, et une aide complète pour l'entretien du domicile, les courses et le transport de charges lourdes, à raison de trois heures par jour au total, sept jours sur sept, en prenant en considération l'hospitalisation de trois jours de M. F... du 1er au 3 mars 2010 à l'hôpital Marc Jacquet à Melun pour l'ablation des vis de l'ostéosynthèse pendant laquelle aucune aide extérieure ne lui a été nécessaire. Dans ces conditions, il convient, à ce titre, sur la base d'un taux horaire de 18 euros, de porter la somme de 5 889 euros qui a été allouée par les premiers juges à la somme de 8 208 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

20. Il résulte de l'instruction, et notamment des trois rapports d'expertise médicale susmentionnés, que M. F... a subi des douleurs liées au retard fautif de diagnostic et à l'absence de réalisation chirurgicale immédiate d'un pontage. Par suite, en tenant compte de la part des douleurs inhérentes à la survenue même de son accident, qui ne sont pas imputables à la faute du groupe hospitalier, qu'il y a lieu d'évaluer ces souffrances directement en lien avec la faute à 2,5 sur une échelle de 7. Les premiers juges en ont fait une juste appréciation en fixant le montant de leur indemnisation à la somme de 3 000 euros.

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

21. Il résulte de l'instruction, et notamment des trois rapports d'expertise médicale susmentionnés, que M. F... a souffert d'un déficit fonctionnel temporaire de 50% lié au retard fautif de diagnostic pendant la période considérée de cinq mois, sauf pendant les trois jours d'hospitalisation du 1er au 3 mars 2010 à l'hôpital Marc Jacquet à Melun pour l'ablation des vis de l'ostéosynthèse, qui est sans lien avec le retard fautif. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant le montant de son indemnisation à la somme de 1 250 euros.

S'agissant du préjudice esthétique temporaire :

22. Il résulte de l'instruction, et notamment des trois rapports d'expertise médicale susmentionnés, que, compte tenu du retard fautif de diagnostic de cinq mois, M. F... a souffert de douleurs et d'une fissure au talon évoluant en escarre, nécessitant notamment le port de pansements et l'usage de cannes pour aider à la marche plus important que ce qui aurait été nécessaire à la suite de son accident. Dans ces conditions, les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice temporaire en fixant le montant de son indemnisation à la somme de 500 euros.

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne :

23. Comme il a été dit ci-dessus au point 4, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, pourtant régulièrement appelée en cause en première instance, n'a pas présenté de conclusions chiffrées devant le tribunal administratif. Elle demande en appel que la somme de

6 201,60 euros, correspondant aux indemnités journalières qu'elle a servies à son assuré social du

1er janvier 2010 au 1er juin 2010, lui soit remboursée. Toutefois, dès lors qu'il s'agit d'une somme exposée par elle antérieurement au jugement de première instance mis à disposition au greffe le

2 octobre 2020, elle n'est pas fondée à en demander le remboursement.

24. Pour les mêmes motifs, sa demande tendant au remboursement de la somme de 1 098 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale doit être rejetée.

Sur les frais liés à l'instance :

25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire du groupe hospitalier Sud Ile-de-France et de la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) le paiement à M. F... de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge solidaire du groupe hospitalier Sud Ile-de-France et de la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante au regard de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, le paiement à celle-ci de la somme qu'elle demande au titre des frais liés à l'instance et exposés par elle.

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité de 11 465,33 euros que le groupe hospitalier Sud Ile-de-France et la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) ont été condamnés solidairement à verser à M. F... en réparation de ses préjudices est portée à la somme de 14 973 euros. Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. F... est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne sont rejetées.

Article 4 : Le groupe hospitalier Sud Ile-de-France et la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), pris solidairement, verseront à M. F... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F..., au groupe hospitalier Sud Ile-de-France, à la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) et à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience publique du 7 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 août 2022.

Le rapporteur,

M-D. B...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULINLa République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03708


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS SCHARR

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 12/08/2022
Date de l'import : 23/08/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20PA03708
Numéro NOR : CETATEXT000046179969 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-08-12;20pa03708 ?
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